Haiti… À la dérive….

Dans le silence éternel de plusieurs artistes interprètes, compositeurs qui ont pendant des années animé et alimenté les répertoires de la musique haïtienne, il arrive parfois le temps de se lancer dans la recherche des plus belles créations qui s’imposent parfois comme des classiques.

Difficile pour un mélomane avisé,  trempé dans la sauce des couleurs locales, issu des années fin 70, 80 et particulièrement 90 et 2000, de ne pas se réveiller certains soirs ou matins avec unair de l’une des plus agréables compositions et interprétations du projet « Haïti Troubadou » à  auditionner.

Dans la liste des voix célèbres qui ont artistiquement et mélodieusement partagé leurs souffles et leurs sens dans l’essence du volume I de ce projet musical,  on retient les noms de Jude Jean, Michel Martelly, Brothers Posse, Gracia Delva, Jacques Sauveur Jean, Mamina, Eric Charles et Black Alex.

Drôle de coïncidence, en dehors du premier nom qui ne fait plus écho comme au temps des graduations, et des deux derniers qui profitent du repos éternel, et de Mamina, qui a choisi de plier ses ailes, pratiquement tous les autres quatre noms du milieu, se sont reconvertis dans la politique pour le meilleur comme pour le pire. Comme si la musique ou la politique était à la dérive !  

De Eric Charles pourtant, ce dernier qui voulait devenir maire de la ville de Delmas, par la force de sa voix qui a traversé les temps et les générations au sein du compas direct, on rumine encore l’une des plus douces et savoureuses interprétations soigneusement concoctée par les génies fondateurs de la bande MizikMizik. Fabrice Rouzier, Clément Bélizaire et tous les autres complices de cette créativité musicale intemporelle peuvent se féliciter au moins d'avoir retenu la barque musicale.

Dérive musicale confirmée des années après pour plus d'un, la chanson « À la dérive » pourtant a beaucoup de vent encore dans ses voiles,  pour pouvoir mener à bon port la musique nationale. 

Décisive dans une relation amoureuse, entre deux têtes qui partagent des moments intenses, ou deux êtres qui se livrent à des pas de danse avec élégance ou sensualité, la chanson « À la dérive » s’impose plusieurs années après comme une unité de mesure, pour contrôler les émotions solitaires d'un être cher,  entre les mots et le tempo.

Dans cette succulente pause musicale, Eric Charles ne chante pas. Il invente, il réinvente avec son soufflé des mots ordinaires par l’envie de vivre et de jouir de chaque instant unique de la vie, de la présence d'une âme sœur.

« Depi w pa la cheri…. »

« Dim sa poumfè poum paneye…. »

Des plages de mots choisis et combinés certainement par un autre compositeur inconnu et peu connu de la place. Une mélodie qui donne vie à la poésie locale, entre le sens des verbes et l’essence des émotions les plus tendres.

Déjà, Éric Charles sentait venir la dérive sur tous les fronts et dans toute la profondeur de ses révélations les plus fertiles.

Du vide autour de lui, de la vie qui n’a pratiquement plus de sens sans elle, sans ces ailes inconnues qu'il interpelle, et qui se confondaient aux voiles de son navire à la dérive, la musique se réinvente.

 « Depiw pa la tankoubatocheri, kisoulanmè ka la deriv… »

Des vagues au début, des doigts magiques de Fabrice Rouzier et de Clément Bélizaire, et du souffle de Mamina  sont venus rassurer les mélomanes en quête de renouveau, tout en ressuscitant la voix d’Eric Charles. Cette voix éternelle dans « À la dérive », cette belle interprétation sans comparaison. La meilleure piste de l'album !   

Dominique Domerçant

 

 

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