Le balai contre le Babel

Le National avait semblé prévoir ce début d’effort sectoriel de propreté dans l’aire métropolitaine. Le samedi 17 décembre dernier, quelle n’a été notre grande joie de voir des jeunes armés de pelles, de brouettes, de balais, de « pikwa » et de machettes s’attaquant à la lourde besogne d’une capitale qui non seulement souffre d’une encéphalite sociale, mais aussi toute salie « tankou yon peny ti dan ». Portant des maillots qui identifient leurs quartiers réciproques, ils étaient décidés, sous le soleil, à accomplir leur devoir de correction.

Le National avait semblé prévoir ce début d’effort sectoriel de propreté dans l’aire métropolitaine. Le samedi 17 décembre dernier, quelle n’a été notre grande joie de voir des jeunes armés de pelles, de brouettes, de balais, de « pikwa » et de machettes s’attaquant à la lourde besogne d’une capitale qui non seulement souffre d’une encéphalite sociale, mais aussi toute salie « tankou yon peny ti dan ». Portant des maillots qui identifient leurs quartiers réciproques, ils étaient décidés, sous le soleil, à accomplir leur devoir de correction.

Car, il y a un défi à relever. Il y a une théorie babélique à déconstruire. Il y a des insinuations confuses entretenues par une mentalité magicoreligieuse même dans les milieux académiques.. On n’a pas besoin de trop enquêter pour croire que la Nature organique « voit » nos problèmes. Chaque enfant qui nait sur ce territoire est un porteur de lumière, de solutions et de résultats. Cependant, une lourdeur fatale pèse sur leur spiritualité. Le Malkut, comme diraient les adeptes de la Kabale juive, l’emporte. Si ce n’est Jacques Roumain empoisonné, c’est Jacques Stéphen Alexis jeté dans la rade de Port-au-Prince ou Judie C. Roy fatalement amaigrie par, dit-on, l’huile d’une lampe… Cette anthropophagie prend toutes les nuances. Seule la sagesse permet, par ces temps de « démocratie », de déceler les formes insidieuses.

 Donc, Le National avait ressenti venir ce début de mobilisation citoyenne dans la ville. On ne sait pas si c’est l’esprit de la fête de Noël. Si c’est une distance par rapport à l’État qui ne s’en prend pas aux problèmes de la Cité. Ou s’agit-il d’une action coordonnée par les maires ou les casecs ? En tout cas, un mouvement est déclenché. On voit son enthousiasme de l’Avenue Magloire Ambroise jusque du côté de Carrefour, à « Kafou » Rail. Les grands moyens matériels ne sont pas déployés. Cependant, à défaut des tracteurs de la CNE, Centre national d’Équipements, les bras peuvent réaliser quelques miracles.

 Si l’État se préoccupe d’élections ou des actions ordonnées contre l’introduction du choléra en Haïti, le secteur privé devait accompagner ce mouvement spontané. 10 000 morts, ce n’est pas peu ! Les contaminations peuvent s’étendre plus rapidement dans la ville salie et « encéphalitique ». Dans la logique de l’Effet Boomerang, certains pollueurs peuvent recevoir les infections envoyées, comme la pierre rejetée revenue à son angle. La sagesse indigène a encore beaucoup à nous apprendre.

Car, ils ont inventé la poudre à canon. Ils ont manipulé le pétrole, brûlé le charbon et, en final, flambé l’ozone de protection. C’est contre le dégât des cheminées qu’on voit aujourd’hui la nécessité de corriger l’erreur séculaire, depuis ladite Révolution industrielle, par l’utilisation des énergies propres…

On a connu de pareils mouvements de solidarité pour l’assainissement de la ville en 1991. Cependant, à la suite d’expériences malheureuses, des désillusions se sont installées. Tremblement de terre et autres cyclones ont désarmé le courage des uns et des autres. L’argent, la voiture, le revolver, la maison, la maitresse fardée ont vite remplacé les valeurs citoyennes. Aujourd’hui que la Nature organique méprisée nous fait voir devant nos maisons nos erreurs, le devoir de correction nous oblige à encourager cette solidarité de comités de quartiers.

 Par contre, ces derniers doivent se transformer en Brigades de surveillance de l’Environnement. Ils auront la mission de renseigner des instances de l’État quand un propriétaire ou un locataire de maison, qui reçoit l’eau à gogo et l’électricité sans payer un sou, ne renvoie pas l’ascenseur : un coup de balai sur le trottoir. Sinon, c’est la pénalisation, le « bill » de l’insalubrité acheminé contre le « citoyen malpropre ». En retour l’État doit faire enlever les piles d’immondices dans les quartiers vers des décharges.

 Il s’agit d’encadrer ces mouvements d’assainissement pour que le travail entamé ne demeure pas que celui d’une fête, d’une occasion politique ou d’une conscience momentanée face à notre Babel. Ce lieu fabriqué où l’on éprouve une espèce d’extase à nous accuser l’un et l’autre…

Pierre Clitandre

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