Les beaux jours du monstre

Les Nations unies ont été, pendant des années, en Haïti, avec comme objectif de stabiliser le pays et d’y établir la paix. Par le biais de la MINUSTHA (Mission des Nations unies pour la stabilisation et la paix) leurs axes d’intervention étaient multiples. Formation et modernisation de la Police nationale, justice, droits de l’homme, etc. Quelques mois seulement après le départ de la MINUSTHA, les craintes des observateurs les plus avertis commençaient à se confirmer. Les gouvernements en place n’avaient fait que profiter de la présence des Nations unies pour demeurer en place et faire leur beurre vu qu’était jugulée toute menace de putsch d’où qu’elle vienne.

 

Critiquer seulement les Nations unies ne serait pas honnête. On a pour cas certains rapports remis à nos dirigeants pour suivis concernant les ripoux au sein de la PNH. Tous ces rapports ont été ignorés et les responsables des Nations unies n’ont exercé aucune pression pour le suivi. « Ce n’est pas notre pays. Nous avons fait notre travail. Ils font ce qu’ils veulent, ces petits nègres. »

 

Le fait est que le monstre a grossi tranquillement pendant la présence des Nations unies. Qui se souciait vraiment de bonne gouvernance ? Car la question était là. Le pays a joui d’une relative stabilité pendant la présence de la MINUSTHA, car les Nations unies ne pouvaient se permettre une situation chaotique comme celle qu’on vit aujourd’hui. Les gangs à l’époque ont été contenus, mais il s’agissait au gouvernement haïtien d’établir un contrôle aux frontières pour empêcher la contrebande des armes. C’était encore au gouvernement haïtien et donc à la Police nationale de contrôler la circulation des armes à feu et d’empêcher aux parlementaires, sénateurs et députés, de détenir et de distribuer des armes de guerre. Rien n’a été fait. Parlementaires, hauts fonctionnaires, proches du pouvoir ont eu accès librement à des armes de guerre qu’ils ont distribuées dans les ghettos toujours avec ce but perpétuel dans la politique haïtienne de garder à vie le pouvoir. Du côté d’une certaine bourgeoisie affairiste, il s’agissait avant tout de profiter de cette manne, car c’était ces hommes et ces femmes des classes moyennes, arrivés au pouvoir sans carnet d’adresses, ne pouvaient pas eux-mêmes acheter des armes. Il faut avoir des relations internationales, connaître les marchands d’armes. Bref, toute cette comédie macabre a mal tourné et le petit jeu entre politiciens, bourgeois, affairistes et voyous des ghettos a viré en ce cauchemar que nous connaissons aujourd’hui. Les gangs ont compris finalement qu’ils avaient beaucoup de cartes en main. Il suffit par exemple qu’un chef de gang menace de publier sur les réseaux ses conversations téléphoniques avec de hauts responsables de l’État pour qu’une opération policière contre lui prenne fin. La menace, dit-on, est plus dangereuse que l’exécution.

Le drame de notre pays c’est que toute vérité mise sur la table va emmener à l’effondrement du système, car trop de personnes sont impliquées d’une manière ou d’une autre dans ce système maffieux.  Le silence de la société, le respect voué aux prévaricateurs sont de la complicité active. En même temps, le pays a déjà dépassé la ligne rouge dans sa course vers sa destruction.  Il faut s’arrêter et revenir en arrière. Jusqu’à présent, aucun signe de volonté de changer les choses. Les anciens opposants sont en train de ripailler avec les hommes au pouvoir. Tous ont peur des élections qui ne pourront que porter une autre équipe d’hommes et de femmes à la direction de l’État. La seule solution est de rester le plus longtemps possible au pouvoir. François Duvalier donc n’était pas un hasard. Dans un autre contexte géopolitique, on n’aurait pas hésité à se déclarer à vie et même – nous sommes doués pour les pitoyables comédies - à fonder une nouvelle royauté.

 

Gary Victor

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