La nature du régime politique haïtien :le rapport entre l’Exécutif et le Législatif

Le degré de séparation et d’équilibre des pouvoirs entre l’Exécutif et le Législatif est le principal critère permettant de qualifier le régime politique d’un pays qui se veut démocratique. Après avoir défini dans les articles précédents le rôle du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, nous  pour conclure cette série d’articles sur le régime politique haïtien, on va donc analyser le rapport entre l’Exécutif et le Législatif.

Dans les systèmes démocratiques, il existe deux grands régimes politiques : le régime parlementaire (1) et le régime présidentiel (2). Certains pays combinent des éléments des deux régimes, ainsi naissent les différentes variantes de régimes mixtes (3). 

 

1.- Le régime parlementaire classique

Le régime parlementaire provient de l’Angleterre. Dans ce type de régime : le gouvernement, issu d’une majorité parlementaire élue au suffrage universel direct, exerce la plénitude du pouvoir exécutif ; le chef de l’État n’a qu’une fonction honorifique et se tient en retrait du combat politique. C’est ce qui explique pourquoi des monarchies constitutionnelles européennes comme la Belgique et le Luxembourg adoptent ce modèle. En Haïti, le Gouvernement émane du Parlement comme dans un régime parlementaire. En revanche, le chef de l’État, élu au suffrage universel direct, joue un rôle actif comme dans un régime présidentiel.

Généralement, le régime parlementaire classique est caractérisé non seulement par la collaboration entre l’Exécutif et le Législatif mais encore par des moyens d’action et de pression réciproque. Ainsi, au droit de dissolution de l’Assemblée répond la mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement. Concrètement, en cas de refus de l’Assemblée d’accorder sa confiance au premier ministre, le Gouvernement est amené à démissionner et le premier ministre peut alors éventuellement dissoudre l’Assemblée.

Après la chute des Duvalier le 7 février 1986, l’Assemblée constituante haïtienne s’est évertuée à restreindre considérablement les pouvoirs de l’Exécutif afin d’éviter une nouvelle dictature. C’est ainsi que, selon la Constitution du 29 mars 1987, le Parlement peut renverser le Gouvernement alors que le Chef de l’État ne peut pas dissoudre le Parlement, contrairement à un régime parlementaire classique. Toutefois, quand on voit à quel point c’est compliqué d’organiser des élections en Haïti, imaginons un instant ce qui arriverait si des élections législatives devaient y être organisées trop souvent ! L’histoire récente prouve qu’un régime parlementaire classique en Haïti serait une source d’instabilité. Qu’en est-il du régime présidentiel ?

 

2.- Le régime présidentiel classique

Après la proclamation de leur indépendance, les États-Unis ont créé ce régime qualifié par la doctrine de présidentiel. Beaucoup de pays d’Amérique latine ont adopté ce modèle en commençant par notre plus proche voisin, la République dominicaine.

Le régime présidentiel classique est caractérisé par l’indépendance entre l’Exécutif et le Législatif : le premier gouverne et le second fait les Lois. Il y a néanmoins une certaine forme de collaboration entre les deux pouvoirs pour garantir le bon fonctionnement de l’État.

Le président de la République, élu au suffrage universel, exerce pleinement le pouvoir exécutif. Le Parlement, dont les membres sont élus au suffrage universel, exerce pleinement le pouvoir législatif. C’est aussi le cas en Haïti. Cependant, contrairement au régime présidentiel classique, dans notre système les assemblées peuvent intervenir dans les domaines de compétence du chef de l’État, en commençant par la formation du Gouvernement.

Par ailleurs, dans un régime présidentiel classique, le chef de l’État ne dispose pas d’un droit de dissolution de l’Assemblée et cette dernière ne peut pas remettre en cause la responsabilité politique du président de la République. C’est pareil en Haïti.

 

3.- Un régime mixte en Haïti ?

Il ressort de cette étude, qu’on retrouve en Haïti une combinaison du régime présidentiel et du régime parlementaire : on est en présence d’un régime mixte. Le régime mixte existe dans d’autres pays, comme la France par exemple. Ce qui fait problème, c’est qu’en Haïti il y a un grand déséquilibre des pouvoirs en faveur du Parlement. Qu’on soit dans un régime parlementaire ou présidentiel, la bonne gouvernance démocratique nécessite un juste équilibre des pouvoirs entre le Législatif et l’Exécutif.

L’histoire politique de ces trente-six dernières années prouve que le régime politique haïtien est à bout de souffle. Actuellement, on se retrouve de fait en dehors de la Constitution. Cette crise politique doit être transformée en opportunité pour changer de régime. Le choix d’un régime présidentiel classique peut être une solution à nos problèmes récurrents de gouvernance, mais à deux conditions. Première condition, mettre sur pied une Cour constitutionnelle efficace capable de veiller au respect de la Constitution. Deuxième condition, faire l’éducation civique du peuple. Sans citoyens et citoyennes conscients de leurs droits et de leurs devoirs, la République est un rêve et la démocratie une illusion.

 

Jacques Alain Mondésir

Doctorant en Droit public

Université de Lorraine

IRENEE

 

Notes

(1) Le National, 29 août 2023 (http://www.lenational.org/post_article.php?tri=1295)

(2) Le National, 30 août 2023 https://www.lenational.org/post_article.php?tri=1301

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES