Quel est notre horizon ?

Un sociologue dans les années 30 disait quand on adore ses dieux sous la tonnelle, on n’a plus que la tonnelle comme horizon.  Certains voient apparemment plus que la tonnelle. Un hôtel, rêve de beaucoup de nos ex-parlementaires. Propriétés à l’étranger. Maisons et voitures de luxe pour ses femmes. On ne rêve pas trop, même si on est en fin de carrière, à un âge avancé, qu’on s’est fait un nom dans sa spécialité et qu’on n’a pas vraiment de gros soucis d’argent, à marquer l’histoire de manière positive. Une université, une bibliothèque, un hôpital qui porte son nom. Le premier problème c’est que cette université, cette bibliothèque, cet hôpital, seront fréquentés par ce peuple qu’on méprise. On mesure son pourvoir, sa réussite, à l’aune du fossé qu’on creuse entre le peuple souffrant et soi. Le futur ? M p ap la ankò !  Ailleurs, on construit des routes, des ponts, et d’autres choses encore qui seront utiles dans les années, dans les décennies à venir. La conception du pouvoir chez nous nous ramène à un quotidien purement animal où il s’agit de  la jouissance de privilèges centrés sur ventre et le bas-ventre.

Ainsi on ne pense pas au temps. Le temps, on voudrait bien qu’il s’arrête. L’horizon est la jouissance d’un pouvoir qu’on voudrait à vie. Ainsi, aucune négociation n’est possible avec l’autre surtout que chacun des protagonistes sait que l’objectif de tous les acteurs en place se résume à l’accès au pouvoir pour continuer les mêmes ripailles. Les problèmes  de la communauté ne sont jamais mis sur le tapis. On aurait pensé qu’en terre étrangère, avec le regard déplorable qu’on porte sur eux, nos politiciens auraient fait l’effort de montrer le souci qu’ils ont pour la nation souffrante. Ce détail n’est dans aucun de leurs chromosomes. Le peuple haïtien ne s’attendait pas à grand-chose et la conclusion de ses rencontres n’a fait que confirmer le talent de cette classe politique à nourrir le chaos.

Nous butons constamment chez nous sur un problème d’horizon. Un horizon obstrué  par les instincts induits par la précarité.

Pendant que nous nous éternisons dans des luttes sans grandeur, pendant que nous méprisons nos frères, que nous complotons pour les anéantir, les autres pays de la Caraïbe continuent tranquillement à progresser sur le chemin de la modernité. La question de l’énergie n’est traitée par nos dirigeants que comme une affaire de gros sous  tandis que nos voisins dominicains, qui n’ont pas ce problème d’horizon, inaugurent le plus grand parc solaire de la Caraïbe.

Quelqu’un déplorait toujours sur les ondes d’une station de radio le fait que notre société n’avait pas de vrais mécanismes de défense. Bwa Kale ne peut pas vraiment en être un.  L’impunité continue à gagner du terrain et encourage de plus en plus de gens à prendre le chemin de l'anormalité et de l'illégalité, ce qui devient la norme. Mais si nous avions un autre horizon, celui-ci conforme aux rêves de grandeur des fondateurs comme Henri Christophe, nous aurions pu penser et implémenter ces mécanismes de défense.

Il faut donc construire une autre masse critique. Avec un autre horizon. Pour  contrer les fossoyeurs de la nation.

 

Gary VICTOR

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