Rivière Massacre, un impératif national

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1.     Une condition essentielle, mais non suffisante

Haïti, que de choses tes détracteurs n’ont-ils pas dit pour te salir et t’avilir, alors qu’ils choisissent de taire volontairement ta gloire, ton courage et ta beauté. Si la pauvreté est l’air qui est longtemps chanté pour te présenter, aujourd’hui c’est l’anarchie (vide institutionnel et gangstérisation) qui est à la mode. Et surgit un intrus : la rivière Massacre. Cette crise a retenu l’attention des Haïtiens de l’intérieur comme de l’extérieur. Elle déclenche de façon spontanée une grande solidarité et un élan patriotique. Elle est aussi très commentée sur les ondes et dans les réseaux sociaux, balayant les aspects historique, territorial, économique, social, diplomatique et politique.  Il y a par contre un maillon manquant : le pilier financier. Il n’y a pas de manifestation empressée de financiers et d’investisseurs prêts à sauver la barque nationale face à cet affront du voisin oriental. Les déclarations du gouvernement semblent davantage à une opération cosmétique.

 

2.     La face cachée de l’inimitié dominicaine

Haïti est dans ses droits, conformément aux Traités du 20 février 1929 et du 9 mars 1936. Le pompage en amont de la première prise haïtienne, le déploiement de l’armée, la construction d’un mur le long de la frontière, la fermeture des frontières (terrestre, aérienne, navale), le refoulement massif d’Haïtiens, le viol, sont autant d’actes inamicaux, devant interpeller la responsabilité d’Haïti sur des mesures à prendre pour préserver son intégrité, protéger ses citoyens, ses droits, son espace, ses ressources, son économie, etc.  Mais, dans cette sinuosité monstrueuse, et si la République dominicaine et les gangs n’étaient que l’arbre qui cache la forêt, l’aiguillon d’une meute internationale contre Haïti, le venin de déstabilisation qu’elle injecte pour mieux accomplir son forfait ?

 

3.     Haïti résistance : faire bouger la ligne

La ligne est un horizon exprimant un besoin de changement, guidé autant par une vision partagée et assumée que par une stratégie proactive bien peaufinée et profondément ancrée dans la toile du réel sociétal, capable de créer l’attractivité, le déclic et le bouleversement nécessaire, en vue d’atteindre la nouvelle réalité désirée dans un temps fixé.  Alors, saisissons cet affront autant comme une opportunité pour revoir et rééquilibrer les relations haïtiano-dominicaines, que comme un prétexte à un grand chambardement. Autrement dit, il est temps qu’Haïti traite une fois pour toutes cette épineuse question, en commençant à mettre de l’ordre chez lui, à favoriser l’investissement agricole, social (éducation, santé), technologique et infrastructurel, à prendre des mesures conséquentes vis-à-vis des Haïtiens qui volent l’argent du pays, y créent l’instabilité chaotique pour mieux piller et vont l’investir ailleurs, contribuant à l’affaiblir et à creuser le fossé entre les deux pays.

Il est donc urgent de faire une gestion sérieuse de la crise, moyennant un leadership visionnaire, audacieux, pragmatique et engagé, capable de faire valoir la position d’Haïti et atterrir des actions salvatrices d’investissement permettant de restaurer son blason. Cela ne devrait pas être au-dessus de nos forces et moyens.  L’exemple citoyen venant d’Ouanaminthe montre que, malgré tout, Haïti est prêt à récidiver l’épopée ou les prouesses de 1947 : « Vivre le combitisme, debout la République pour continuer le canal et un autre miracle ».    

 

4.     Par où commencer ?

Si l’éducation élève une nation, la culture honore son âme identitaire, la justice la protège, l’économie la rend souveraine, la politique garantit sa stabilité et la diplomatie soigne sa grandeur dans le concert des nations.  C’est ce cadre centré sur ces 6 priorités qui doit inspirer tout projet de redressement d’Haïti.  Mais, à très court terme, l’État, les investisseurs et le citoyen ont besoin de raccorder leur violon sur cette triple nécessité : a) se tourner vers d’autres pays pour combler en partie le manque ; b) l’investissement intelligent dans l’agriculture pour maximiser la production et les infrastructures pour désenclaver et faciliter la circulation des biens d’une région à l’autre ; et c) la massification du jardin garde-manger en milieu rural et urbain, pour amortir certaines dépenses, réactiver le vivre ensemble et raffermir la résilience haïtienne.

 

Abner Septembre

Centre Banyen Jardin Labo, Vallue

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