Plus d'un million à vivre dans divers états des États-Unis, les Haïtiens participent à l'évolution de la vie sociopolitique et économique de la société américaine. Une sociologie des élections américaines ne saurait donc ignorer l'impact qu'ils ont sur les fluctuations des pourcentages de votes qui font les gagnants et les perdants dans la course à la présidence aux États-Unis. Aussi, la question titrant cet article constitue ipso facto un enjeu qui interpelle à discuter les rôles des ambassades et des consulats haïtiens dans la protection des droits (y compris le droit de vote aux élections américaines) de leurs ressortissants, et les campagnes de persuasion des partis politiques américains qui visent à motiver un électorat de melting-pot à choisir ceux et celles qui doivent diriger la politique nationale et internationale des États-Unis.
En effet, par le rôle des politiques d'intégration des migrants et de leurs effets, les Haïtiens sont certainement exposés, comme les natifs américains, aux influences des médias, et de toutes les formes de communications signalétiques qui organisent et nomment le cadre de l'environnement socioculturel, économique, et politique de la société américaine. Donc, leurs opinions politiques résultent de l'interprétation qu'ils font de l'action et des discours politiques qui opposent les adversaires républicains et démocrates. Une socialisation secondaire qui conditionne leurs attitudes vis-à-vis des élections et du choix des candidats susceptibles de leur garantir une meilleure intégration socioéconomique dans la société américaine. A cet égard, la politique de TPS et de l'immigration humanitaire représentent des critères qui façonnent leurs jugements favorables ou défavorables envers les partis démocrates et républicains. Ce qui pourrait signifier que leurs choix de voter ne se solde pas sur des convictions idéologico-politiques, mais sur les gains effectifs en termes de bénéfices économiques et sociaux qu'ils peuvent tirer des politiques publiques des dirigeants qui sortent des élections américaines. Ce qui paraît justifiable et légitime en matière de rationalisme économique et sociopolitique. Le vote étant un investissement symbolique devant garantir un bénéfice réel et quantitatif pour les ressortissants qui limitent leurs besoins au premier niveau de la pyramide de Maslow, en fonction des valeurs qu'ils se sont appropriées au cours de leur intégration partielle au sein de la société américaine.
Toutefois, les Haïtiano-Americain(es) qui sont né(es) de parents haïtiens ayant migré depuis des décennies constituent une autre catégories de votants ne correspondant pas au raisonnement ci-dessus. Car, par leur passage dans un système scolaire relativement hétérogène ( National school, Comunauty school), mais aboutissant aux mêmes effets en termes de formations aux valeurs nationales américaines, ils ont assimilé les normes de la société américaine qui leur donnent avec des variances, les mêmes motivations, les mêmes réflexes, les mêmes préjugés, et souvent les mêmes besoins hiérarchisés dans la pyramide de Maslow que des Américains d'origine anglo-saxonne ou germano-francophone. Cette catégorie peut être motivée par le programme d'un parti ou les idéologies et les opinions d'un candidat.
Par ailleurs, la politique extérieure des États-Unis vis-à-vis de la République d'Haïti devrait constituer un facteur déterminant dans le choix de vote des ressortissants haïtiens dans les élections américaines. Vu que les rapports bilatéraux entre les États contribuent à déterminer les effets des politiques publiques nationales en termes de résultats économiques, sociaux, culturels, technologiques, et politiques. C'est dans cette perspective que l'on priorise les missions diplomatiques comme des politiques stratégiques susceptibles de favoriser le développement, l'influence internationale, et l'hégémonie des États. En ce sens, il importe toujours de se rappeler de l'histoire des régimes, des personnalités, et des partis politiques qui opéraient à la tête des institutions de pouvoir sur la scène de la représentation et de l'inter-reconnaisance internationale pour chaque Etat, qui sont dans les rapports bilatéraux et multilatéraux.
Un Haïtien, ressortissant aux États-Unis ou vivant en Haïti ne se rappelle pas de James Monroe ou d'Abraham Lincoln comme il le fait pour Théodore Roosvelt, ou Franklin Delano Roosvelt. Il ne se souvient pas de Bill Clinton ou de Barack Hussein Obama comme il le fait pour Georges Bush père ou Georges Walker Bush. Aussi, les ressortissants haïtiens peuvent se demander quel parti était au pouvoir aux États-Unis de 1915 à 1934 qui marquent les années de l'occupation américaine d'Haïti, pendant la dictature de François Duvalier et de Jean Claude Duvalier en 1957, au moment du coup d'État de Raoul Cedras contre le président Jean Bertrand Aristide en septembre 1991, lors du retour du président Jean Bertrand Aristide en Haïti en 1994 et de son départ forcé en février 2004, et pendant cette transition politique avec le binôme (pouvoir bicéphale) le Premier ministre Garry Conille et le CPT, qui fait suite à la chute du Premier ministre Ariel Henri. Une interrogation qui pourrait les aider à se faire une idée de la gouvernance des partis au pouvoir aux États-Unis vis-à-vis de la République d'Haïti. Mais, plus importante que cette première interrogation, il doit aussi se poser la question sur les fonctions réelles et des effets des missions diplomatiques haïtiennes aux États-Unis pendant ces périodes historiques interrogées. Est-ce que les ambassadeurs et les consuls haïtiens aux États-Unis ont contribué à faire passer Haïti comme un partenaire indispensable pour les politiques régionales des gouvernements américains dans les zones qui représentent des secteurs géographiques stratégiques pour l'exercice des influences concurrentielles entre des puissances mondiales comme la Russie et la Chine. Est-ce que ces missions diplomatiques ont facilité que les ressortissants haïtiens puissent avoir des statuts privilégiés et protégés dans ce pays, comme un Européen ou un migrant afghan, cubain, vénézuélien ou palestinien et ukranien d'aujourd'hui ?
Il revient aux missions diplomatiques d'encadrer, d'éduquer, et de conditionner les ressortissants haïtiens dans leur façon de vivre leur séjour dans la société américaine, où ils sont appelés à choisir qui doit décider de l'avenir politique des États-Unis pour le bien-être de la nation américaine et pour la paix et la prospérité des nations partenaires des États-Unis dans le continent Amérique, dont Haïti qui garde l'empreinte et des souvenirs douloureux des années de l'expansion économique, militaire, politique, et technologique de cette puissance mondiale. Il ne serait donc pas erroné de penser qu'à la lumière de cette réflexion que le vote de chaque ressortissant haïtien aux élections américaines de novembre prochain devrait avoir une actualité dans les médias haïtiens et les ambassades et les consulats haïtiens aux États-Unis. Pour quels candidats voteront les ressortissants haïtiens ? Le temps nous dira...
CHERISCLER Evens
Sociologie, journaliste, enseignant
Pour rationaliser le vote des ressortissants Haïtiens aux États-Unis