Présente en Haïti depuis 2010, Community Organized Relief Effort (CORE) répond à certains besoins non seulement par des actions d’urgence, mais aussi à travers ses programmes de développement durable. En témoigne le projet Paiement des Services Écosystémiques pour Restaurer et Protéger les Mangroves de Bondeau, Pestel et Corail. Un projet du Fonds pour la Biodiversité dans les Caraïbes (CBF), mis en œuvre par CORE, cofinancé par IKI, une initiative du ministère fédéral allemand de l'environnement, de la protection de la nature, de la sécurité nucléaire et de la protection des consommateurs par l'intermédiaire de KfW.
Ces mangroves, véritables remparts naturels contre les catastrophes climatiques, subissent de plein fouet les assauts du ruissellement des eaux pluviales. Lors des saisons pluvieuses, de grandes quantités de terre se déversent dans les zones côtières, détruisant la flore protectrice et perturbant l’habitat des poissons. Pour y remédier, CORE a lancé un programme structuré autour de trois axes : les moyens de subsistance, la gouvernance environnementale et la construction de rampes vivantes.
Dans le cadre de ce programme, plus de 250 000 plantules ont été transplantées, 16 000 mangroves ont été mises en terre et des centaines de rampes ont été construites, sur une longueur totale de plus de 46 000 mètres linéaires, protégeant ainsi plus de 330 hectares de terres. Ces rampes, structures antiérosives essentielles, permettent de retenir la terre sur les terrains en pente. La dernière équipe active à Corail a, en l’espace de vingt jours, érigé 75 rampes réparties sur 3 546 mètres linéaires. « Pour conserver le sol et éviter l’érosion, plus de 13 500 plantules ont été mises en terre à Corail », explique Jaelle Guichet, mobilisatrice communautaire pour CORE. Parmi ces plantules, on retrouve 300 douzaines d’ananas et 500 douzaines de bois de repousse, soigneusement sélectionnés pour leur robustesse et leur rôle dans la régénération de l’écosystème.
Une mobilisation locale au cœur du projet
Derrière ces chiffres avancés par madame Guichet, des femmes et des hommes mobilisés. En effet, soixante-sept personnes, réparties en groupes de dix, participent activement à la réalisation du projet. « Nous avons six chefs d’équipe, accompagnés d’un technicien », précise Jaëlle Guichet. Le recrutement s’est fait en étroite collaboration avec les leaders des collectivités locales, dans le cadre de l’étape liée à la gouvernance environnementale. « Avant même le démarrage des travaux, les personnes sélectionnées ont été formées afin de garantir leur implication durable », insiste-t-elle. Par ailleurs, plus de 700 membres de la communauté ont été engagés dans les travaux de fouille des structures antiérosives.
A travers ces initiatives pour protéger l’environnement, CORE a mis en place des actions pour soutenir les communautés. En effet, la sélection des arbres est effectuée sou la base d’approches économiques et techniques. « Le choix des arbres s’inscrit dans la logique de l’axe “moyens de subsistance”. Nous voulons, à travers la plantation d’arbres fruitiers, offrir aux propriétaires terriens une opportunité de revenu à moyen et long terme », explique Mme Guichet. Pour cela, six sites de pépinières ont été établis dans les localités de Fonds d'Icaque, Terre Blanche, Mapou, et trois à Pestel. Plus de 500 habitants ont déjà reçu des plants de cacao et d’autres arbres fruitiers en don.
Les enfants ont également trouvé leur place dans cette dynamique environnementale. CORE a mis sur pied des clubs écologiques dans les écoles dont dix dans les Nippes et douze dans la Grand’Anse. À travers ces clubs, les élèves reçoivent une formation dispensée par des spécialistes sur des thématiques telles que la protection de l’environnement, le changement climatique et la gestion des déchets. « Chaque club a produit plus de 400 plantules, qu’ils mettront en terre entre mai et juin. Pour les motiver, nous avons organisé un concours baptisé ECOLO, dont deux clubs l’un à Corail et l’autre à Pestel sont sortis gagnants », se réjouit la mobilisatrice.
Quand écologie rime avec emploi et espoir
Pour les habitants, ce projet est bien plus qu’une activité environnementale. Il représente une véritable bouffée d’oxygène économique dans une région marquée par le chômage. « Ce projet de CORE nous apprend à protéger la terre contre des catastrophes naturelles, comme les glissements de terrain. Et surtout, il permet à de nombreux paysans d’avoir une rémunération qui leur permet de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille », témoigne Papillon Meleque, l’un des bénéficiaires. Il espère voir le programme étendu à d’autres communes.
Le projet a aussi redonné espoir à des jeunes en quête d’avenir, à l’image de Décade Shadaëlle, diplômée en sciences infirmières depuis 2022, qui n’avait jamais eu l’occasion de travailler. « J’ai toujours rêvé d’étudier l’agronomie. Grâce à ce projet, j’ai reçu des formations de base. C’est une grande opportunité pour moi, une femme, de trouver une manière d’être utile à ma communauté », confie-t-elle.
De la méfiance à l’évidence
De nombreux paysans étaient sceptiques quant à la réalisation du projet, mais ils ont fini par constater que les activités mises en œuvre leur sont profitables. C’est le cas de Lamour Mercure, propriétaire terrien. « Avant, j’étais contre. Mais après avoir été mieux informé, j’ai fini par accepter. Les rampes aident énormément les terrains en pente, et les arbres plantés permettront aux propriétaires d’en tirer un profit économique dans l’avenir, tout en protégeant l’environnement », reconnaît-il.
L’apiculture comme alternative à la coupe de mangroves
Dans le but de réorienter les paysans qui vivaient de la coupe de mangroves et d'autres arbres pour la production de charbon, l'organisation a mis sur pied un programme d'apiculture. En ce sens, 36 personnes, habituées à couper les mangroves, à vendre du charbon ou à produire du miel de manière traditionnelle, ont été sélectionnées. Ces bénéficiaires ont reçu les matériels nécessaires, tels que des voiles apicoles, des ruches et des maturateurs pour le miel.
Un projet salué par les autorités locales
Le maire de Corail, Alex Marksia, salue les différentes initiatives de l'organisation CORE, qu’il juge d’une grande utilité pour sa municipalité. Selon lui, ce projet de CORE bénéficie directement aux enfants et aux agriculteurs, à travers la distribution de plantules et l’organisation de formations. Des projets, souligne-t-il, qui sont en parfaite adéquation avec les besoins du pays, rappelant qu’Haïti est essentiellement une nation agricole. Il félicite également CORE pour sa politique, qui implique activement les autorités locales dans l’orientation des projets afin de mieux répondre aux besoins réels des paysans.
L’édile considère ce programme comme une aubaine pour le pays, qui pourrait en tirer d’énormes bénéfices à l’avenir. « Il y a un paysan dont le terrain était pratiquement désertique, mais grâce à ce programme, il a été transformé, il dispose désormais d’un hectare de terre regorgeant d’ananas et d’arbres fruitiers », rapporte-t-il, tout en précisant que ce type de projet ravive l’espoir dans la commune.
Esdra Jeudy