Musée des Sociétés secrètes en Haïti

Dans tous les pays du monde et dans toutes les familles, « Il y a des choses qu’on ne raconte jamais et des choses qui ne sont pas exactement secrètes, mais qui ne se discutent pas. », disait Stephen King, dans « Le singe, suivi de Le Chenal ». Cependant, tout le monde est unanime à reconnaitre que les musées représentent les meilleurs endroits pour, à la fois, protéger et préserver nos patrimoines, tout en les faisant découvrir par le grand public, pour ensuite les transmettre aux générations futures.  D’où me vient l’idée d’encourager la création du musée des sociétés secrètes en Haïti.  Un pan important de notre patrimoine matériel et immatériel qui échappe à l’intelligence collective du peuple haïtien.

 

Des salles d’expositions seront aménagées pour chaque société secrète, tout en respectant les symboles et les principes établis pour chaque corps, particulièrement des secrets à préserver pour mieux protéger l’identité et le fonctionnement des membres de ces puissantes institutions sectaires ou organisations clandestines. Pourquoi créer un musée des Sociétés secrètes en Haïti ? Comment le musée des Sociétés secrètes pourrait-il contribuer à la formation citoyenne, la consolidation des familles, la préparation des dirigeants et le renouvellement des élites haïtiennes ?  

 

Des noms des fondateurs de chacune des sociétés secrètes allaient trouver une place dans les couloirs du musée, qui donnent accès aux différentes salles : des « Makanda », «Blengbendeng »,  des « Bizango », des « Mandingues », des « Loups-garous », des « Zobòp »,  des Cordes courtes », etc.  Un univers de codes, de secrets, des croisements, de conversions, de contradictions, de connexions et de constructions sociales qui conservent les visions, les valeurs et la volonté de partager et de préserver l’ordre mondial.

 

Des sociétés secrètes éparpillées sur tout le territoire haïtien et dans la diaspora seraient pour la première fois honorées par l’État à travers une politique culturelle de proximité. Une belle occasion pour rendre hommage aux contributions des sociétés secrètes lors de la guerre de l’Indépendance d’Haïti.  Une présence effacée ou marginalisée, ou négligée qui continue de contribuer dans l’équilibre des pouvoirs dans l’espace haïtien.

Des visites guidées dans ce musée des Sociétés secrètes permettront aux jeunes et leurs parents (culturellement plus ouverts), de découvrir l’histoire d’Haïti et de la guerre de l’Indépendance ou les périodes d’occupation étrangères, sous d’autres angles depuis toujours cachés, qui doivent désormais participer à la reconstruction de l’imaginaire du peuple haïtien et fabrication des Haïtiens plus engagés dans la valorisation et la protection de l’âme collective.

Découvrir l’histoire ensorceleuse des « Zobop », qui confirme l’héritage des sociétés secrètes occidentales dans l’espace haïtien, particulièrement qui prend source  dans les traditions de la sorcellerie importées et léguées par les colons.

Dans la salle des « Bizango », on allait trouver toutes les images qui peuvent illustrer la vie publique de cette entité à la fois militaire et mystique, qui a vu le jour après la cérémonie du Bois Caïman. Des noms des plus célèbres membres de cette organisation comme celui de Jean-Baptiste Vixamar, le martyr de cet empire, et tous  les objets de représentation, les instruments de combats,  et tous les accessoires qui participent aux activités publiques et secrètes, aux rituels, aux jugements, et aux sanctions seraient présentés entre des photographies, des tableaux, des vidéos, des chansons, des livres, des statues, tout le décor imprimé aux couleurs rouges et noires.

Dans la salle des « Makanda », ce sont des villes dans le Nord-Ouest du pays, comme : Bassin Bleu, Port-de-Paix, Chansolme, entre autres qui seront mises en valeur comme nous le rappelle l’ouvrage de Mercedes Foucard Guignard (Deita, « Mon pays inconnu », Tome II, à la page 164. Les Makanda sont moins connues dans les autres régions. « Elle est l’une de toutes premières sociétés secrètes à Saint-Domingue. Elle fut établie par François Makandal, qui en est le garde. ». Autant découvrir dans les collections du musée,  tous les portraits de ce dernier, les éléments qui participent au renouvellement de son ordre, de sa vision et de ses pouvoirs sur les adeptes de cette organisation clandestine.  

Dans la salle des « Loups-garous », les visiteurs allaient finalement découvrir tous les pouvoirs et toutes les caractéristiques, les vérités et les mensonges autour de cette mystique ou maléfique organisation clandestine. Des rituels comme des recettes pour se protéger, le calendrier des saisons et la typologie des cibles qui ces derniers ont toujours à l’horizon, particulièrement en traversant les toitures et clôtures de nos maisons.

Découvrir les informations publiques, sans démasquer les auteurs et les penseurs, les fidèles  gardiens de  ces communautés, ces défenseurs de la cité et  l’héritage ancestral ou  des traditions populaires. Ce sont de riches connaissances qu’il faudra découvrir dans ces espaces de marrons, des laboratoires d’expérimentations de toutes sortes de contemplations, de communications, de création, dont l’ancien président à vie François Duvalier en savait bien des choses sur leur fonctionnement.  

Des statues géantes comme des statuettes, des instruments et des objets participant aux rituels comme aux multiples réunions ordinaires ou extraordinaires, des drapeaux et des meubles, des objets décoratifs et sacrés, des instruments de musique,  des symboles initiatiques trouveront une place dans les vitrines avec leurs fiches techniques, de la salle qui va désormais accueillir des milliers de profanes, des initiés comme des étrangers.

Des œuvres d’art sacrées comme des ouvrages sacrés, comme des tableaux représentant les divinités dans leurs pouvoirs et identités respectifs, les mystères, les symboles combinant les formes et les couleurs, les matériaux et les éléments de la nature, comme la faune, la flore et les astres serviront à illustrer les murs de chaque salle d’exposition au musée des Sociétés secrètes en Haïti.

Déclinaison parallèle entre les mots en « D », comme Dieu, diable, démon, disciples, défense, droit, devoir, dévotion, divinité, divinatoire, division, destruction, destiné, danse, dualité, dons, parmi tous les concepts qui participent  la dynamique des sociétés secrètes le jour et la nuit, dans les rues et dans les institutions, dans les marchés, le transport et les centres de pouvoirs réels et symboliques.

Du bois comme matériaux combustibles comme du papier ou des parchemins, seront placé au centre de la grande salle d’accueil du musée, pour participer symboliser les différents éléments élémentaires ou dérivés tels : le  feu, très présent dans pratiquement tous les rituels des sociétés secrètes, en dehors de l’eau, de la terre, de l’air, du sang,  entre autres.

De l’antiquité à nos jours, l’histoire des sociétés secrètes emblématiques est autant d’aventures humaines, entre forces de lumière et puissances des ténèbres, nous raconte Dominique Labarrière, qui a déjà publié : « Sociétés secrètes. Mythes, réalités, fantasmes, impostures », s’exprime ainsi : « Les sociétés secrètes sont-elles le miroir du monde ? Laissez-nous vous compter leur histoire, leur organisation, leurs rituels, leurs relations au savoir et au pouvoir, mais aussi les personnages fondateurs ou emblématiques, les anecdotes, les faits marquants. En mettant ces faits en perspective avec le contexte historique dans lequel ces ordres sont apparus et en expliquant leurs évolutions, leur adaptation aux fluctuations de l’histoire, ces groupes de l’ombre sont très éclairants. Ils en disent long sur l’état – momentané ou pérenne – des sociétés dont ils se veulent la face cachée. ».  À noter que la grande majorité des plus importants ouvrages sur les sociétés secrètes dans le monde, ne prennent pas toujours en compte les sociétés secrètes qui configurent l’espace haïtien, même si les activités sont aussi comparables et connectées dans certains plans ésotériques.

Dans l’étage supérieur du musée, le public pourra également visiter l’histoire des sociétés secrètes à travers le monde, et particulièrement dans l’évolution des grandes nations comme l’Égypte et tous les autres États africains, la Chine, les États-Unis, la France, l'Angleterre, pratiquement toutes les nations, dont les Haïtiens, vénèrent la grandeur, mais refusent de reconnaître ou de comprendre que leur essor et leur développement passent par l’harmonie et l’entente des principales sociétés secrètes établies sur le territoire, qui se renouvellent et se renforcent au fil des générations, comme les principaux gardiens du temple.

Des centaines d’ouvrages sur les sociétés secrètes dans le monde seront exposés dans les vitrines et les boutiques du musée, avec très peu de publications sur les sociétés secrètes en Haïti, permettront de mieux comprendre le rôle et la place, les informations et les illusions de ces organisations parmi les plus célèbres comme les plus inconnues dans nos milieux respectifs.  

De Adolphe Hitler, en passant par les mouvements suprématistes aux États-Unis comme le « Ku Klux Klan », y compris bon nombre de grands dirigeants dans le monde, et pourquoi pas des anciens présidents des États-Unis, ils sont nombreux, à affirmer ouvertement leur appartenance ou relation avec les sociétés secrètes.  

Dans la biographie de Georges H. W. Bush, ancien président des États-Unis (1989-1993), on retient dans sa formation, qu’après la guerre, « George Bush entre à l’université Yale ou il rejoint la fraternité « Deita Kappa Epsillon » et est, tel son père Prescott Buss (1917) puis son fils George W. Bus (1968) admis en 1948 dans la très secrète « Skull and Bones Society »,  ce qui lui permet d’initier la construction d’un solide réseau politique. Il sort diplômé (BA) en économie en 1948. ». Qu’est-ce que le Delta Kappa Epsillon ou la Skull and Bones ?

Dans le peu d’informations disponibles sur internet, nous retenons ceci : Delta Kappa Epsilon (Deke) est l’une des plus anciennes fraternités et sociétés secrètes d’Amérique du Nord, fondée à l’université Yale en 1844 (quarante ans après l’indépendance d’Haïti). Elle a pour objectif de rassembler des individus « ou le candidat le plus prisé combine en d’égales proportions le gentleman, l’érudit, et le brave gars. ». ».     Et, également,  La Skull and Bones (littéralement Crâne et Os) est une société secrète de l’université Yale aux États-Unis. Ce groupe est aussi connu par les anglophones sous les noms de « Chapter 322 » et « Brotherhood of Death (Fraternité de la Mort).  Ce serait la première société secrète qui ait vu le jour à Yale, sous l’impulsion de William Huntington Russel en décembre 1832. Elle constitue l’une des plus prestigieuses sociétés secrètes américaines avec « Phi Beta Kappa »….

Démontrer que d’autres pays modèles disposent autant de sociétés secrètes et des dirigeants et chefs d’État non des moindres, qui affirment ouvertement leurs engagements dans ces organisations clandestines, c’est justifier l’utilité et l’importance des sociétés secrètes en Haïti qui méritent une meilleure reconnaissance et une attention des dirigeants du pays, par rapport à  leurs rôles spécifiques dans nos villes et campagnes, tout en tenant compte de leurs besoins, attentes et doléances, avant et pendant cette crise sociopolitique de l’insécurité,  la crise sanitaire liée au Coronavirus et le couvre-feu imposé ces derniers mois pendant le confinement, qui influence certainement leur fonctionnement régulier, particulièrement pendant la nuit.

Dénommées comme des sectes rouges par de nombreux chercheurs, les sociétés secrètes sont connues dans le monde rural sous le nom simplifié de société en Haïti. Avec la migration des habitants de la campagne vers les grandes villes, ou des villes de province vers d’autres pays de la région, les sociétés secrètes se renforcent quantitativement et se déforment ou se transforment avec le temps dans beaucoup de points de vue. 

Dix ans après avoir rapproché l’une des plus riches collections des œuvres des « Bizango », en Haïti, appartenant à Marianne Lehmann, lors de la formation des hauts cadres haïtiens après le séisme de 2010, en gestion des collections de musées, un séminaire international réalisé par le Centre de Sauvetage des Biens culturels (CSBC), dirigé par l’ancien ministre de la Culture, Olsen Jean Julien, il demeure une urgence pour Haïti, de disposer plus d’un espace  muséal pour accueillir ces œuvres impressionnantes et irremplaçables, qui peuvent à tout moment disparaitre lors des accidents et d’autres catastrophes humaines ou naturelles.

Découvrir dans un seul et même espace en Haïti, l’histoire et l’évolution, l’identité et la diversité, les spécificités et l’utilité des sociétés secrètes d’ici et d’ailleurs, pourraient contribuer de manière intelligente, à l’éducation des enfants, des jeunes et leurs familles, des professionnels, des élites et des dirigeants en Haïti. Pourquoi existe-t-il autant de sociétés secrètes dans le monde et en Haïti ? Est-ce possible de penser ou de planifier le changement ou le développement en Haïti sans prendre en compte l’importance et l’influence des sociétés secrètes ?  Quels sont les besoins  de ces organisations et les devoirs de l’État envers ces dernières ?  Pourquoi et comment la création d'un musée en l’honneur des sociétés secrètes en Haïti, pourrait- elle initier une première démarche de valorisation et de reconnaissance de ces ordres qui assurent l’équilibre des pouvoirs, même dans le désordre actuel ou apparent ?

Découvrons ensemble des choses utiles, ces mots clés en guise de vérités élémentaires que tout héritier de l’œuvre de Boukman, de Makandal ou de Jean-Jacques Dessalines devrait savoir pour ouvrir les portes de la dignité, de la liberté, de l’haïtianité, de l’authenticité, des véritables pouvoirs de la cité des Amérindiens  et de l’intemporalité. Pour reprendre Jan-Philippe Sendker : « Les mots peuvent-ils avoir des ailes ? Peuvent-ils scintiller dans l’air comme des papillons ? Peuvent-ils nous emporter, captifs, dans un autre monde ? Peuvent-ils ouvrir les ultimes chambres secrètes de nos âmes ?

 

Dominique Domerçant 

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES