L’occupation actuelle d’Haïti : un secret de polichinelle

Vous direz pour nous à Dessalines, a confié Anténor FIRMIN aux dépouilles de l’amiral Killick aux Gonaïves, que contrairement à ses ordres, nous avons introduit les Blancs dans nos affaires. Et ils constituent la cheville ouvrière de toutes nos turpitudes.

Depuis l’assassinat de l’empereur Jean Jacques DESSALINES, père fondateur de la nation en 1806, Haïti, la première République nègre, est livrée aux mains de l’ennemi, les blancs, pour élire ses gouvernants. Voter une loi. Remplir son ventre. Exécuter un projet, fût-ce de lattrinisation…

D’aucuns pourraient se demander et se demandent : d’où le Blanc tire-t-il cette légitimité, lui qu’on avait d’abord vaincu, chassé à coups de fusil, et qui nous avait fait payer par la suite un lourd tribut pour avoir droit d’exister comme des « êtres humains » ?

Aujourd’hui, après tant d’années indépendante (plus de 200), Haïti est en train de vivre une crise sanglante de gouvernabilité, la plus grande de son histoire, un chaos généralisé, disent certains.

Les Haïtiens se révèlent de plus en plus inaptes à redresser la barque, et assistent dans l’impuissance absolue à l’effondrement inexorable de l’héritage que les ancêtres nous ont légué au prix de leur sang et de sacrifices colossaux. Le pays est délaissé à des soi-disant pays amis qui, comme des bêtes déchainées, nous guettent avec avidité, et n’attendent même pas notre fin pour piller notre sous-sol qu’on dit riche en ressources naturelles diverses.

Depuis au moins deux ans, le pays touche le fond. Un bâtonnier de l’ordre des Avocats et un Président de la République sont exécutés. Les rênes du pouvoir, par la Communauté internationale, ont été confiées à un groupe d’amateurs ayant à leur tête le Docteur Ariel Henry, qui n’ont disposé pour gouverner que de leur arrogance, leur audace, leur incompétence, leur malhonnêteté… et leur déficit de scrupule. Une belle combinaison qui a accéléré la faillite institutionnelle et intensifié le processus de gangstérisation de la République, entamée dès la chute de la dictature duvaliériste en 1986.

Désormais, c’est la déchéance généralisée, et l’incertitude dans tous les domaines. Qui détient la baguette magique pour sortir le pays de ce micmac? Comment un pays qui a enfanté les Toussaint Louverture, Alexandre Pétion, François Capois, Henry Christophe, Jean Jacques Dessalines pour ne citer que ces fils-là, peut-il se retrouver dans la douloureuse situation où aucun de ses filles et fils ne puisse donner le ton pour le tirer du bourbier dans lequel il s’enlise ? D’où vient ce double fait que des intellectuels haïtiens lourdement éprouvés courbent l’échine en esclave devant des petits Colons à peine lettrés?, que ni titres ni grades ne servent à rien à un Haïtien dès lors qu’il est mis en face d’un étranger? Corolairement, qui est ce magicien qui élucidera ce fait que nous perdons toute notion de dignité face au Colon, si maigrichon soit-il?

Toujours est-il que les Haïtiens ne croient plus en leur capacité à changer quoi que ce soit, et adhèrent à l’idée absurde que nous ne pouvons rien  ou pas grande chose sans l’aide du Blanc, comme qui dirait les ancêtres avaient compté sur la complicité de celui-ci pour abolir l’esclavage.

C’est dégoutant !

Les élites haïtiennes ont assez montré leurs limites. Aujourd’hui, elles s’en remettent aux étrangers et attendent d’eux la solution miracle à nos problèmes. Sans vergogne, ils en appellent déjà à une force d’occupation qu’ils quémandent à tout bout de champ, que le Blanc, fatigué, leur refuse pour l’instant.

Entre temps, les gangs gagnent de plus en plus de terrains, pillent, égorgent dans l’absolue impunité. Aux abois, la population ne sait à quel saint se vouer. Beaucoup  ont quitté le pays pour aller vivre ailleurs, profitant des programmes d’immigration étrangère en quoi ils voient une manne.  Un grand nombre des restants font face actuellement à un vrai dilemme dans leurs quartiers: soit ils rejoignent les gangs; soit ils meurent dans l’immédiat.

Ces dernières semaines, la situation était intenable et, face aux assauts des gangs armés, le gouvernement du Dr Ariel Henry qui héritait du pouvoir politique au lendemain de l’assassinat du dernier président élu, Jovenel Moïse, s’est vu contraindre à la démission ce onze mars en remettant la clef à la CARICOM qui annoncera incessamment les noms des personnalités à qui elle voudra bien accorder le privilège de nous gouverner, comme pour signifier aux incrédules qui auraient encore quelque doute quant au fait que Haïti est depuis pas mal de temps, l’arrière-cours de la communauté internationale, qu’ils sont bien naïfs.

Devant le ridicule dont se recouvrent les Haïtiens aujourd’hui, deux conclusions sont permises :

  1. soit, l’amiral Killick n’a pas délivré ce message que lui avait soigneusement confié l’éminent Anténor Firmin; auquel cas, il est à blâmer.
  2. Soit, la mythologie haïtienne nous ment en accordant du pouvoir au mort.

Mais ceux qui sont le plus à plaindre, ce sont les acteurs politiques haïtiens, ignorants, qui n’ont pas su saisir au vol les renseignements nécessaires contenus dans ces propos de Firmin, et persistent dans la fatale erreur de croire que la solution aux problèmes haïtiens proviendra du Colon, éternel rêveur du paradis perdu.

La dernière fois, le Core Group avait unilatéralement imposé à la nation le Dr Ariel Henry qui nous a pratiquement fait perdre deux longues années dans une transition qui n’en était finalement pas une. Qu’est-ce que la CARICOM, mandatée par la communauté internationale, va nous sortir de son chapeau magique cette fois-ci?

 

Roceny FENE

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