La bave des prétextes

On peut comprendre toute l’énergie déployée par certains pour que Ariel Henry reste en fonction.  C’est une vérité de La Palice que de dire qu’il est loin d’être le seul responsable de la situation actuelle. Tout le monde le sait. Notre État est formaté pour permettre à une flibuste d’opérer en toute sécurité aux dépens de la Nation. Cette flibuste navigue de l’opposition au pouvoir, du pouvoir à l’opposition, en passant maintenant par la nébuleuse des gangs. Le plus important pour toute cette faune politique qui veut venir faire son «tou pa m»  c’est de faire obstruction à toute tentative d’une vraie reddition de compte. Des intérêts puissants voient d’un très mauvais œil toute régularisation même partielle de l’État.  Il faut une voie pour empêcher toute réforme, tout procès, comme celui du Pétro-Caribe qui viendrait certainement donner un grand coup de balai dans une cour jonchée d’ordures.

 

Notre système éducatif ayant formé une armée d’ânes intelligents, on pense maintenant à changer de constitution comme si avec le matériel  humain sur l’échiquier actuellement on arriverait à un quelconque résultat. Une constitution vient toujours  consacrer un acquis, un acquis qui est la concrétisation d’un rêve, d’une union que des partenaires jugent sacrée pour le salut d’une nation. Ici tout n’est que prétexte pour pouvoir ripailler dans de meilleures conditions sans que personne n’ait à vous demander à rendre des comptes.

 

On rue donc dans les brancards pour casser la mobilisation populaire, pour retourner une opinion qui a pourtant trop de preuves de la félonie des dirigeants. Qu’ont apporté les multiples changements de gouvernements au pays ? demandent certains. Mais on ne cherche pas aussi à savoir pourquoi tous ces gouvernements, à un certain moment, se sont retrouvés face à la population. Ceux qui s’engagent, qui motivent la population ne pensent pas forcément à venir faire de la politique active. On voit déjà comment on assassine un pasteur qui a réussi une marche là où plein d’autres ont échoué. De toute manière, c’est le droit de n’importe quel citoyen de faire de la politique, la population et la société civile devant être vigilantes pour ne pas se faire constamment détrousser.

 

Comme toutes les transitions ont été ratées, il faudrait donc qu’on garde en place une administration qui, au vu et au su de tous, nourrit les gangs armés, a les mains trempées dans massacres et malversations et qui de plus ne tient nullement à monter sur les rails  de la reddition des comptes. Au nom d’un confort illusoire, certains pensent se pou kite peyi a mache, c’est-à-dire laisser le champ libre à ceux qui pillent cette nation, jusqu’à ce qu’un autre groupe de bandits légaux gagne les élections en trichant pour avoir pendant cinq ans la bénédiction des étrangers.

 

Cela fait des années que des observateurs avertis tirent la sonnette d’alarme.  On ne pouvait continuer à jouer cette même comédie avec un État prétexte. Un État qui devrait être forcément un jour à bout de souffle, car n’ayant même pas eu l’intelligence  de gérer sa mangeoire. Mais si la grande majorité de la population prend conscience maintenant des enjeux de cette crise, il lui reste encore à apprendre les vertus du civisme et de l’union. En face, on est prêt à toutes les exactions pour garder ses privilèges. La nation haïtienne doit parvenir à casser la chaîne des commandeurs pour qu’elle puisse commencer à bâtir un autre lieu.

 

Gary Victor

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