Alors que Haïti traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire contemporaine, des acteurs politiques montent au créneau pour exiger la démission du Conseil présidentiel de transition (CPT), accusé d’inaction face à une crise institutionnelle, sécuritaire et humanitaire sans précédent.
Créé en avril 2024 sous pression internationale, le CPT avait pour mission de restaurer l’ordre public et d’organiser des élections crédibles. Environ dix-neuf mois plus tard, aucun résultat n’a jamais été au rendez-vous.
À cet effet, Jean André Victor, leader du Mouvement patriotique populaire dessalinien (MOPOD), estime que le CPT n’a pas rempli les missions qui lui avaient été confiées, notamment l’organisation d’élections présidentielles crédibles et le rétablissement de la sécurité. Il a souligné que le CPT a échoué dans sa mission, car ce dernier est incapable de répondre aux urgences du peuple haïtien, il ne peut ni organiser des élections, ni résoudre la crise humanitaire, ni freiner une décroissance économique qui dure depuis sept ans. Il appelle à une nouvelle transition, fondée sur un consensus national.
Selon lui, rester dans ce marasme sans chercher à en sortir, c’est ça le véritable problème. Il affirme que le CPT doit se retirer du pouvoir exécutif, soit par voie négociée, soit sous la pression populaire. « Si le Conseil refuse de céder, le peuple descendra dans les rues pour exiger son départ », prévient-il.
Le leader du MOPOD propose qu’après la démission du CPT, un débat général soit organisé, réunissant les partisans et les opposants du Conseil, les acteurs de la société civile, les signataires de l’accord du 3 avril, ainsi que les représentants du pouvoir judiciaire, notamment ceux favorables à la désignation d’un juge de la Cour de cassation dans l’objectif de définir une issue commune pour sortir le pays de l’impasse.
Interrogé sur l’arrivée d’une nouvelle force onusienne, Jean André Victor rappelle que l’État haïtien a sollicité l’aide internationale pour faire face à la crise sécuritaire, qu’il qualifie de « problème numéro un ». Il appelle à soutenir cette initiative plutôt que de la critiquer.
De l’autre côté, selon l’acteur politique Emmanuel Ménard, il partage ce même constat d’échec. Selon lui, après environ 19 mois investi à la tête du pays, le CPT n’a apporté aucune amélioration aux conditions de vie des citoyens, ni sur le plan politique, économique et sécuritaire. Entant que membre du parti prenante du sommet de 11 mars, Ménard affirme avoir rejeté dès le départ la formule du CPT, qu’il juge inefficace et répétitive.
« J’ai sonné la sonnette d’alarme à plusieurs reprises. Aujourd’hui, les faits me donnent raison », déclare-t-il. Il estime qu’il est inutile d’attendre l’échéance du 7 février 2026, car le CPT « n’est pas sur la bonne voie » et le pays continue de sombrer.
L’ancien directeur de la télévision nationale d’Haïti (TNH), et également chef du parti Force louverturienne réformiste, propose d’activer l’article 149 de la Constitution de 1987, qui permettrait de nommer un juge de la Cour de cassation comme président provisoire.
Selon Emmanuel Ménard, la transition n’a jamais réellement commencé. « Certains hommes politiques sont arrivés au pouvoir pour des intérêts personnels, sans plan ni vision », déplore-t-il. Il pointe également du doigt sur une dérive budgétaire, selon lui, le budget national est passé de 123 milliards de gourdes en 2015 à 343 milliards en 2025, avec une augmentation de 200 % des allocations pour la Primature et le Palais national, alors que la population vit dans une précarité extrême.
Il lance un appelle aux autorités à cesser de diviser le pays. Il plaide pour un consensus politique, un calendrier électoral clair, des objectifs visibles, et des réformes profondes pour le rétablissement de la sécurité et la paix. Il rappel que, ces conditions sont indispensables pour organiser des élections générales et restaurer l’ordre constitutionnel et institutionnel.
Il insiste également sur le fait que la sécurité du pays ne peut dépendre uniquement de l’étranger. Étant donné les forces de l’ordre haïtienne notamment l’armée et la police ne sont en mesure de débloquer les axes routiers. La communauté internationale est contrainte de réagir, car la situation menace toute la région », affirme-t-il.
Ce dernier alerte également sur les répercussions régionales de la crise haïtienne. « Des armes saisies en Jamaïque ont été identifiées comme appartenant à la Police nationale d’Haïti. Cela montre que notre crise dépasse nos frontières et menace toute la région », déplore M. Ménard.
Pour lui, aucune force étrangère ne pourra résoudre durablement la crise sans une réforme profonde de la gouvernance. Emmanuel Ménard souligne que, quelle que soit la force internationale déployée en Haïti, tant que le problème de la bonne gouvernance et de corruption notamment le financement des gangs ne sera pas résolu, la crise restera inchangée. Il plaide pour une refondation complète de la gouvernance haïtienne.
Likenton Joseph