Reconstruction du Grand Sud, une proposition d'un plan de relance de la commune de Pestel à l'égard des principaux bailleurs de fonds (USAID, UE, BID, BM) et de l'État haïtien

À l'image du pays, la commune de Pestel a raté plusieurs opportunités pouvant lancer son développement. La Fête de la mer discontinuée en 1992, à cause du coup d'état du 30 septembre 1991, était le principal atout manqué par les Pestelois. Grâce à son rayonnement international, la fête de la mer aurait pu rapporter à l'économie locale une grande quantité de devises qui pourrait servir à la construction d'écoles, de routes, d'entreprises agricoles et de tant d'autres infrastructures nécessaires au développement d'une communauté. 

Pestel a manqué le train à deux autres occasions quand elle a raté la possibilité d'exploiter la plage Anse-Blanche, qui était à l'époque son principal atout de développement par des investisseurs étrangers. La première fois, ce fut en 1996 quand le gouvernement de René Préval n'a pas donné son feu vert. Puis, en 2012 le gouvernement Lamothe-Martelly a fait obstacle au groupe Cayemites Investissement. L'exploitation de l'Anse-Blanche représentait une possibilité capitale pour lancer Pestel sur la voie du développement. En effet, c'était une occasion en or perdue où des centaines de milliers de dollars d'investissement allaient transformer la petite île des Cayemites (3km2) en un véritable levier de développement qui placerait la commune sur la carte touristique mondiale et ferait de la zone Grand'Anse-Nippes un pôle de développement pour tout le pays. 

Par ailleurs, Pestel n'a pas su non plus profiter de l'exploitation de son café, de l'indépendance à nos jours, pour faire un bond en avant vers son décollage économique. En fait, les profits issus de la spéculation caféière n'ont pas été utilisés pour créer de petites et moyennes entreprises, organiser l'agriculture, déployer la pêche dans son espace côtier et investir dans l'élevage. 

Pestel, comme toute autre commune du pays, subit les effets nocifs de la centralisation à outrance de l'administration publique où tout se décide dans la « république » de Port-au-Prince. Elle souffre d'une carence endémique en infrastructures routières, en eau potable, en électricité, et en d'autres infrastructures de base indispensables au bon développement de toute communauté. 

Le passage du séisme du 14 août 2021 a tout basculé à un moment où la commune peinait encore à se relever des séquelles de l'ouragan Matthew. Aussi bien que l'on peut observer, tous les dégâts causés par le cyclone n'étaient pas même sur le point d'être réparés. Les infrastructures endommagées pour la plupart étaient jusque-là ignorées. 

Une triste réalité qui pourrait être transformée en opportunité, il suffit que l'action citoyenne soit bien planifiée, orientée et bien canalisée. Si comme dit De Paul Ohl / Katana que  «La force naît de l'adversité et des souffrances.», il  y a lieu d'espérer de voir un décollage de Pestel propulsé par la catastrophe. Pestel doit profiter du désastre qu'elle vient de connaître pour s'offrir un nouveau départ. Elle doit se capitaliser sur son malheur pour construire son développement en cohérence  à ses atouts.  On parle certes de la reconstruction. Rien ne dit si la vision  des acteurs ou des décideurs sera en cohérence avec ce que la commune a comme ressources et potentiel. 

Comme on a remarqué en 2010 le modèle de relèvement proposé par les bailleurs comme BID, Banque Mondiale, USAID, UE n'a pas eu les résultats escomptés. Les problèmes demeurent encore visibles. C'était un plan basé sur des "solutions" rapides, temporaires et non durables à des problèmes systémiques majeurs, comme l'a si bien dit Lisa Hyatt, directrice exécutive d'Ouverture International dans les colonnes Le Nouvelliste (Restez en dehors du pays). Il y avait cette dérive du fait que les fonds alloués à la reconstruction étaient dirigés totalement vers l'humanitaire au mépris des grands projets structurants, durables, à grands effets multiplicateurs. S'il n'y a pas une vision claire de la part des acteurs ou des décideurs, Pestel connaitra le même sort que le pays a connu après 2010 et ne se relèvera jamais.

Les gens de Pestel ont tout intérêt à encadrer la reconstruction de leur commune. S'il est vrai qu'il y a les maisons à reconstruire ou à réhabiliter, des routes ou d'autres infrastructures à construire, il est tout aussi important de mettre l'accent sur les potentiels de développement durable de la communauté. Cela dit, ils doivent capitaliser sur les fonds de la reconstruction pour relancer le développement de leur commune et ainsi contribuer à son auto-suffisance économique. Ce sera une opportunité de favoriser la création de la richesse pour la commune.  Ainsi, nous proposons ci-dessous quelques pistes d'orientation :  

1.    Pestel doit miser sur les atouts de sa richesse maritime pour viser un développement équilibré de son littoral, en cohérence avec des stratégies de filières liées à ses systèmes productifs locaux, ses monuments historiques, ses sites naturels, son potentiel écotouristique. On propose de construire un front de mer qui sera attrayant pour attirer davantage de visiteurs. Le bord de mer terrassé pendant le séisme peut accueillir un tel projet. Sur initiative de Madame Clio Grand'Pierre et son  conjoint Réginald Grand'Pierre, Johnny Fignolé et l'architecte Addly Célestin, un plan master de reconstruction du bord de mer est déjà conçu. C'est la preuve que l'on compte tirer profit de la catastrophe. 

Ce projet de "Construction du front de mer de Pestel" sera la porte ouverte sur la baie des Cayemites avec ses marinas, les unes plus extraordinaires que les autres; porte ouverte sur les superbes plages des îles aux sables jaunes ou blancs avec mer d'émeraudes scintillant au soleil; porte ouverte sur les îlots de sable non loin de la grande Cayemite; et porte ouverte sur les fonds blancs entre les Cayemites et les Basses au beau milieu de la baie. 

2.    La reconstruction de Pestel doit aussi centrer sur son potentiel agricole, (surtout ses vergers, ses plantations d'ignames, de manioc et de café). À Hatte à Fourcaud, un des greniers agricoles, on propose de construire un petit barrage pour irriguer la terre en toute saison. Ce sera un moyen d'accroître la production agricole au niveau de la commune.

L'on propose de mettre sur pied des programmes de crédits agricoles afin que des fonds orientés vers le développement des filières d'ignames et de manioc soient disponibles aux producteurs. Les planteurs ont besoin de créer des cassaveries, de monter des usines de transformation des fruits et de l'arachide, de développer des méthodes de conditionnement sous vide et des systèmes de refroidissement à air forcé des fruits et légumes et d'autres produits périssables afin de faciliter leur acheminement au consommateur final avec moins de risque de pertes et gaspillages. 

3.    Comme zone intégrée de l'aire protégée (Complexe Baradères-Cayemittes), Pestel doit envisager des projets de pêche durables de manière à éviter l'exploitation anarchique des ressources maritimes, à se protéger contre d'éventuels aléas et à se prévenir de la disparition de certaines espèces de l'écosystème. Il est à prévoir le financement d'une école polytechnique centrée sur la pêche, le tourisme et l'agriculture.  

4.    Espérons que la construction du tronçon de route Carrefour Zaboka-Pestel sera prise en considération pour favoriser l'interconnexion entre Pestel et ses communes adjacentes, et son chef-lieu. Il est aussi d'une cruciale importance pour nous le captage de la Source Bouilly dotée d'un grand débit se trouvant à la quatrième section et pouvant alimenter toute la commune. 

Tout compte fait, la population de Pestel propose aux bailleurs, s'ils veulent vraiment aider les communautés à s'en sortir en toute dignité du choc des cataclysmes de toutes sortes qui les mettent à genoux à chaque fois qu'ils essayent de se relever et de se prendre en charge, de conditionner leurs dons pour financer des projets structurants à hauteur de 75% des fonds. Ainsi fait, ce serait une aide qui les aiderait à sortir de l'aide, qui les aiderait à être plus résilientes aux prochains chocs qui ne manqueront de surgir puisque Haïti est un pays à risque sismique et vulnérable aux intempéries. Dans le plan de développement communal de Pestel, ils proposent aux décideurs une nouvelle perspective pour la reconstruction du grand sud qui inclut les vœux des populations victimes. 

Ainsi, les projets ci-dessous peuvent aider les communautés vulnérables de Pestel d'augmenter leur capacité de résister face aux aléas de la nature:

1.    La construction du Front de mer de Pestel;

2.    L'asphaltage de la route Carrefour zaboka-Pestel;

3.    Le grand projet de régénération de la culture du café;

4.    Le grand projet de relance de la culture du cacao;

5.    Projets de montage de cassaveries dans les 1ère, 2e et 3e section;

6.    Le grand projet d'augmentation de la production d'ignames dans toutes les sections communales;

7.    Le grand projet de soutien aux pêcheurs;

8.    Le grand projet de captage de la source Bouilly pour plusieurs systèmes d'adduction d'eau potable dans les 4e, 3e, 2e et 1ère section;

9.    Le projet de réhabilitation du tronçon Duchity-Kaboule-Don de l'amitié vers parc Macaya;

10.   Le grand projet de soutien aux organisations de femmes dans chaque section pour la transformation du café en poudre de café, d'arachide en mamba, de fruits en confitures, liqueurs de toutes sortes;

11.   Le grand projet de la construction de la polytechnique de Pestel;

12-projet de la reconstruction du petit barrage de La Hatte à Fourcaud pour une extension de la productivité agricole;

12- création des activités agrosylvo pastoraux dans la zone.

Ces propositions ne sont pas faites pour bloquer les projets de construction de maisons détruites ou endommagées par le tremblement de terre ou la construction et la réhabilitation d'édifices publiques telles qu'écoles, centres de santé, églises, etc. Elles n'ont pas non plus l'intention d'empêcher les handicapés et les personnes âgées de bénéficier de certains avantages. Ces propositions visent de préférence à décourager et même contrer les projets orientés vers l'assistance humanitaire à long terme qui promeuvent une vision caritative d'assistanat (produits de premières nécessités, transfert de cash ...). Nous sommes attachés à l'idée de projets de construction ou de réparation de logements; à cet effet, nous suggérons aux décideurs de trouver la formule idéale qui consiste à aider les gens à reconstruire leurs maisons sur le schéma traditionnel avec tout simplement un plan d'extension dans la cour munie d'une latrine, d'une douche et d'un réservoir d'eau. Qu'il en soit ainsi pour une nouvelle manière d'aborder l'aide au développement en Haïti!
 

James Saint Germain, Sociologue et professeur de philosophie

jamesstgermain19@yahoo.fr 

Tél: (509) 3187-1056 

Ronald Étienne, ex-Député du peuple aux 48ème et 50ème législatures 

ronaldetienne1966@yahoo.com

Tél: +509 37 66 4406

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