La tentation des mille collines

Depuis plus de deux ans se tiennent avec persistance et hargne des discours avec des relents théocratiques, racistes, des justifications nationalistes plus que boiteuses, discours qui trouvent leur source dans un désarroi généralisé, mais aussi dans une impuissance mêlée à une ignorance qui a malheureusement pignon sur rue. La rhétorique de la violence et de l’absurde se nourrit aussi de la quasi-disparition de l’appareil de la justice, de l’impunité généralisée et de la privatisation de l’appareil d’État par les cancres produits à flots par notre système éducatif.

 

Ainsi le discours d’extrême droite n’a aucun mal à s’inscrire dans le quotidien. Quand le culte de la race ou des ancêtres vient masquer l’impuissance à résoudre les problèmes de la réalité, la voie est pavée pour des délires qui feraient frémir des citoyens dans des sociétés organisées.

 

Se définir comme Français de souche, Américain, Russe, Dominicain, je ne sais quoi est le cheval de batailles des gourous de l’extrême droite. On sait toute la difficulté qu’il y a à définir  au-delà d’un  cadre légal la nationalité. Les dominicains lors des massacres de 1934 demandaient aux personnes avec un faciès « haïtien » de prononcer un certain mot difficile pour un créolophone. On peut même aller jusqu’à étudier les prénoms et les noms de certaines personnes pour déterminer leur origine. Qui ne serait pas né sur le sol, qui dont les parents, les arrières parents et les arrières parents ne seraient pas nés sur le sol ne mériteraient pas une nationalité.

 

Les tenants de ces discours ici en Haïti, question de formation à moins que ce ne soit de la malhonnêteté intellectuelle, ne tiennent pas compte des conditions boiteuses de la formation de notre nation.  Il faut se rappeler que pour nos fondateurs, militaires et anciens affranchis confondus, qui ont fait main basse sur les richesses de la colonie française, les noirs n’étant pas né sur le sol, venus d’Afrique, étaient considérés comme des sous-hommes. Les créoles ont combattu cesdits bosal avec une extrême rigueur et tous les chefs historiques de la révolution anti-esclavagiste ont été assassinés. Les historiens bourgeois qui ont construit notre roman national n’ont pu occulter cet épisode. Il  est dans tous les manuels.

 

L’extrême droite fasciste - chez nous il s’emmêle aussi avec l’extrême gauche- a toujours l’émigration comme cheval de bataille. Tous ceux qui seraient arrivés dans le pays à partir du XIX siècles mériteraient aujourd’hui la pendaison, ou bien un beau petit massacre à la Rwanda où l’on profiterait d’indexer tous ceux qui porteraient des noms qui ne seraient pas haïtiens. Pureté de la race haïtienne ! Il ne faudrait pas oublier les fondateurs qui nous ont construit cet enfer. Le travail ne serait pas parfait si on ne passe pas à la machette tous ceux qui s’appellent Pétion, Boyer, Rigaud, Lapointe, Geffrard,  etc. les descendants de tous ceux qui avaient des pères français et que Jean Jacques Dessalines disait avec raison que ceux dont les pères qui étaient en Afrique n’auraient rien.

 

Le chaos, l’impuissance, l’ignorance, l’impunité nourrissent la folie. Il faut tout faire pour que notre corps social échappe à cette maladie de l’esprit et de l’âme qui peut nous fermer à tout jamais les portes de la réconciliation et de la renaissance. Il faut rassembler toutes les compétences pour remettre en fonction l’État. Il faut enlever la Justice aux mains des bandits. Il faut que nous cessions d’être aux ordres de ces étrangers qui se réjouissent de notre déchéance. Nous avons un grave problème de matériel humain, mais même dans ce marasme nous pouvons trouver le nécessaire pour remettre en marche la locomotive. Mais il faut faire attention à ces discours théocratiques, racistes, passéistes, faussement nationalistes dont l’affiliation avec les mille collines est trop évidente.

 

Gary Victor

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