Haïti a son musée « Lave Je » !

Découvrir la richesse et la diversité des œuvres des arts plastiques et visuels en dehors de la capitale haïtienne est possible. Des poteries, des peintures, des sculptures et d’autres formes d’expressions artistiques locales enrichissent la collection du musée « Lave Je ». À l’image de certains centres d’interprétation et des musées communautaires et traditionnels découverts dans un grand nombre de pays du Sud, en Afrique, et au Bénin en particulier, ce nouvel équipement se propose d’offrir un nouveau regard (nettoyé) aux visiteurs. 

Défendre le patrimoine devient un devoir de mémoire pour les esprits les plus avisés en Haïti. N'est-ce pas que Cheikh Anta Diop disait: « Formez-vous, armez-vous des sciences jusqu'aux dents (...) et arrachez votre patrimoine culturel. ».   

Depuis l’inauguration du musée des arts et des traditions populaires dénommé « Lave Je », le 6 septembre 2022, cet espace offre plus de 1000 m2 d’expositions permanentes et temporaires réparties sur deux niveaux : interne et externe, rapporte l’un des responsables le professeur Délide Joseph, tout en soulignant que « 3.000 objets sont exposés en permanence ».

Depuis 2006 des objets du quotidien en voie de disparition sont collectionnés par son fondateur et responsable, Délide Joseph, docteur en histoire, chercheur et conservateur. Ce musée à caractère ethnographique est situé sur l’habitation « Granchimen », sur l’ancienne route conduisant à Caracol. « Il donne à voir une image mythique et idyllique de la société haïtienne traditionnelle, rurale et populaire, depuis la période coloniale jusqu’au XXIe siècle. Les collections issues de la culture matérielle d’Haïti constituent à présent un fonds exceptionnel pour la mise en valeur de la civilisation d’Haïti et du monde noir. », rapporte ce dernier.

Découvrons cet espace : « Le niveau interne du musée “Lave Je”, abrite les objets du quotidien plutôt fragiles. Les objets proviennent de la région du Grand Nord particulièrement : mobilier, textiles, ustensiles domestiques, vêtements religieux et sacrés provenant des Lakou mystiques, dont Granchimen. La collection de tambours rada vient des Lakou de Limonade, Quartier Morin et Caracol. Une grande collection de canaris (certains datent du XIXe siècle) vient en partie de la ville des Perches, Limbé, Mont Organisé, Trou-du-Nord et Ste Suzanne. ».  Une grande collection Pilon de différentes tailles orne le poteau central du bâtiment. À côté des pilons, on trouve des ganmèl, terin, batwèl. Le coin des potiches sacrées et profanes témoigne du savoir-faire des artisans haïtiens d’autrefois.   On peut même se désaltérer en eau très fraîche. On trouve également au niveau interne tous les objets pouvant reproduire une maison en milieu rural vers les années 1930: garde-manger, lit, fer à repasser pour déments et pour cheveux, chaises, tables, buffet, mâle et malette, lampe cheminée et lampe tèt gridap, Coleman, les objets pour laver les linges…

Dr Joseph précise : « Le niveau externe dit Lakou contient des objets très rares en voie de disparition. Le moulin à bois, les platines pour préparer la cassave, les pièces de la guildive, grosse chaudière et toute la batterie des chaudières moyennes et petites. Les outils aratoires aussi qui marquent les travaux des champs, les équipements pour domestiquer les animaux : makouti, tôk, nestri (lekipay). »

Destination Caracol : L’habitation « Granchimen » est originairement constituée d’une population immigrée, venant majoritairement des communes de Milot, de la Grande Rivière du Nord et de La Plaine du Nord. L’origine de cette population immigrée a eu des incidences majeures sur les pratiques sociales et culturelles dominantes à Caracol durant la seconde moitié du XXe siècle. Vivant le long de la rivière Granchimen qui prend sa source dans les montagnes de Sainte Suzanne, cette population a été victime à maintes reprises des inondations. Ces expériences collectives ont fortement contribué à façonner une identité sociale et culturelle et à cimenter la vie communautaire de ce groupe social.

Des attentes, le fondateur de l’institution invite : « Le musée “Lave Je” continue à s’agrandir et enrichir ses collections. Il fait appel à tous et toutes d’Haïti qui voudraient bien donner une seconde vie aux anciens objets du quotidien à contacter les responsables par téléphone ou par email. »

D’autres extensions ou espaces complémentaires au musée « Lave Je » à découvrir.  « Chèche zo nan kalalou ». Cet espace de documentation, lecture, écriture est destiné aux écoliers-es, élèves et étudiants-es. La population locale ne dispose d’aucun service de lecture et de documentation. Pourtant, l’effectif des écoliers-ères, étudiants-es augmentent considérablement depuis l’implantation du PIC. Un accompagnement scolaire est plus que nécessaire pour garantir un taux de réussite satisfaisant et doter les jeunes d’une bonne culture générale. Issus de milieux très défavorisés, ces jeunes ne disposent pas d’ordinateurs ni d’internet pour pouvoir faire des recherches. Chèche zo nan kalalou doit pallier ces problèmes et proposer des solutions adaptées.

D’un seul site, plusieurs destinations : « Lakou Granchimen a mis en place une politique de bien-être comme moyen d’améliorer la vie des habitants-es de la communauté. Avec l’implantation du PIC, outre les problèmes de santé mentale et les petites délinquances, criminalités déjà bien présentes dans la région, d’autres phénomènes nouveaux apparaissent, liés au travail : le stress et la dépression. Lave Miyò propose un espace de méditation et de pratique spirituelle pour rester positif et contrôler les énergies négatives », rapporte le dossier de presse de l’institution, tout en soulignant que : « Cet espace propose un cadre naturel, simple où l’on se sent bien, où l’on peut s’épanouir, rechercher une vie équilibrée et réaliser ses objectifs. Un club de fitness sera bientôt ouvert. Il contribuera à favoriser le bien-être : meilleure santé et meilleur aspect physique. »

Dans cette initiative culturelle, patrimoniale et communautaire qui se précise, c'est une invitation qui est lancée aux autres villes, communes et régions du pays, en dehors de la capitale, qui doivent investir dans la conservation et la valorisation des différents aspects de leurs patrimoines.  À travers les messages de Gandhi, on retient ce qui suit: « Il faut être fier d'avoir hérité de tout ce que le passé avait de meilleur et de plus noble. Il ne faut pas souiller son patrimoine en multipliant les erreurs. »   

 

 

Dominique Domerçant

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