Le spectre

L’État haïtien est chaque jour plus fantomatique. Les pouvoirs régaliens ne s'exercent que sur des parcelles de territoire et par à-coups. Les écoles sont menacées dans leur existence par le départ massif des professeurs et des parents, en quête de cieux plus cléments.

 

Des bacheliers se préparent à affronter des examens officiels dans l'urgence. Depuis déjà plusieurs années, l'urgence est devenue la norme chez nous. Haïti est la «fille malade» de l'Amérique. Mais, cela ne semble pas faire beaucoup bouger les lignes ici et ailleurs. Nos leaders restent fidèles à leurs divisions qui, depuis des années, enferment le pays dans d’interminables transitions, sans perspective électorale.

 

L'impuissance à sortir de la crise est proportionnelle aux souffrances de ce peuple qui assiste à la fermeture des écoles et hôpitaux, aux rues défoncées débordant de détritus, parce que pilonnées au mortier de l'incapacité ou de l'impuissance crasse des pouvoirs publics. Un pays éventré frappé de plein fouet par une terrible corrida que se livrent ses élites politiques et économiques. Certaines d'entre elles ont commis le crime de lèse-patrie pour avoir armé et financé des groupuscules de terreur qui endeuillent la nation depuis des années. Les crimes et délits enregistrés sont toujours en hausse, la police se révélant incapable de juguler ce phénomène malgré quelques éparses interventions plus ou moins réussies.

 

Mais, ce peuple vaillant continue de réinventer la survie au quotidien et de résister à ces forces obscures qui font régner la loi de la jungle. Le mouvement d’auto-défense «bwa kale» est l’émanation de cette volonté. De temps en temps, des sportifs font flotter le drapeau. Ce qui prouve que ce peuple, malgré l’adversité, ne périra pas, car les gènes de la résistance se sont renforcés au cours de son histoire qui n'a jamais été un long fleuve tranquille.

 

Dimanche dernier, la diaspora a organisé avec plus ou moins de succès une marche mondiale pour Haïti. La population a déjà montré, aux prix de lourds sacrifices et parfois de violentes réactions, son choix de « vivre libre ou mourir ». Il reste aux partis et groupements politiques de se montrer à la hauteur des défis qui nous attendent, même si, pour l’instant, on ne sent pas leur volonté de prendre nos besoins à bras le corps.

 

Pourtant, personne, aucun leader politique ou économique ne peut se permettre de compter sur un quelconque macabre « sablier », en jouant du temps, car ce dernier nous est compté.

 

Roody Edmé

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