Nouvelle transition, nouveau défi !

Depuis la démission forcée du Premier ministre Ariel Henry, contraint de rester à Porto Rico jusqu’à nouvel ordre, la Communauté des Caraïbes et son fameux Conseil présidentiel de transition (CPT) défraient la chronique en Haïti. Encore une énième structure inventée par la CARICOM parce que les Haïtiens se refusent toujours, pour des raisons d’ambitions assez souvent individuelles, de se parler et de se conformer aux lois constitutionnelles qu’ils se sont eux-mêmes promulguées.

 

Depuis, que de rebondissements ! D’abord, comme on devait s’y attendre, cette instance a pris du temps pour qu’elle se forme. Nos politiques adorent s’appuyer sur les détails insignifiants. La forme est plus importante pour eux que le fond. Par exemple le nombre des membres de cette institution avait créé pas mal de polémiques. Certains critiquaient le fait que ce soient encore et toujours des étrangers qui proposent des solutions pour résoudre la crise institutionnelle haïtienne. Certains « nationalistes » ont tenu des propos très virulents contre la CARICOM, la traitant de « communauté de colonies ». Pourtant, il est mieux d’avoir un leadership caribéen composé de personnalités proches du peuple haïtien que celui des tuteurs occidentaux dont certaines mesures se révèlent souvent inadaptées et inappropriées.

 

Ensuite, le leader de Pitit Dessalines a encore fait des siennes. Dans un premier temps, il a rejeté la solution de la CARICOM, en laissant entendre que sa proposition unilatérale d’imposer à la nation le repris de justice Guy Philippe était la seule qui allait être approuvée par le peuple. Au moment où les protagonistes s’apprêtaient à finaliser la liste, Jean-Charles Moïse a fait « un virage de 360° pour ne pas rester sur la touche », ironisent certains youtubeurs, en proposant l’ancien juge du Cap-Haïtien, Emmanuel Vertilaire, dans son conseil à trois membres, laissant sur la touche l’ancien putschiste.

Cette volte-face a fortement déplu aux partisans de Philippe qui considèrent désormais Moïse comme un traître. Notre tendance à la complication, qui traduit une certaine incompétence et un manque de confiance dans ses adversaires, porte certains à dire que nous sommes encore très loin de sortir de l’auberge.

Hormis le retard sur le délai de 48 heures fixé par la CARICOM pour l’envoi des noms des représentants des parties concernées à l’institution, les politiciens haïtiens sont parvenus à réaliser un véritable exploit dans la formation de cette instance. Or, quand il s’agit des négociations inter-haïtiennes pour le partage du pouvoir, les tergiversations peuvent durer des mois avant de solder presque toujours par un échec.

On a constaté une sorte de contradiction assez étrange : certains acteurs concernés ne croient pas dans le Conseil présidentiel provisoire mais en même temps, ils se disent qu’il pourrait peut-être – qui sait ! - réussir. Mais au point grave où nous en sommes, avec cette crise multidimensionnelle qui frappe le pays, il n’y a pas d’autre moyen que de se mettre ensemble, même avec la participation du Parti haïtien tèt kale (PHTK) qui gouverne le pays depuis 2011. On sait bien où conduisent en général les exclusions : à la déstabilisation.

 

Pour un consensus intelligent

L’essentiel n’est pas de condamner un parti politique mais d’écarter dans le gouvernement de transition des individus ayant le profil exclu par la CARICOM. En ce sens, le CPT a une responsabilité historique. Déjà en finir avec l’insécurité des gangs armés. Ensuite conduire le pays aux élections dans de bonnes conditions et ainsi aucun membre du Conseil ne pourra plus dire qu’une partie a organisé les élections au profit d’un parti quelconque.

Certaines organisations de la société civile essaient de convaincre les membres à se mettre ensemble, à discuter, à élaborer des règlements intérieurs, bref à dégager un consensus intelligent pour la formation du gouvernement et la création du Conseil électoral provisoire. Et pourquoi pas, pendant qu’ils gouvernent ensemble, trouver un consensus pour créer le Conseil électoral permanent qui n’a jamais été mis en vigueur depuis la naissance de la Constitution haïtienne en 1987 ?

Nous sommes persuadés que c’est seulement par ce biais consensuel que la population, qui se défend désespérément contre les gangs et la misère, pourrait enfin entrevoir une lueur d’espoir d’un quotidien meilleur. Et que la police, qui essaie tant bien que faire se peut de se maintenir à flot, trouvera un État qui va enfin pouvoir réorganiser l’administration publique, lui donner des ordres précis et remettre le pays en marche. Car la gestion du gouvernement d’Ariel Henry, depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, était plutôt en mode statique.

On est diablement besoin d’un changement. Pour le moment, le pays vit – survit plutôt - au jour le jour. Les gens sont abandonnés à eux-mêmes. Il est vrai que la police donne de temps en temps un coup de main aux comités de quartier et aux groupes de vigiles qui s’organisent un peu partout dans la capitale et dans certaines villes de province, mais cela ne peut pas être viable sur le long terme.

Malheureusement pendant que le politique reste encore quelque chose d’improbable, le climat d’insécurité, lui, maintient cruellement son cours : les bandits continuent leurs attaques meurtrières dans certains quartiers, semant peur, deuil et désolation. Et les pauvres riverains se voient obligés d’organiser leur propre défense. Ceux qui ont de gros moyens financiers louent des hélicoptères et agents de sécurité lourdement armés pour s’échapper de l’enfer des gangs. Une situation qui n’est plus tenable : si on ne change pas les choses tout de suite, nous n’aurons plus de pays. On a déjà connu des sociétés qui s’effondrent et disparaissent ! Sauvons notre pays pendant qu’il est encore temps !

 

Huguette Grenz et Sergo Alexis

 

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