Musée haïtien de la sculpture

Dans l’univers des arts plastiques et visuels en Haïti, ils sont nombreux les hommes et les femmes, les jeunes et moins jeunes, qui se sont dédiés dans la création, la production et la promotion des œuvres qui répondent aux critères à la fois techniques, artistiques, esthétiques, fonctionnels, utilitaires et ergonomiques de la sculpture.

Devant la diversité dans les représentations de ces œuvres, la richesse de ce patrimoine artistique, et avec la perte d’un certain nombre de pièces, à cause de l’incendie du quartier des sculpteurs de la Grand-rue de Port-au-Prince, du vol, de la détérioration des matériaux, et du manque de commandes locales pour stimuler la créativité et le renouvellement des talents, il nous faut créer un endroit aménagé pour accueillir la plus grande et la plus diversifiée des collections d’œuvres sculpturales en Haïti.

Depuis le dimanche 25 janvier 2009 a été inauguré le Musée Georges Liautaud à Noailles, une initiative des plus louables dans le secteur des arts plastiques, qui confirme l’importance que les sculpteurs et leurs œuvres devraient avoir dans la promotion de la médiation culturelle dans ce secteur. Un bel hommage à l’un des grands créateurs en dehors de la capitale, réalisée par la fondation AfricAmerica.

De Croix des Bouquets (Noailles) à Bel-Air, des ateliers de l’École nationale des arts (ENARTS), du Boulevard Jean-Jacques Dessalines (Atis Rezistans) à Carrefour (Riviere Froide), en passant par Léogâne, Jacmel, et tous les autres réseaux d’ateliers de créations d’arts plastiques établis à Delmas, dans les quartiers de Jalousie, dans les hauteurs de Pétion-Ville, dans les mornes et la campagne, et toutes les autres villes du pays, ils sont nombreux les artisans, les artistes, les créateurs ou sculpteurs qui continuent d’enrichir le patrimoine national, dans l’ombre, entre l’oubli, l'indifférence, la misère et la marginalisation.

Dans le prochain grand Musée de la sculpture en Haïti, les enfants et leurs familles, les touristes, les chercheurs et critiques d’art seront en mesure de découvrir la diversité des supports, des médiums, des outils et des gestes qui participent dans la fabrication des œuvres sculpturales « Made in Haïti ».

Du bois et des pierres, des métaux aux tôles, des matières plastiques, des matières organiques, biologiques et géologiques se composent dans certaines œuvres des plus originales. Des matériels informatiques et des objets de récupération participent activement dans cette célébration de la créativité.

Dans l'impossibilité d’ajouter une nouvelle mission au Musée du Panthéon national haïtien (MUPANAH), pour pouvoir jouer le rôle de musée des arts plastiques ou du musée national de la sculpture, il faudrait penser à l’endroit qui pourrait accueillir la plus grande des expositions de sculptures jamais réalisées en Haïti.

Dans l'éventuelle réouverture prochaine du musée d’Art du collège Saint-Pierre, les riches collections de tableaux ne laisseront certainement pas assez de place aux œuvres sculpturales des plus imposantes signées par des artistes plasticiens depuis plus d’une décennie.

Dans le même sens, l’accueil prochain de la riche collection du Centre d’art, dans le grand bâtiment à Pacot, ne laissera pas suffisamment de place pour les œuvres sculpturales de plus en plus ambitieuses dans la taille, l’expansion et le volume des matériaux.

Dommage que le vaste espace qui accueille le Parc de Martissant, est de plus en plus isolé du calme et de l’ambiance détendue et sécuritaire que devrait proposer une exposition artistique, dans un village de sculptures. On ne peut compter que sur les quelques sculptures de l’artiste Pascal Monnin, en mémoire des victimes du séisme de 2010, pour comprendre ce qu’aurait été un Musée de sculpture dans un Jardin à ciel ouvert, comme à Paris, à défaut d’une place publique intégrant une variété de sculpture.

Depuis 2005, la "Fête de la sculpture” est organisée à l’Institut français, en collaboration avec plusieurs partenaires, dont la Fokal. En 2007, le public allait découvrir l’un des plus beaux catalogues artistiques, qui mettait en valeur les œuvres sculpturales et leurs créateurs, issus de plusieurs générations, tendances et registres.

Des noms comme Guyodo, Celeur Jean Herard, Lionel Saint-Eloi, Maksens Denis, Cheby, Jose Delp, André Eugène, Joel Fils-Aimé, Nasson, Brunel Rocklor, Zaak, entre autres allaient contribuer à cette grande fête de la sculpture dans la capitale haïtienne.

Dans le grand village de Noailles, on retient les noms des sculpteurs suivants: Serge Jolimeau, Eddy Jean Rémy, Mirta Balan, Médard Ulysse, ces derniers et plusieurs autres se livrent à la transformation et l’assemblage du fer (métal) découpé. Un art qui a déjà conduit l’artiste Eddy Jean Rémy à exposer au palais de l’UNESCO au Liban à Beyrouth, ses fameuses sculptures qui représentent comme les deux tours jumelles de New York, qu’on allait découvrir ensuite dans des expositions organisées dans les locaux du ministère de la Culture et de la Communication, actuel quartier général des FADH, et au siège de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en Haïti. Il était une fois, un concours de sculpture en hommage aux pères fondateurs de la nation, organisé par l’Ambassade d’Haïti à Washington ?

Des femmes se sont imposées dans l’art de la sculpture en Haïti. Leurs œuvres constituent un pan important dans le patrimoine national et affirment une nouvelle dimension dans la maturité plastique de ces dernières, en dominant les nombreux matériaux et en maîtrisant les multiples techniques de transformation. Hilda Williams, Marie José Nadal, Pascal Faublas, Barbara Prezeau, Mireille Fombrun Mallebranche, Christel Menouar Laroche, Marithou, Pascal Monnin, etc.

Des sculpteurs de renom, oubliés, inconnus, anonymes et des plus brillants, des anciens et actuels professeurs de l’ENARTS. Albert Mangones, Jean-Claude Garoute (Tiga), Ludovic Booz, Sacha Tebo (Thébaud), Andrisson Fils-Aimé, Serge Jolimeau, Ronald Mevs, et tous les autres sculpteurs anonymes. D’autres comme Jean-Gerard Merveille, Patrick Ganthier (Killy), Etzer Pierre, Harold Dessalines, Édouard Baptiste dit Youyou, Ronald Paul (Abako), Seize Berthony, Joseph Delva, et la nouvelle génération émergente, qui propose des noms comme Woodly Cayimite (Filipo). Qui ne se souvient pas de la statue réalisée par le plasticien Josué Blanchard, qui trône dans la ville de Port Salut, en signe de protestation contre les injustices de la force onusienne en Haïti ?

Depuis les premiers pas franchis dans la création des œuvres sculpturales et expérimentales entre le fer, le cuir, le tissu, le bois et les papiers, lors du concours de sculpture Hilda Williams en 1999, organisé par la fondation Culture Création (FCC), en passant les initiations académiques entre l’argile et le bois entre 2000 et 2005, à l’ENARTS, sans oublier la découverte des talents du village Noailles à Croix-des-Bouquets, et de l’exploration des ateliers du boulevard Jean-Jacques Dessalines, la curiosité pour la sculpture s’est agrandie entre la passion intime et intense pour l’architecture et lors des nombreux voyages en dehors du pays, et la visite de nombreux musées et la découverte de nombreux ateliers.

Découvrons dans ce Musée national de la sculpture haïtienne, la grande foire des sujets abordés par le génie de ces talentueux créateurs. De la représentation des personnages, en passant par la célébration des esprits, des idées et des symboles, les sculptures haïtiennes explorent, inventent ou transforment la matière plastique (géologique, biologique, naturelle, industriel, chimique, mécanique, artistique, académique, etc.) dans le seul but d’imposer leurs marques dans l’espace-temps. Comment classer et catégoriser les œuvres dans l’histoire de la sculpture en Haïti ?

De nombreuses œuvres sculptures très imposantes occupent les espaces publics et animent le décor de nombreuses institutions en Haïti, notamment des institutions financières. Dans une telle démarche, les œuvres de l’artiste Philippe Dodard occupent de nombreuses succursales des banques commerciales, comme la Sogebank, la Unibank et le siège de la BNC, en dehors de feu Ludovic Booz qui dispose de l’œuvre centrale qui constitue le mémorial du Centre de convention et de documentation de la Banque de la République d'Haïti.

Dans l’aire du Champ de Mars, ce sont pratiquement des sculptures qui font l'éloge des Héros de l'indépendance qui servent de repères aux passants et aux visiteurs de la plus grande des places publiques du pays. Entre la détérioration de ces monuments et l’absence d’un réel programme d'éducation artistique, culturelle et esthétique dans le système éducatif haïtien, en dehors de l'existence des émissions sur les arts et la culture dans les médias en Haïti, la population n’arrive pas véritablement à apprécier la portée symbolique et esthétique de ces œuvres historiques majeures, pour comprendre et apprécier le talent des sculpteurs haïtiens et l’importance pour le pays de développer cette industrie, qui pourrait grandement contribuer dans l'aménagement et la beauté des villes.

Dans la création du prochain Musée national de la sculpture, la nation haïtienne profitera de ce somptueux espace pour honorer la mémoire des grands noms de la sculpture haïtienne tels que : mes deux anciens professeurs de l’ENARTS : Ludovic Booz et Andrisson Fils-Aimé, mon ami Joseph Casseus, et l’immortel Albert Mangones.

Dominique Domerçant

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