Est-il éthiquement admissible de confier au gouvernement de facto démissionnaire la légitimation [constitutionnelle] des membres du Conseil Présidentiel ?

Au cœur des débats politiques en Haïti, un gouvernement ayant enfreint la constitution se donne désormais le pouvoir de déterminer la légitimité [constitutionnelle] ou non des membres d’un Conseil présidentiel issu d’un accord politique. Ironie tragique ou dérive autoritaire, c'est une atteinte grave à l'état de droit. Est-il éthiquement et moralement justifié de continuer à déléguer la gouvernance d'une nation en période de crise, ainsi que la légitimation ou la validation du Conseil Présidentiel, à un gouvernement chargé de l'application de la loi, même s'il est discrédité en raison de sa propre transgression des normes constitutionnelles qu'il est censé faire respecter ? Tandis que les frontières du pouvoir s'estompent et que les voix des juristes et des intellectuels se font rares, l'appel désespéré d’une population privée de tout résonne avec une urgence palpable. Il est impératif de transcender nos divergences, et d'instaurer un avenir digne et glorieux pour Haïti, car la situation est critique et le mécontentement populaire est à son apogée.

Dans les rues animées de Port-au-Prince, le pouls vibrant de la nation haïtienne se fait entendre les murmures d'une population accablée par des décennies de turbulence politique. Au centre de cette tempête, un gouvernement démissionnaire s'accroche désespérément au pouvoir qu'il ne peut plus légitimement exercer. Tel un naufragé agrippé à un radeau de fortune, il tente de maintenir son emprise sur une nation clamant à l'unisson pour la liberté et la justice. Dans ce tumulte politique, c'est l'ensemble du pays qui souffre, captif d'une constitution violée et d'un système gouvernemental défaillant, incapable de répondre aux besoins les plus élémentaires de la population.

Le 12 avril 2024, un décret émanant du gouvernement en place a ébranlé la nation haïtienne. Si certains y voient un signe de progression vers la résolution de la crise, d'autres perçoivent simplement une exacerbation d'une situation déjà désespérée. Le fait que les noms des conseillers ne soient pas inclus dans le décret suscite légitimement des préoccupations, révélant les manœuvres du gouvernement visant soit à prolonger son mandat, soit à témoigner de son indifférence face aux souffrances de la population. Ne serait-ce point une stratégie habile destinée à canaliser le cours des événements et à prospérer matériellement ? Le gouvernement qui succèdera celui-ci aura la lourde responsabilité de faire un vrai audit des actions entreprises par son prédécesseur, et si irrégularités il y en a, infliger des sanctions aux coupables. C'est l'heure de rendre justice à nos concitoyens vulnérables, à toutes les victimes et d'affirmer notre engagement sans équivoque envers l'intégrité et la transparence.

Dans ce face-à-face entre le gouvernement démissionnaire et le Conseil Présidentiel, une réflexion sur une maxime révélatrice s'impose : « Avant de condamner les défauts de l'autre, assainis d'abord les tiens. » Cet adage, empreint de sagesse, encourage une introspection profonde, propice à une action concertée et diligente dans l'intérêt supérieur de la nation haïtienne.

 

Les prérogatives ambiguës et les limites floues du gouvernement démissionnaire

Face à cette impasse politique, les interrogations affluent : quelles sont les prérogatives et les limitations d'un gouvernement démissionnaire ? Les juristes et intellectuels haïtiens, à l'instar de Leslie François Manigat, ont longtemps souligné l'importance vitale du respect de la constitution pour garantir la stabilité et la légitimité du pouvoir. « Une nation ne peut avancer que si elle respecte ses propres lois », écrivait-il, anticipant les défis actuels d'Haïti.

L'article 137 de la Constitution de 1987, tel que modifié, énonce les directives pour un gouvernement démissionnaire en Haïti, restreignant ses activités à la gestion courante et interdisant l'adoption de nouvelles politiques. Il spécifie également que "bien que le gouvernement puisse continuer à fonctionner [...], il peut y avoir des restrictions sur les nouvelles politiques ou décisions majeures nécessitant l'autorité du président".

 

La responsabilité éthique des gouvernants et les risques de corruption politique

La question de l'éthique surgit lorsque ceux qui sont chargés de faire respecter la loi deviennent eux-mêmes des transgresseurs, minant ainsi la confiance du public envers le système judiciaire. Un système judiciaire impartial devrait-il tolérer l'inaction ou le silence des membres du gouvernement démissionnaire face aux crimes commis sous leur autorité ? Les évasions de prisonniers, les massacres, les assassinats - autant de crimes qui demeurent impunis, tandis que les responsables continuent d'échapper à la justice. Concilier l'application et la violation des lois exige un engagement ferme envers la justice et la primauté du droit pour restaurer la confiance dans les institutions démocratiques.

Jacques Stephen Alexis, dans son ouvrage intemporel « Compère Général Soleil », illustre de manière saisissante les conséquences désastreuses de l'exercice excessif du pouvoir et de la corruption au sein de gouvernements fragiles. « Dans le bal des puissants, ce sont toujours les plus vulnérables qui dansent au bord du précipice », écrit-il avec une lucidité troublante.

D'autre part, les échos des penseurs politiques étrangers retentissent avec une clarté glaçante. John Locke, précurseur de la théorie du contrat social, met en garde contre les abus de pouvoir, affirmant que "là où il n'y a pas de loi, il n'y a pas de liberté". Ces paroles résonnent comme un lointain rappel dans les rues de Port-au-Prince, où la loi est souvent détournée au profit de quelques-uns, au détriment de tous.

Enfin, c'est dans ces moments de trouble que la véritable nature des dirigeants se révèle. L'écrivain et philosophe français, Albert Camus, dans son œuvre « L'Homme Révolté », souligne la nécessité d'une révolte morale contre l'oppression et l'injustice. « La véritable noblesse est dans la lutte pour une cause juste », écrit-il, offrant un écho puissant aux aspirations du peuple haïtien pour la dignité et la liberté.

 

L'espoir d'une passation de pouvoir harmonieuse

Peut-on envisager une transition harmonieuse et pacifique dans le contexte haïtien, malgré la prépondérance des intérêts personnels aux dépens de l'intérêt public, et alors que la politique est largement perçue comme un jeu opaque et non transparent entre des acteurs souvent motivés par des stratagèmes dissimulés ?

Malgré les nuages sombres qui obscurcissent l'horizon politique d'Haïti, une lueur d'espoir perce à travers les ténèbres. La perspective d'une transition de pouvoir pacifique, fondée sur le respect de la volonté populaire et la primauté du droit, demeure une lueur d'espoir dans les heures les plus sombres. Avec une assurance inébranlable et une détermination sans faille, nous exhortons instamment la population à maintenir une unité solide dans sa quête incessante pour concrétiser les valeurs intemporelles de liberté, de justice et de paix.

In fine, alors que le peuple haïtien aspire à un avenir empreint de liberté et de prospérité, il est grand temps que nos dirigeants fassent preuve de courage, d’éthique et de compassion. À chaque coin de rue, dans chaque marché, résonne l'écho vibrant d'une nation déterminée à briser les chaînes de l'oppression et à réécrire une nouvelle page de son histoire. Surmonter les abus de pouvoir, priorité absolue de toute action politique et sociale, devient désormais la bataille ultime à remporter, car un souffle d’espoir demeure toujours dans l’attente.

 

 Emmanuel R Saint Hilaire, PhD

Écrivain, Philosophe, romesy2@yahoo.fr

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