La quadrature du cercle

Les nationalistes montent sur leurs grands chevaux dès qu’on parle d’une intervention militaire étrangère pour contrer les gangs qui mettent à mal le pays. Sauf que cette colère n’est que de pure forme, car  produit d’un ego démesuré fictif, elle ne prend pas en compte nos responsabilités, pour ne pas dire nos faillites dans la gestion de notre espace national. Idem pour ceux qui souhaitent une telle intervention qui a déjà eu lieu sans que finalement rien n’ait changé dans nos pratiques séculaires de mépris, de corruptions et de ripailles.

Certains étrangers ont eu des propos très durs concernant notre incapacité à gouverner. Mais est-ce une incapacité à gouverner ou une manière bien à nous de comprendre la gouvernance, manière qui serait une sorte d’héritage de la flibuste, nos dirigeants toujours organisés en armée de sauterelles dévoreuses ne laissant rien sur son passage ?

Quand on s’est évertué à chier dans sa maison jusqu’à ce que l’odeur de la merde finisse par écœurer le  corrompu le plus endurci, on voit mal un tiers, c’est-à-dire l’étranger, accepter de venir jouer le rôle de vidangeur surtout qu’il peut avoir un prix à payer en termes de vies humaines. Il faut appeler un chat un chat. On n’a qu’à passer en revue notre histoire politique au cours de ces dernières années pour se rendre compte que ceux qui ont accaparé le pouvoir que ce soit au niveau de l’exécutif, du législatif et même de la justice ont copieusement chié dans l’assiette nationale. Pire, pendant des années on les a même considérés comme des gens à respecter, à fréquenter, des gens devant qui on devait faire la génuflexion pour quémander toutes sortes de faveurs alors qu’ils n’étaient rien d’autre que d’ignorants voyous propulsés à la tête de l’État avec l’aide de l’étranger et il faut le reconnaître aussi avec la bienveillante impéritie d’un peuple incapable de réfléchir à son présent, pour penser son avenir et se choisir des dirigeants enfin capables de donner une autre direction à la nation.

Le mépris voué à la majorité noire de ce pays, à la paysannerie, à la masse des ghettos, couplé aux pulsions sans cesse plus délirantes de pouvoir et de ripailles, ne pouvait finalement que nous mener à la situation que nous vivons aujourd’hui. La classe politique et économique au pouvoir a produit les gangs et on comprend que maintenant il leur est difficile de contrer ce qu’ils ont contribué à créer. Dans le temps, jusqu’à Aristide, les groupes armés créés par le pouvoir, on arrivait à les gérer, à faire sauter des têtes le moment nécessaire. On se souvient de la période de la tolérance zéro. Mais l’histoire s’est accélérée. Ceux qu’on pensait toujours manipuler se sont peu à peu émancipés de leurs maîtres à la faveur de plusieurs facteurs que n’importe quel sociologue sérieux qui se penche sur la question peut étudier. On n’a pas des territoires perdus. On a les chiures de nos politiques, de nos hommes d’affaires avides, de ces fous de pouvoirs passés du char de carnaval aux w.c. de la démocratie.

 Pour s’en sortir, il faudra une douloureuse césarienne et imposer une autre gouvernance. Il faudra s’attaquer avec tout ce que nous disposons de ressources à la question de la réparation de notre espace physique et surtout à la question de l’emploi de ces dizaines de milliers de jeunes sans horizons devenus un vivier pour les gangs. Le retour à la normalité passe par plusieurs défis de tailles à relever. Il faudra des cerveaux, des volontés, beaucoup de courage et surtout des patriotes pour s’engager sur le chemin de la résurrection.

 

Gary Victor

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