La triste mésaventure des Haïtiens immigrés au Chili

Toute la presse internationale parle depuis la semaine dernière des misères des Haïtiens venant de plusieurs pays d’Amérique du Sud et d’Amérique Centrale qui, après être arrivés en masse au cours des dernières semaines à Tapachula au Mexique se sont agglutinés aux portes des États-Unis, sous le pont Del Rio dans le Texas, dans l’espoir de pouvoir arracher le droit d’entrer au pays de l’Oncle Sam. Une situation qui n’est pas sans rapport avec l’immigration de nos compatriotes immigrés en Amérique du Sud depuis le lendemain du tremblement de terre du 12 janvier 2010 et en particulier au Chili où leurs conditions de séjour se sont gravement détériorées depuis 2018. En effet, cette communauté forte de 185 865 personnes en 2019 qui reste solidaire des siens en Haïti est confrontée à des difficultés accrues depuis trois années, exposée partiellement au risque d’expulsion alors qu’elle considérait le Chili comme un Eldorado où elle croyait pouvoir vivre de manière nettement plus confortable que dans son pays d’origine.

Tous les ingrédients sont réunis pour que l’on puisse qualifier de triste mésaventure la situation de nos compatriotes qui vivaient et qui vivent encore au Chili où la réalité est de toute évidence très cruelle pour eux dans beaucoup de domaines.

Le texte qui suit fera état de la démographie de la minorité haïtienne dans ce pays d’accueil, des conditions de son implantation ainsi que des immenses difficultés auxquelles ses membres sont confrontés sur cette terre de l’hémisphère sud.
1. La démographie des Haïtiens du Chili

1.1. Une émigration très récente

L’émigration des Haïtiens au Chili est très récente puisqu’on ne comptait que 4 000 Haïtiens installés dans ce pays avant 2013. Si l’on remonte plus loin, on se rend compte que l’effectif de la communauté haïtienne ne s’établissait en 2002 qu’à une cinquantaine d’habitants. Des données plus précises fournies par le Service national du tourisme du Chili indiquent que le nombre d’entrées des Haïtiens au Chili est passé de 392 en 2008 à 477 en 2009 et à 820 en 2010 et que 669 Haïtiens sont arrivés dans ce pays entre le 1er janvier et le 30 juin 2011.

À la faveur de la générosité de Michelle Bachelet, Présidente du Chili entre 2014 et 2018, les arrivées de nos compatriotes qui ont suivi le début de la vague de l’immigration massive au Chili après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 ont commencé à s’accélérer depuis l’année 2016. En effet, cette année avait vu débarquer 43 898 Haïtiens, à un rythme d’environ 3 660 par mois. Ce qui avait alors porté l’effectif de la communauté haïtienne dans ce pays aux environs de 50 000 individus.

Les données statistiques officielles du Chili ont révélé que de 2010 à 2016 où l’accès à la résidence définitive était facile, 42 293 avaient pu bénéficier de ce changement de leur statut dans le pays.

On peut considérer l’année 2017 comme l’âge d’or de la migration des Haïtiens au Chili avec 104 000 arrivées, à un rythme de 6 660 par mois qui était presque le double de celui de 2016. En même temps, 44 269 d’entre eux ont pu acquérir le droit de résider définitivement au Chili. D’après la Policia de Investigaciones Chilenas (PDI), on avait observé entre janvier et juillet 2017 une première flambée de l’émigration des Haïtiens au Chili, matérialisée par l’entrée de 43 289 de nos compatriotes. Les cinq mois suivants avaient vu l’apogée de cette immigration avec un contingent de plus de 60 711 Haïtiens.

La Policia de Investigaciones Chilenas avait fait état de 179 338 Haïtiens vivant dans ce pays en 2018 et de 185 865 en 2019. Ce qui montre que le différentiel entre les deux années ne dépassait pas 6 527 personnes, soit le plus faible accroissement depuis l’année 2015. C’était le pic de l’effectif de la communauté haïtienne dans ce pays qui, depuis a commencé à décliner pour plusieurs raisons.

Selon les données de l’INE, l’Instituto Nacional de Estadisticas du Chili, publiées en 2021, la diaspora haïtienne dans ce pays pèse encore d’un poids important puisqu’elle arrive en troisième position parmi les communautés étrangères vivant dans ce pays, soit 12,5%, après les Vénézuéliens (30,5%) et les Péruviens (15,8%).

1.2 Les grandes caractéristiques démographiques de l’immigration haïtienne au Chili

Nous nous en tiendrons à trois grandes caractéristiques démographiques de l’immigration haïtienne au Chili.

La première caractéristique démographique de cette immigration est une grande prédominance des hommes, qui représentent 64,1 % de la communauté contre 35,9% de femmes, soit à peu près deux hommes pour une femme. Cela se comprend puisque l’immense majorité des migrants sont venus en éclaireurs dans l’espoir de faire entrer par la suite leurs femmes et/ou leurs familles.

La deuxième caractéristique démographique de cette immigration est l’écrasante domination des jeunes puisque plus de 60% des immigrés ont un âge compris entre 20 et 34 ans, dont 26% pour les 25 à 29 ans. Il faut souligner une amélioration du sex-ratio au fil des années avec l’arrivée de nombreuses femmes depuis 2016. Car, vers 2015, on trouvait 68% d’hommes contre 21 % de femmes dans la population haïtienne immigrée au Chili.
Enfin, la dernière caractéristique de cette immigration était une origine de prédominance rurale, marquée par le fait que de nombreux paysans n’hésitaient pas à vendre leurs terres pour émigrer au Chili, tandis que parallèlement certains citadins avaient emprunté de l’argent à leurs parents ou proches pour payer leurs billets d’avion et le montant nécessaire à leur installation dans le pays.

2. Les changements de la politique migratoire chilienne depuis 2018Le Chili a longtemps figuré parmi les rares pays n'ayant pas instauré une politique pour refouler les migrants haïtiens qui arrivaient pratiquement sans contrôle jusqu’en 2017, et ce, à raison de plusieurs vols hebdomadaires depuis l’aéroport de Port-au-Prince et de deux avions entièrement remplis par jour de la compagnie Latin American Wings (LAW). Ces arrivées massives étaient attisées par une série de complicités, notamment de compagnies aériennes et d’entreprises haïtiennes qui ont profité de la naïveté de plusieurs de nos compatriotes.

Il faut ajouter que ce pays de 17,7 millions d’habitants, 38e puissance économique mondiale, était confronté en même temps à une vague sans précédent d’entrées de migrants qui arrivaient annuellement par centaines de milliers du Venezuela, du Pérou, d’Haïti, de la Colombie, d’Argentine et de la Bolivie.

2.1 Pourquoi le coup d’arrêt à l’immigration des Haïtiens au Chili en 2018 ?

Il faut rappeler que face à cette politique de porte ouverte qui a duré jusqu’à 2018, de nombreuses voix s’étaient élevées depuis quelque temps pour que soient instaurées des mesures pour limiter les arrivées d’étrangers dans le pays, en particulier des Haïtiens, dont 80 % était en situation régulière. Tous les prétextes étaient bons pour arriver à cette fin, y compris la découverte en 2017 de quelques cas de lèpre chez des Haïtiens résidant dans ce pays.

À ces voix s’étaient jointes celles de nombreux xénophobes qui digéraient mal l’invasion des afro-descendants haïtiens. En plus, le gouvernement de Sebastián Pinera assumait clairement une position d'immigration sélective défavorable à l'immigration haïtienne qui se voyait placée dans une situation de concurrence avec l'immigration vénézuélienne qui a l'avantage de partager la même langue que le Chili.

2.1.1 Quid du trafic des migrants haïtiens ?

Le gouvernement chilien avait ouvert en août 2016 une enquête sur l'éventuelle participation de la compagnie aérienne Latin American Wings dans un cas de trafic de migrants, à la suite de l'arrivée de 160 Haïtiens qui ont été refoulés vers leur pays d'origine parce qu'ils prétendaient entrer au Chili en tant que touristes, mais ne pouvaient justifier, selon la Police chilienne, d'une réservation d'hôtel valide.. Ce qui était une décision arbitraire, car la loi chilienne exige seulement que la personne qui arrive comme touriste « présente son passeport et prouve qu’elle a les moyens de séjourner sur place ». Le Ministère public du Chili avait même accusé la compagnie de trafic de migrants, car certains passagers arrivaient au Chili avec de fausses lettres d'invitation ainsi que de faux contrats de travail pour obtenir un permis de séjour. Tout ceci était préparé par des entreprises haïtiennes qui escroquaient les émigrants haïtiens parfois obligés en contrepartie de leur vendre leurs maisons.

2.1.2 Le coup d’arrêt brutal du gouvernement de Sebastian Piñera

Le vrai coup d’arrêt a été porté à la migration étrangère et surtout haïtienne en 2018 par le gouvernement de droite de Sebastian Piñera qui avait mis fin le 8 avril de la même année au système qui permettait de passer du statut de touriste à celui de résident une fois que l’étranger était détenteur d’un contrat de travail. Ce qui les habilitait en plus à faire venir les membres de leurs familles.

Le but de Sebastian Piñera était de freiner l’immigration dans un pays où les étrangers s’élevaient à presque 6 % de sa population totale. En conséquence, il a été décidé par les autorités chiliennes qu’à partir du 16 avril 2018, les Haïtiens qui désirent entrer au Chili doivent obtenir un visa de tourisme de 30 jours au consulat chilien de Port-au-Prince, prorogeable jusqu’à 90 jours maximum et non convertible en visa de résident permanent.

Notons qu’à l’opposé, la même loi accorde aux Vénézuéliens arrivés au Chili un visa dit démocratique d’une durée d’une année.

Le gouvernement de Sebastian Piñera avait prévu également un programme de retour volontaire des ressortissants qui est entré en vigueur le 17 octobre 2018 et qui s’était matérialisé par l'expulsion de 1 300 Haïtiens pendant l'année 2019. Les candidats à ce retour volontaire s’étaient vu présenter un document les engageant à ne pas revenir au Chili pendant neuf ans.

Par ailleurs, dans le cadre d’une politique de regroupement familial, le gouvernement chilien avait institué un visa humanitaire de 12 mois, qui pouvait être obtenu auprès du consulat chilien à Port-au-Prince, à partir du 2 juillet 2018. Ce visa renouvelable une seule fois habilite les intéressés « à solliciter la résidence définitive et devait permettre d’accueillir annuellement jusqu’à 10 000 personnes bénéficiant du regroupement familial ».
Enfin, l’une des mesures prises dans le cadre de la nouvelle loi sur l’immigration de Sebastian Piñera était le droit à la régularisation des migrants y compris les Haïtiens qui étaient arrivés au Chili avant le 8 avril 2018.

2.1.2.1 Les conditions du programme de régularisation des étrangers

Pour bénéficier de ce processus de régularisation, l’intéressé devait avoir un passeport valide et un certificat de police émis par la Direction centrale de la police judiciaire en Haïti, mais aussi un contrat de travail côté chilien. Face à l’incapacité de la DCPJ d’émettre un grand nombre de certificats, un accord a été trouvé entre la police chilienne et celle d’Haïti pour permettre aux Haïtiens inscrits au programme de bénéficier d’un sursis.

La première date limite fixée pour la fin de la régularisation était le 22 juillet 2019. De nombreux Haïtiens ont pu être régularisés depuis 2018, soit 100 298 selon les statistiques fournies par la Police internationale de l’Office national des migrations du Chili. Cependant, deux obstacles majeurs entravaient l’accession à cette régularisation des Haïtiens. D’une part, la lenteur de production des extraits de casier judiciaire par la Direction de la Police judiciaire haïtienne et le manque de suivi du processus par l’ambassade d’Haïti à Santiago. Ce qui fait qu’un assez grand nombre de demandes n’a pas pu être satisfait à temps, exposant plusieurs de nos compatriotes au risque d’expulsion. Après des démarches d’ONG et des demandes d’Haïtiens en difficulté au Chili, la date butoir pour l’expulsion des retardataires a été repoussée plusieurs fois. D’abord, jusqu’au 22 octobre 2019, puis en octobre 2021.

Notons que pour calmer les esprits, l’ambassadeur du Chili en Haïti, Patricio Utreras avait promis en 2019 que la déportation ne s’appliquerait qu’aux cas extrêmes.

Un autre plan de régularisation avait été mis en place en 2020 dont les Haïtiens en situation irrégulière au Chili pourraient profiter pour ceux qui sont arrivés avant le 18 mars 2020 sur la base d’une période de 180 jours d’inscription à partir du 20 avril 2021 et qui doit devait expirer en octobre 2021. Le grand problème demeure toujours l’obtention du certificat de casier judiciaire fourni par les services compétents haïtiens. Mais, le résultat risque d’être le même que pour le programme de 2018 en raison de la capacité limitée de la DCPJ de fournir dans les délais impartis un grand nombre de documents. En conséquence, les Haïtiens désemparés ont pris en août dernier l’initiative d’écrire une lettre au Président chilien pour lui demander de flexibiliser les critères migratoires en guise de geste d’aide humanitaire à la suite du tremblement de terre du 14 août 2021 et de leur accorder un nouveau sursis pour l’obtention des documents de régularisation de leur situation. L’argument invoqué étant que leur renvoi pénaliserait également les membres de leurs familles vivant en Haïti qui attendent d’eux de l’argent pour leur subsistance.
Notons que cette démarche qui a obtenu l’appui de nombreux Chiliens en particulier des universitaires pourrait porter fruit à très court terme.

Pour ce qui concerne le contrat de travail, c’était un vrai parcours du combattant. Car, depuis la loi migratoire prise par Sebastian Piñera en avril 2018, ce précieux document est devenu de plus en plus difficile à obtenir. Des Haïtiens qui ont quitté le Chili et qui ont été rapatriés le 19 et 20 septembre derniers se sont fait écho de leurs déboires pour arracher un contrat de travail dont l’obtention conditionne leur présence dans le pays.

Cependant, selon les données de l’Office national des migrations du Chili, il semble qu’il faille quand même relativiser, car malgré les obstacles que nous avons signalés, 100 298 Haïtiens étaient régularisés en l’année 2018 contre 45 780 en 2017. En conséquence, on peut estimer qu’à l’heure actuelle un maximum 150 000 à 160 000 Haïtiens ont pu acquérir la résidence définitive au Chili sur un effectif de plus de 185 000.

2.1.2.2 Les péripéties de la régularisation de la situation des Haïtiens

On sait que depuis la loi prise à l’arrivée de Sebastian Piñera au pouvoir au Chili, il a toujours été difficile pour nos compatriotes d’obtenir les papiers les plus importants demandés par les autorités chiliennes pour leur régularisation à savoir un passeport valide et un extrait de casier judiciaire délivré par la DCPJ. On parle le plus souvent de l’extrait de casier judiciaire dont 15 000 certificats auraient été envoyés à l’ambassade d’Haïti au Chili depuis l’année 2018, selon Patrice Dumont qui avait donné l’assurance aux Haïtiens lors de son passage à Santiago en novembre de la même année que le dossier était entièrement bouclé avant son voyage dans ce pays.

Mais, s’il faut en croire les déclarations et les plaintes de nos compatriotes en attente de leur régularisation au Chili, c’est environ 45 000 Haïtiens qui espéraient toujours recevoir en 2018 leurs certificats d’antécédents judiciaires. Ce qui les pénalisait doublement, car non seulement ils se trouvaient sous la menace d’expulsion, mais également il leur est interdit de travailler dans ce pays en l’absence de documents légaux.

La question de l’obtention des certificats de casier judiciaire se pose encore en 2021. À preuve, la lettre envoyée par des Haïtiens résidant au Chili au Président Sebastian Piñera après le séisme du 14 août dernier pour solliciter sa clémence envers leur situation.

3 La situation difficile des migrants haïtiens au Chili

À tous les points de vue, la situation des Haïtiens a toujours été difficile au Chili.

3.1 La question de l’obtention d’un permis de résidence permanente

La grande difficulté à laquelle ils ont été souvent confrontés est l’obtention d’un permis de résidence permanente, puisqu’au départ ils avaient pris l’habitude de débarquer en touristes sans l’idée de revenir dans leur pays. À la prise de pouvoir de Sebastian Piñera, ils se sont trouvés rapidement en situation illégale par rapport aux lois d’immigration du Chili. Et puis, c’est vite devenu la croix et la bannière pour y prolonger leur séjour. En effet, jusqu’en 2015, ils devaient dans la limite de trois mois de présence dans le pays demander à l’État chilien un visa dit « visa sujet à contrat de travail » qui les faisait dépendre d’un employeur unique. Mais, peu d’employeurs avaient accepté de leur donner du travail et les avaient engagés le plus souvent de manière informelle afin de se soustraire au respect des droits des travailleurs. Aussi, les Haïtiens qui travaillaient dans le secteur agricole comme travailleurs « saisonniers » étaient souvent traités comme «des esclaves» sans contrat de travail et en plus victimes de racisme, bien plus que d’autres immigrés comme les Vénézuéliens, les Péruviens, les Boliviens et les Colombiens.

La situation des Haïtiens au Chili avait été sensiblement modifiée pour la première fois en 2015 sous le gouvernement de Michelle Bachelet qui avait institué le « visa pour motif de travail ». Ce type de visa, facilitait en théorie leur mobilité professionnelle sans remettre en cause l’obligation d’avoir un emploi formel pour résider légalement sur le territoire chilien.

Il s’était trouvé très tôt que des délinquants avaient profité de la détresse de ces migrants pour leur offrir de faux contrats. Une fois que les migrants avaient soumis ces faux contrats de travail pour leur demande de résidence, ils avaient souvent reçu l’ordre de quitter le pays dans un délai de 15 jours. Certains d’entre eux avaient alors quitté le Chili le plus rapidement possible pour se rendre au Brésil ou en Guyane afin d’éviter le rapatriement sur Haïti. D’autres encore, dans leur quête d’un pays d’accueil, avaient échoué en Amérique centrale et même jusqu’au Mexique d’où ils sont allés tenter leur chance pour les États-Unis.

Mais, ces déplacements ne se sont jamais faits sans peine, en raison des difficultés insurmontables auxquelles ont fait face de nombreux Haïtiens dans leur tentative pour intégrer les caravanes de migrants qui se destinent vers l’Amérique du Nord. Par exemple, la Bolivie qui leur a fermé depuis 2012 sa frontière qu’ils traversaient pour transiter de l’Équateur vers le Chili, le Brésil ou la Guyane. Il en est de même depuis pour la plupart des autres pays d’Amérique du Sud comme le Pérou, la Colombie et l’Équateur qui mettent souvent en prison les migrants haïtiens illégaux de passage sur le territoire.

3.2 Les autres difficultés auxquelles sont confrontés les Haïtiens immigrés au Chili

Les Haïtiens immigrés au Chili ont toujours fait face à d’innombrables difficultés. En effet, selon les autorités chiliennes, l'arrivée massive des Haïtiens « a produit des situations de violation des droits chez les migrants eux-mêmes, des problématiques de cohabitation locale, ainsi que des situations délicates de traite de personnes et de trafic illicite de migrants ». D’ailleurs, tout au long de leur séjour, ils sont victimes de racisme et de xénophobie de la part des Chiliens, non seulement pour la couleur de leur peau et leur culture, mais également pour le fait qu’ils ne parlent pas la même langue qu’eux. On se souvient que la réforme de 2018 ne permet aux touristes de nationalité haïtienne que de séjourner 90 jours au maximum avec l’impossibilité de le convertir en visa de résident permanent contre une année pour les Vénézuéliens.

On sait aussi qu’à la suite de l'apparition d'un cluster de Covid-19 dans un foyer de travailleurs haïtiens à Santiago en avril 2020, les résidents avaient subi des comportements de harcèlement très désagréables. Et ceci, du fait que le ministère de la Santé chilien n’avait pas fourni d'informations en créole sur les mesures face à la pandémie.

Sur le marché du travail, ils ont aussi été plusieurs fois victimes de la part d’employeurs malhonnêtes de faux contrats de travail qui les avaient été exposés au risque d’expulsion du territoire chilien. De même, en raison de leur faible qualification et de la non-reconnaissance de leurs diplômes, ils sont condamnés à des emplois subalternes, précaires et dévalorisés économiquement et socialement. Aussi, les retrouve-t-on dans les secteurs de la construction (18,7%), le petit commerce (15,7%), l’industrie (14,2%), la restauration, en plus dans des emplois de pompistes et de saisonniers dans l’agriculture. Inutile de dire qu’ils ne perçoivent que de très bas salaires pour la plupart, environ 500 dollars par mois. De quoi payer leur logement, assurer leur subsistance, épargner quelque peu, envoyer des fonds à leurs familles et payer leurs dettes en Haïti.

Malgré tout, les Haïtiens vivant au Chili avaient pu envoyer en 2019 un montant de 109,3 millions de dollars au pays, ce qui faisait d’eux la seconde source de devises fournies par la diaspora (7 %), loin derrière les États-Unis d’où partaient 1,485 milliard de dollars à destination d’Haïti.

Conclusion

Avec une population de 185 865 personnes en 2019, la communauté haïtienne contribue annuellement à hauteur de plus de 100 millions des dollars à l’entrée de devises en Haïti. C’est une communauté malheureusement victime de racisme, de mauvais traitements et de multiples discriminations et qui est sans doute en proie à plus de difficultés que les autres minorités étrangères généralement mieux accueillies que nos compatriotes. En effet, non seulement leurs diplômes et leurs qualifications ne sont pas reconnus au Chili, mais également ils perçoivent souvent des salaires très bas de la part de leurs employeurs qui ne respectent pas les droits des travailleurs. En plus, depuis 2018, un bon nombre d’entre eux sont menacés d’expulsion parce qu’ils ne peuvent pas fournir à temps les documents nécessaires à leur régularisation, conformément à la loi d’immigration instituée par le gouvernement de Sebastian Piñera. Il serait important que le gouvernement haïtien en plus d’être attentif à leurs demandes de documents pour faciliter leur régularisation, s’attelle aussi à intervenir auprès du gouvernement chilien pour l’homologation de leurs titres dans la perspective d’une amélioration de leur situation générale. Il reste que malgré les souffrances subies par nos compatriotes au Chili, l’avenir appartient à leur progéniture, car les enfants d’Haïtiens nés au Chili bénéficient de la nationalité chilienne conformément au droit du sol de ce pays, ainsi que de l’accès à une éducation de base à l’égal des enfants chiliens.

Jean SAINT-VIL
jeanssaint_vil@yahoo.fr

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