Haïti: chronique d’une disparition planifiée

Dès l’annonce de la COVID, je me fus abstenu de tout voyage à l’étranger jusqu’à la levée des mesures-barrières. Depuis, j’ai fait deux ou trois déplacements vers l’Amérique du Nord et un périple professionnel en Europe à la fin du mois de novembre 2023.

Généralement, je prends plaisir à suivre la trajectoire de l’avion durant tout le parcours pour  profiter de tuer le temps dans les méandres  de la  géographie.  Ce faisant, je fus surpris de constater l’absence physique de Haïti sur la carte mondiale. Quand on survole la Caraïbe pour l’île entière on y inscrit République dominicaine, Dominican Republic et accidentellement à l’approche de l’atterrissage on y affiche Port-au-Prince .

Rapidement les questions qui me taraudaient l’esprit depuis bien des temps me paraissent un peu plus claires ne sommes-nous pas en train de vivre la chronique d’une disparition programmée de Haïti ? Ne sommes-nous pas en train de nous rendre  silencieusement complices de la mise à exécution d’un plan longtemps en chantier de mise à mort du pays ?

 

Plusieurs éléments concourent à ces interrogations :

L’étiquette SIDA collée à notre nationalité après avoir utilisé comme cobaye nos frères boat-people emprisonnés à la base américaine de Guantanamo. Un nom qui refait surface cette semaine comme prochain camp de concentration des immigrés haïtiens en fuite pour échapper à la violence. Cette fois-ci, on nous aura bien pris pour tous les vaccins que nous n’ avons   pas permis d’essayer sur nous.

Depuis 1979 il semblerait qu’on fît pression sur le gouvernement haïtien d’alors pour fermer la faculté de médecine et de pharmacie et la faculté d’agronomie sous prétexte qu’il ne serait pas nécessaire pour Haïti de mettre chaque année sur le marché prés d’une cinquantaine de médecins alors que le marché nord-américain est plus demandeur de personnels infirmiers ; quant aux agronomes on les case dans les ONG pour mieux les désintéresser à la terre, laquelle doit être disponible pour d’autres opérations orientées par qui de droit.

Entre-temps  Haïti  doit se confiner dans des rôles de consommateurs de produits de bas de gamme et en essaie scientifique . Et de fait, cette faculté fut au moins deux fois incendiée et la faculté de médecine maintenant en voie de fermeture, faute de professeur parce que depuis deux ans le groupe professionnel ayant subi le plus d’agressions après les policiers c’est le corps médical .

Que n’a-t-on pas vu depuis quelques temps qui ne semble pas rentrer dans un plan d’ensemble de déconstruction de tout ce qui organise et affirme notre existence que ce soit notre souveraineté dissoute par la disparition de ses trois piliers (Executif, Législatif et Judiciaire) ; la mise à cendre de nos villes et quartiers historiques, la mise à sac de nos patrimoines matériels et la banalisation de nos patrimoines immatériels.

Malheureusement, nous paraissons y  contribuer joyeusement par le déchaînement de nos frustrations, par notre blancophilie aveugle qui nous pousse à indexer plus l’esclave domestique que de nous attaquer aux satrapes esclavagistes. Après nous être affamés nous-mêmes par verrouillage de nos quartiers, par nos grèves sans fin, l’incendie de nos pauvres et peu nombreuses institutions, nous sommes en train d’offrir le carnage à  la Rwanda tant attendu depuis des lustres .

Nos intellectuels et politiciens  sont tout aussi redevables de cette escalade de démantèlement du pays à cause de leur complexe Degas dénoncé par Frantz Fanon dans son livre Peau Noire Masque Blanc. Avec leur complicité les néocolonialistes ont pu obtenir de leurs guèguerres clanico-politiques affichées, le boycott et l’invisibilité dans les médias mondiaux de ce qui devait être le faste du siècle, la commémoration le 1 er janvier 2004, des deux siècles de la geste sublime nous consacrant Première République noire du monde .

Depuis, nous avons mis de l’eau au moulin d’une  longue croisade d’iconoclastes chargés d’occulter nos sacrées dates fondatrices par des manifestations autodestructrices violentes, fumantes, sanglantes et hurlantes .

En procédant ainsi nous faisons l’affaire des  néo-colons actuels qui ne payent pas cher pour nous effacer de la mémoire collective et auront à réduire nos exploits en mythe, car nous détruisons et effaçons tous sur nos passages et remplaçons nos prouesses, nos palais par des ruines fumantes et nos dates glorieuses par la mémoire d’infâmes manifestations de cannibales.

Par nos bêtises et mesquineries répétées nous leur avons founi de meilleurs prétextes pour passer facilement à la matérialisation de leur plan de faire de nous une sale province rebelle de la Republique Dominicaine, un vivier de braceros et de cobayes à toutes expériences sordides ou mieux de nous effacer définitivement .

Cette contribution à notre disparition dès  cette année 2024 qui scelle notre 220e anniversaire d’indépendance est le plus beau cadeau que nous  puissions offrir à nos détracteurs, particulièrement aux deux candidats aux élections américaines: Biden ancien Sénateur devenu président qui, au cours d’une interview, banalisait notre existence de peuple par rapport à un autre pays caucasien et Trump, président en fonction nous traitant de latrine .

Le tremblement de terre très suspect de 2010 et les violences  de quartiers organisées avec la complicité des marionnettes haïtiennes au pouvoir, dans un vide total de sécurité publique, leur ont facilité un déplacement coquin, rapide, ordonné et justifié des éléments d’interface de pays souverains : sous nos regards effarés sont déplacées et mises en hibernation, chez nos voisins concurrents, nos anciens investisseurs, nos capitaux, des structures d’aides et de relations internationales comme des ambassades et consulats, des agences ONUSIENNES et Européennes et des ONG .

Maintenant, les événements orientés de ces semaines ont précipité le reste avec pour conséquences immédiates: les fonds que les ONG reçoivent au nom et pour Haïti sont déposés dans les banques des pays voisins , leurs représentants et expatriés se payent en dollar tandis que les contractuels haïtiens exposés dans l’enfer sont payés en gourde  à taux plafonnés le jour de la signature de leur contrat.

Les ambassades et consulats déjà se font payer les frais en lignes par devises étrangères sur d’autres banques sans contrôle de l’État haïtien.

La République dominicaine va s’ouvrir un autre créneau de richesse aux dépens de Haïti parce que les services sont fournis à partir de son territoire . Donc pour tout rendez-vous de visa de quel que pays qu’il soit l’haïtien va s’obliger un déplacement pour une simple demande de visa. Prenons en exemple pour un visa américain, canadien ou Schengen , il va devoir se payer d’abord un visa dominicain pour entrer solliciter l’autre visa (avec risque d’un refus, de perte d’argent et documents de voyage ) , se payer transport, hébergement, consommation, frais d’immigration dominicaine et même une partie du frais d’atterrissage de son transporteur .

Tandis que notre aéroport , symbole de souveraineté et de fierté d’un investissement national unique dans la Caraïbe, parce que presque tous les autres aéroports de nos compétiteurs touristiques sont de l’investissement étranger du style PPP ou BOT. Le nôtre est construit par nous-mêmes sans un sou étranger avec des techniciens haïtiens, maintenant il est en proie au pillage et aux incendies de nos propres compatriotes armés jusqu’aux dents qui jouent au western sous le regard joyeux de nos néo-colons attendant impatiemment de nous voir dépeupler, déménager, esclavagiser ou disparaître . Réalisant ainsi sans tambour ni trompette l’oeuvre dont n’ont pu accoucher la malaria, le SIDA, le CORONA et le Choléra.

Ainsi Haïti se paupérise davantage en restant très fertiles  à tous les dérapages sanglants que nos  minables acteurs politiques qui ne comprennent rien dans rien  appellent changement ou révolution pour se surprendre, inévitablement plus tard,  pieds et mains liés à crier: adieu veaux vaches cochons couvées !

 

Daniel JEAN, Av.

17 Mars 2024

daniel_jean50@yahoo.fr

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