Depuis la prise de fonction de l'actuel président dominicain, Luis Abinader, les conditions migratoires des Haïtiens en République dominicaine se sont durcies. La construction d'un mur qui s'étend sur 164 km de la ligne frontalière entre les deux pays a été lancée. Les arrestations et déportations de migrants haïtiens se sont multipliées.
«Chaque fois qu’Haïti a connu une catastrophe, nous, les Dominicains, avons toujours été les premiers à venir en aide. Cependant, la République dominicaine ne peut pas prendre en charge la crise politique et économique de ce pays ni résoudre le reste de ses problèmes », avait déclaré le président Abinader dans l'un de ses discours peu après son élection. La crise haïtienne doit être surmontée par les Haïtiens eux-mêmes et prise en charge par la communauté internationale, avait-il fait savoir.
Dans son énoncé de politique migratoire, le président dominicain avait promis une bonne gestion de la frontière haitiano-dominicaine. Entre autres, la construction d’un mur de 160 km du long de la frontière en vue de « contrôler plus efficacement le commerce bilatéral, de réguler les flux migratoires pour lutter contre les mafias, le trafic d’êtres humains, de drogue et les ventes illégales d’armes», avait-il précisé. Par contre, ces travaux coûteront 31 millions de dollars et dureront neuf mois.
Par ailleurs, pour fuir l'insécurité au quotidien, le chômage et la faim, ils sont plusieurs milliers d'Haïtiens en situation irrégulière en République dominicaine. Seulement pour ce mois de mai 2022, le Groupe d'appui aux rapatriés et aux réfugiés (GARR) a recensé un total de 9,006 migrant-e-s haïtiens traversant la frontière en provenance de la République dominicaine. 4 488 rapatriés (3 651 hommes, 645 femmes, 69 filles et 123 garçons), 772 refoulés (629 hommes, 106 femmes, 7 filles et 30 garçons), 3 746 retours spontanés (1 562 hommes, 1 416 femmes, 364 filles et 404 garçons).
Face à cette situation, le GARR dénonce les abus subis par la communauté haïtienne en RD ces derniers jours. « Les travailleurs migrants haïtiens font actuellement l’objet d’une campagne de persécution à travers plusieurs provinces. Ils sont pris en chasse dans les rues, leur quartier, sur leurs lieux de travail et même dans des hôpitaux. Les Haïtiens vivent actuellement dans une grande peur. Car, à tout moment, les agents de la migration peuvent les arrêter sans raison », a indiqué l'institution de défense des droits des migrants.
Le Groupe d'appui aux rapatriés et aux réfugiés s'est aussi préoccupé de la déportation massive des Haïtiens vers plusieurs pays de la Caraïbe et des États-Unis d'Amérique d'où le nombre a dépassé plus de 11 000 de janvier à avril 2022.
En ce sens, le GARR croit qu’un dialogue franc engageant les acteurs haïtiens et dominicains sur les questions migratoires serait une bonne initiative, afin de trouver ensemble une formule permettant de préserver les droits et intérêts des migrantes et migrants sur l'autre bord de l'île.
Oberde Charles