Election présidentielle à haut risque aux États-Unis

La république des États-Unis d’Amérique avance vers une élection présidentielle historique. Comme sa constitution le prévoit, le scrutin se tiendra le premier mardi de novembre. C’est plutôt un fait rare que deux candidats se trouvent sur les bulletins de vote pour une deuxième fois. Joseph R. Biden, l’actuel président, affrontera son prédécesseur Donald J. Trump comme ce fut le cas en 2020. Ce match retour est le premier depuis plus de 60 ans.

En dehors du fait qu’il s’agit d’un « rematch », c’est aussi l’élection qui oppose le candidat le plus âgé de l’histoire des États-Unis, Joe Biden (81 ans), au premier ex-président et candidat inculpé, Donald Trump (77 ans). Ce dernier fait l’objet de multiples poursuites judiciaires totalisant plus 88 chefs d’accusation. Et comme jamais auparavant dans l’histoire récente, la survie de la démocratie est parmi les enjeux électoraux vu que le candidat républicain a, à plusieurs reprises, affirmé ses tentations autocratiques.

Il s’agit d’une compétition serrée dans une atmosphère tendue. Les deux candidats sont pratiquement au coude-à-coude dans les sondages d’opinion. Les débats portent essentiellement sur l’immigration, l’inflation, le droit à l’avortement, la santé reproductive et les guerres en Ukraine et à Gaza.

Le dossier de l’avortement peut faire des surprises

Les sondages se suivent mais ne se ressemblent pas. Entretemps Trump et Biden, respectivement Républicain et Démocrate, concentrent leurs stratégies sur les électeurs dont ils peuvent encore gagner la sympathie. Et soudainement, une évolution dans le dossier de l’avortement apparait comme une opportunité pour les Démocrates de rallier des tranches de la population qui, jusque-là, hésitaient devant l’idée de reconduire Joe Biden au bureau ovale.

La Floride et l’Arizona ont récemment adopté des décisions judiciaires interdisant l’avortement. L’impopularité de ces décisions auprès des femmes et des jeunes votants risque de nuire gravement à la campagne de Donald Trump. Ce dernier a toujours soutenu sa position anti-avortement (Pro Life), s’octroyant le satisfecit d’avoir supporté l’abrogation de la loi Roe v Wade qui consacrait le droit constitutionnel à l’avortement aux États-Unis. Ce qui a ouvert la voie à l’adoption dans plus de 20 États de lois contre l’avortement menaçant des professionnels de santé de peine d’emprisonnement.

De nombreux analystes opinent que ce dossier pourrait constituer la carte conduisant à la victoire de Biden, dans la mesure où il pourrait avoir un effet domino dans d’autres États où l’intérêt sur la question reste vif. Les Democrates sont donc partisans de l’avortement (Pro Choice), soutenant qu’aucun gouvernement n’a le droit de dire à une femme quelle décision prendre au sujet de son corps. Biden promet de rétablir le droit a l’avortement au niveau national.

La crise migratoire, une patate chaude

Le dossier de l’immigration illégale est, sans doute, l’un des points les plus débattus au cours de la campagne. L’actuel président est accusé par ses adversaires de favoriser un envahissement du sol américain par des millions d’immigrants, notamment à travers son programme I-134a en faveur d’Haïtiens, Cubains, Nicaraguayens, Vénézuéliens et Ukrainiens. Les critiques se sont exacerbées après le meurtre dans l’État de Géorgie d’une étudiante en sciences infirmières, Laken Riley, par un immigrant d’origine vénézuélienne- bénéficiaire du programme Biden- le 22 février 2024 sur son campus universitaire. Car selon l’argument des nationalistes, les immigrants sont une grande cause de la montée de la criminalité dans les pays.

Biden rejette les critiques. Dans son vibrant discours sur l’état de la nation au Congrès le 7 mars dernier, il a donc étalé son plan pour remédier à la crise migratoire. Une nouvelle loi bipartisane sur la question avait été bloquée au Congrès par les partisans de Trump, jaloux de l’impact que cette résolution allait avoir sur la campagne en faveur des Démocrates. Cette loi réduirait les délais administratifs dans le traitement des dossiers des réfugiés qui arrivent à la frontière avec le Mexique. L’octogénaire semble avoir réduit ses détracteurs au silence en indiquant: «nous avons deux options : polémiquer sur la crise ou la résoudre. Moi, je veux la résoudre».

L’arithmétique électorale

 Comme il a été expliqué en de multiples occasions, l’issue du scrutin aux États-Unis ne dépend pas uniquement du vote populaire. La dernière illustration de ce principe remonte à 2016 quand Hillary Clinton a été vaincue en dépit de 2.9 millions de votes populaires à son avantage. En effet, pour gagner la présidentielle, il suffit de réunir un minimum de 270 votes parmi les grands électeurs. À noter que la loi règle stipulant « winner-take-all » prévaut dans 48 États et dans le District de Columbia (Washington DC). C’est-à-dire le candidat qui gagne le plus de votes, peu importe l’écart, obtient l’ensemble des grands électeurs. Par exemple, en 2000 Georges W. Bush a obtenu moins de 600 votes populaires en plus de son adversaire Al Gore, dans l’État de la Floride, mais a raflé l’ensemble des Grands Électeurs dans cet État. Le Nebraska et Le Maine sont les exceptions à cette règle dans la mesure où les votes des grands électeurs sont répartis selon la performance des candidats dans chaque district.

Vu que les traditions politiques sont assez fortes pour permettre de prédire le sens des votes dans la majorité des États, on connaît donc déjà une bonne partie du résultat du verdict des grands électeurs. Depuis 1988, 20 États et le District de Columbia ont religieusement voté pour le même parti. 7 États et le District de Columbia ont voté Démocrate et 13 États ont voté Républicain de façon consistante.

C’est donc pourquoi les États réputés indécis sont considérés comme le terrain de la vraie bataille électorale. D’où l’expression « the battleground states ». Les yeux sont donc rivés sur 7 États: l’Arizona, la Géorgie, le Michigan, la Caroline du Nord, le Nevada, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Ces territoires sont susceptibles de faire basculer l’élection en faveur d’un candidat ou de l’autre. La Floride compte davantage d’électeurs Républicains que de Démocrates - environ un million de différence -, mais pourrait tomber aux mains de Biden si les faux pas de Trump sont intelligemment exploités. Et cela ferait l’effet de brouiller les cartes. Attendons voir.

Il s’agit d’une élection à haut risque si on considère les enjeux. D’une part, la vieillesse de Biden effraie les mandants qui, doutant de ses capacités, ne veulent même pas penser à l’ampleur des dégâts que pourraient causer des décisions prises par un président ne jouissant pas d’une bonne santé mentale. D’autre part, Donald Trump a suffisamment prouvé par ses actes et ses dires qu’il est le visage du néofascisme. Son adulation pour des autocrates comme Vladimir Poutine et Victor Orbán sont un indicateur de son idéologie politique. Son mépris face aux immigrants, sa position contre les pays de l’OTAN, son rôle dans les protestations violentes du 6 janvier 2021 au Capitole et ses multiples démêlés avec la justice démontrent qu’il n’ a pas la bonne réputation requise pour diriger la première puissance économique et militaire du monde.

Mais on ne va pas le nier, Trump a des avantages comparativement au président en poste. Sa relative vitalité physique, sa proximité avec les jeunes et le show-biz, son omniprésence dans les médias et son audace manipulatrice sont des atouts à ne pas minimiser. La trajectoire de son retour à la maison blanche est cependant parsemée de géants obstacles qui mettent en cause sa moralité et sa légitimité. Par ailleurs, la grande lacune de sa campagne réside dans le fait qu’il ne cherche pas à conquérir les électeurs qui ne le supportent pas. Cela étant dit, une victoire de Joe Biden est possible à condition que ses accomplissements soient mieux vendus au public et que son plan pour les 4 prochaines années soit clairement articulé auprès des tranches de la population qui mettent en doute sa santé physique et ses aptitudes cognitives.

 

Kendi Zidor

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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