L’intelligence capoise

La fête officielle du Drapeau national de la République d’Haïti est célébrée dans la deuxième grande ville du pays, au Cap haïtien, à l’occasion de ses 220 ans d’existence. Loin d’être une innovation, comme ce fut le cas pour la délocalisation du carnaval national il y a quelques années, on retiendra que la célébration politique d’un tel patrimoine symbolique en dehors de sa ville mythique et historique, ne  peut que renforcer, aux yeux du monde, la place incontournable et irremplaçable du Cap-Haïtien dans l’histoire d’Haïti.

 

Dans une forme de résistance culturelle et historique, face à la désacralisation des dates et des lieux de mémoire dans le calendrier des fêtes nationales en Haïti ces dernières années, la Ville  christophienne vient de faire la différence, en ne laissant ni de casse ou de trace de sang des innocents sur les murs et dans  rues. Les manifestations du 18 mai 2023 ont été beaucoup plus festives que funestes, en dehors de quelques gestes solidaires qui font chuter, pour certains critiques et observateurs du béton, les enchères.  

 

Dans cet accomplissement culturel et historique gagnant-gagnant autour du Bicolore comme prétexte pour améliorer le décor, pour les organisateurs et leurs invités, les participants aux défilés et les habitants de la ville, c’était l’occasion pour ces derniers, et leurs représentants de soumettre leur cahier de charge actualisé,  en prélude à la saison cyclonique et aux risques sismiques annoncés. Le Cap devrait profiter de cette visibilité instantanée pour négocier de façon intelligente et durable des interventions majeures, urgentes et préventives dans certains domaines stratégiques ?   

 

Il y a de l’intelligence politique à formuler, à l’aune de la vision universelle christophienne, pour encourager la consolidation des pans importants du patrimoine historique, architectural, culturel, régional et mondial de cette ville. N’est-ce pas l’occasion idéale pour solliciter la reconstruction de la toiture de la chapelle de Milot incendiée il y a quelques années ? Il y a une urgence réelle non pas pour célébrer, mais pour protéger et préserver d’autres éléments importants de la mémoire urbaniste et de la grandeur historique des gens du Nord ? Comment le Cap-Haïtien pourrait-il capitaliser sur l'après 18 mai 2023 face à ses besoins urgents ?

 

De l’intelligence capoise pour défendre ce choix historique de célébrer officiellement la fête du drapeau, tout en mesurant les impacts géopolitiques et du fardeau politique du contexte actuel. En évitant bel et bien cette catastrophe politique et populaire annoncée en bleu et rouge,  par certains acteurs irrespectueux de la valeur éducative et symbolique des dates historiques, les élites et les notables de la ville du Cap-Haïtien, doivent maintenant s’organiser pour ne soulever de drapeau blanc (de la défaite et de l’humanitaire) après le passage du prochain séisme ou cyclone.   

De l’intelligence collective combinée à l’intelligence politique,  comme les deux principales bandes du Drapeau national à placer au sommet des institutions et dans les principales revendications. À quel prix faire du Cap une ville intelligente et résiliente, capable de défendre autant son patrimoine humain et matériel ? En payant le prix pour le respect de la mémoire des ancêtres, tout en assurant la promotion de l’unité entre les héritiers actuels de cette terre, cette même unité qui a permis de concrétiser le rêve de Catherine Flon, de Vertières et des ancêtres, le Cap-Haïtien vient de confirmer le pouvoir symbolique du drapeau à travers l’intelligence historique et politique de ses habitants, des Haïtiens et des Haïtiennes unies par le sang rouge des ancêtres et la grandeur (bleue) du Royaume du Nord.

 

Dominique Domerçant  

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