Des défenseurs des droits humains appellent à la prudence face à la nouvelle mission onusienne

Des défenseurs des droits humains appellent à la prudence face à la nouvelle mission onusienne

Le mandat de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) en Haïti s’achève ce jeudi. En réponse à la persistance de la crise sécuritaire, le Conseil de sécurité des Nations Unies a déjà approuvé la mise en place d’une nouvelle Force de répression des gangs (FRG), composée de 5 500 soldats et policiers. Cette force, mandatée pour une durée initiale d’un an, sera soutenue par un bureau onusien chargé de l’appui logistique et opérationnel.

Mais cette initiative suscite des réserves. Frédo Jean Charles, directeur de l’Institut national pour la défense des droits économiques, sociaux et culturels (INDDESC), appelle à la prudence. «L’avenir d’Haïti ne peut pas toujours dépendre des forces étrangères », affirme-t-il. Il rappelle que le bilan de la MMAS est mitigé: « Malgré les annonces, la sécurité ne s’est ni améliorée ni rétablie.»

Selon lui, le déploiement de 5 500 soldats sans plan politique, sécuritaire ou opérationnel clair, ni renforcement des institutions haïtiennes, risque de reproduire les mêmes échecs. « Nous ne rejetons pas l’aide internationale, mais elle doit respecter les droits humains, la souveraineté nationale, et contribuer à la reconstruction des forces de police, de l’armée et du système judiciaire », insiste-t-il.

« La présence de forces étrangères n’a pas empêché les gangs de se renforcer, ni la hausse des déplacements et des victimes. » souligne t-il, toutefois il reconnaît, que la FRG pourrait obtenir des résultats tactiques comme sécuriser certains quartiers, faciliter la circulation, mais estime qu’elle ne pourra pas, seule, démanteler les réseaux criminels profondément enracinés dans la politique, l’économie et la vie quotidienne.

Pour lui, la solution durable doit passer par le renforcement des institutions haïtiennes, la lutte contre l’impunité, et des réformes sociales et économiques ciblées, notamment dans les quartiers populaires. Interrogé sur la durée du mandat, il juge qu’« une seule année ne suffira jamais à démanteler des gangs liés à des réseaux politiques, économiques et sociaux souvent alimentés par des forces invisibles ».

« Dans le meilleur des cas, la force pourra réduire la capacité opérationnelle de certains groupes armés. Mais la véritable bataille se joue dans les tribunaux, dans le renforcement de la Police nationale haïtienne (PNH), dans la lutte contre la corruption, et dans la mise en place de politiques sociales pour offrir aux jeunes une alternative aux gangs », ajoute-t-il.

De son côté, Antonal Mortimé, co-directeur du Collectif Défenseurs Plus, a souligné que l’organisation prend acte de l’adoption de la résolution 2793. Il salue une décision qui suscite à la fois un soulagement face à l’urgence sécuritaire et une vigilance accrue au regard des précédents historiques.

« La situation sécuritaire est catastrophique. La violence des gangs a atteint un niveau inédit, provoquant des milliers de morts, des déplacements massifs et des violations graves des droits humains, notamment des violences sexuelles », déclare-t-il.

Face à une PNH épuisée et sous-équipée, Mortimé estime que l’assistance internationale est devenue inévitable pour rétablir un minimum de sécurité. Le Collectif salue l’accent mis par la résolution sur le respect des droits humains et la mise en place de mécanismes de redevabilité. Toutefois, il rappelle les cicatrices laissées par les interventions passées: l’introduction du choléra, les violences sexuelles commises par certains casques bleus, et l’absence de renforcement durable des institutions haïtiennes.

Le Collectif exige que cette nouvelle mission s’engage à une transparence totale, à des mécanismes de plaintes accessibles à la population et à une tolérance zéro pour toute violation des droits humains. Son mandat doit être clair: appuyer la PNH et les Forces armées d’Haïti (FAD’H), sans se substituer à la souveraineté nationale.

Pour le responsable du Défenseur Plus, la crise sécuritaire n’est qu’un symptôme. «La crise haïtienne est avant tout politique, marquée par un déficit de légitimité et une gouvernance défaillante dans un pays ravagé par la misère. La FRG ne doit pas devenir une béquille à un pouvoir sans assise populaire », prévient-il tout en rappelant à ce que cette force ouvre un espace de sécurité permettant aux acteurs haïtiens notamment la société civile, organisations des droits humains, forces politiques légitimes et de définir une transition crédible vers des élections justes et transparentes.

Le Collectif Défenseurs Plus exhorte les leaders haïtiens à ne pas laisser cette intervention déterminer l’avenir du pays. «Profitons de cette fenêtre sécuritaire pour construire un consensus national autour d’une transition politique inclusive», insiste Mortimé.

À cet effet, il a rappelé que le Collectif s’engage à surveiller de près l’application de la résolution, à dénoncer et documenter tout abus, afin que la sécurité retrouvée ne se fasse pas au détriment de la dignité et des droits fondamentaux. «La sécurité est un droit, la souveraineté aussi», a-t-il conclut.

Likenton Joseph

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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