Les tortueux

Depuis des années, nous avons donné à l’ignorance, au mépris, à la violence et à la corruption un droit arrogant de s’afficher et de s’imposer partout dans notre société. Ainsi, toutes nos institutions ont périclité jusqu’à ne devenir que des lieux prétextes pour que des voyous puissent ripailler en toute impunité. La démocratie a été ainsi totalement dévoyée au point qu’on a vu des élus argumenter que le temps de leur mandat devait être respecté même si ce mandat ne servait pas à se préoccuper des affaires de la nation, mais du ventre et du bas ventre de sombres individus attirés par la fonction à cause d’une prétendue immunité qu’elle conférait.

 La Loi du Talion a été bannie des sociétés dès que les hommes ont jugé nécessaire de confier à l’État, à des institutions, la mission de régler les litiges et les offenses, quels qu’ils soient. On ne peut vivre en communauté dans un état de violence et de conflits permanents. Aucun progrès social et économique n’est alors possible. Chez nous, jusqu’à un certain moment, une justice même boiteuse fonctionnait. Même pendant la période de la dictature, le vol et le crime étaient punis, s’ils n’étaient pas autorisés pour raisons politiques. Un coup de feu dans un quartier devait être expliqué. Des militaires félons ont fait sauter ce qui nous restait de système sécuritaire toujours pour s’assurer des commandes de l’État, des révolutionnaires d’opérette au pouvoir ont commencé à distribuer des armes dans les « bases » et les gouvernements qui se sont succédé ont continué la pratique avec le résultat qu’on connait.  Des populations livrées, pieds et mains liées aux voyous en armes qui incendient, violent, assassinent impunément. La belle société, les journalistes soucieux de leurs relations d’argent avec les hommes au pouvoir n’ont jamais trop trouvé vraiment un air de sauvagerie aux massacres, aux filles violées, aux populations déplacées. Pendant des mois des quartiers entiers ont été abandonnés aux exactions des gangs. Pire, la corruption engendrée par l’argent du kidnapping a précipité des tas de jeunes, des jeunes femmes surtout, dans l’antre de l’enfer. On s’en est foutu. Dès que cela se passe dans les quartiers populaires, cela ne nous concerne pas.

Aujourd’hui, ceux qui ont donné du jus et qui continuent à donner du jus à cet enfer que vivent toujours nos populations en dépit de cette révolte qui s’est fait attendre – Il faut se rendre au haut de Carrefour-Feuille dans la région de Caridad pour s’en rendre compte- brusquement se retrouvent à donner des leçons à une population dont les conditions de vie sont le cadet de leurs soucis. On parle d’autodéfense extrême, mais qui a parlé d’agression extrême ? Pire d’abandon extrême ? Ceux qui ont acheté, distribué des armes, souvent à des enfants, et qui continuent à occuper des fonctions importantes au sein de l’État ne sont-ils pas ceux qu’on devrait en premier lieu indexer dans cette situation intolérable ? Certains de ces malfrats, soutenus par la communauté internationale et par des pontes d’une presse pourrie n’auront aucune honte à se présenter ou à se représenter aux élections en profitant du fait que les territoires perdus n’ont pas été vraiment perdus, mais conquis pour sécuriser des votes zombis.

On aime beaucoup répéter qu’il faut mieux mille coupables en liberté qu’un innocent en prison. Allez soutenir cette thèse chez ces populations méprisées, ignorées, qui voient leurs maisons incendiées, leurs hommes assassinés, leurs filles violées, leurs petits commerces vandalisés, leurs dollars envoyés de la diaspora confisqués, etc. ! De toute manière, les coupables risquent d’être libérés par une justice en grande partie aux ordres des bandits et l’innocent ne pouvant monnayer sa liberté restera derrière les barreaux !

Pour avoir continuellement leur ventre plein et les moyens de plaire à leur bas ventre, les tortueux sont prêts à piétiner la vérité et la logique, à dévoyer la philosophie et à tordre la morale !

Gary Victor

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