« La littérature est à mes yeux le plus noble des arts » dixit Luis Bernard Henry, lauréat de la 46e édition du Prix littéraire Henri Deschamps

Les membres du jury du prix littéraire Henri Deschamps et les responsables de la fondation Lucienne Deschamps ont procédé le vendredi 8 avril 2022 à la remise des prix à Luis Bernard Henry, lauréat de la 46e édition du Prix littéraire Henri Deschamps, pour son roman « La petite fille bleue » à l’hôtel El Rancho. Lors de son discours de réception, Luis Bernard Henry a expliqué son rapport au monde et à la littérature qu’il considère comme le plus noble des arts.

« La littérature est, à mes yeux, le plus noble des arts. Ce prix que vous m’attribuez donne naissance à un écrivain, sans grande prétention, mais certain du parti pris de son art.  J’espère que j’écrirai d’autres livres qui feront honneur à cette quarante-sixième édition.  J’espère aussi et du même coup conserver ma part d’étoiles, de folies et de révolte et puisqu’au bout de toutes choses il faut revenir à l’amour et l’amitié, je voudrais dédier cette carrière qui s’ouvre à tous ceux et toutes celles qui offrent leur cœur pour la route », a-t-il fait savoir.

Plus loin, il est revenu sur l’ honneur qui lui a été fait en lui octroyant ce prix et l’engagement terrible qu’il  a pris pour construire et habiter le monde qu’il rêve.

« L’honneur que le jury du prix Deschamps m’a fait en m’octroyant ce prix m’a permis de reprendre avec moi-même des dialogues souvent interrompus. Dialogue sur mes convictions d’homme et d’artiste. Dialogues sur les rapports entre l’art et la transmission. Ma génération a l’honneur d’avoir pour ainés de grands écrivains comme Lyonel Trouilot, Yanick Lahens, Évelyne Trouillot, René Depestre, Avin, Syto Cavé  et tant d’autres. Des écrivains qui parlent encore de ce pays avec dignité et passion et qui disent leur rêve d’habiter. Par acte de transmission, cet amour du pays fait écho à un vers de Cavalier Pierre qui dit ceci : «  m renmen peyi m djòb boudal sil pa renmen m ». Nous qui sommes nés pour la plupart dans le chaos des coups d’État et qui avions entre dix et quinze ans a l’avènement du regime PHTK, le régime sans doute le plus corrompu et sanguinaire qu’Haïti ait connu depuis Duvalier, par quelle magie sinon par la force d’un poème ou d’un roman nous nous faisons héritiers de ce rêve d'habiter ? Stephana Dorval, Djevens Franssaint, Ducarmel Alcius, Billy Dore, Hug Gelin, Adelyne Bonhomme, Melissa Beralus, Ervenshy Jean Louis, Ricardo Boucher sont tant de voix de ma génération qui tente corps et âmes de porter le lourd bilan des dix dernières années : plus de quatorze massacres, violations systématiques des droits de l’homme et la bêtise cruelle de ce régime. Par quelle magie ma génération soumise à tout cela peut-elle conserver un écrivain comme Carl Pierrecq qui tente par tous les moyens de restituer des humanités comme Maurice Volel et Soeuf ElBadawi ».

Luis Bernard Henry a par ailleurs fait un clin  à Jacques Stephen Alexis dont l’année 2022 ramène le centenaire de sa naissance. Pour Henry, Alexis est celui qui a donné à la littérature quelque chose de sa manière et de son génie. Alexis, selon lui, a aussi marqué la littérature par son engagement.

« En cette année qui ramène le centenaire de la naissance d’un des plus grands militants politiques et écrivains qu’Haïti ait connu, Jacques Stephen Alexis, il est urgent d’insister sur la fonction de la littérature. Toute œuvre littéraire engage le monde. Soit que l’artiste s’en accommode soit qu’il le refuse. Jacques Alexis comme Jacques Roumain sont du côté du refus. Refus d’un ordre du monde fondamentalement raciste et cannibale. Il serait stupide de croire que l’engagement de l’artiste est une réduction de l’œuvre à la question politique. La littérature comme la révolte sont de l’ordre de l’intime. L’action politique de l’écrivain ou de tout artiste participe d’un rapport au monde tout à fait particulier. La conscience sociale et politique. Que l’on pense aux discordes entre Sartre et Camus. Tous deux engagés contre l’horreur de la guerre, certains que le monde est à refaire, mais divergeant sur l’action politique à mener. Que l’on fasse un roman ou qu’on lance une pierre pour dénoncer la misère on agit toujours du lieu de l’intime. Le seul problème à mettre en doute est la sincérité de l’acte. Concilier littérature et politique c’est faire un pied de nez à la philosophie assez bête qui croit que tout homme doit être une machine industrielle. Qui doit sans cesse produire plus. Concilier littérature et politique, c’est tenter, aussi fou que cela puisse être, de réparer les hommes et de voir la vie du côté du cœur. »

Rappelons qu’à la fin de ce discours , Luis Bernard Henri a dédicacé son livre primé « La petite fille bleue » aux différentes personnalités qui avaient fait le déplacement.

 

Schultz Laurent Junior

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