Cette espèce en voie de disparition!

Les peuples, lorsqu’ils font face aux moments les plus sombres de leur histoire, comptent sur des remparts. Des  élites, des gardiens de la Nation. Car, pour se pérenniser, une nation ne peut jamais se passer d’hommes et de femmes qui constituent cette muraille de protection de ses valeurs, de ses aspirations, de son identité.

 

C’est une instance qui s’interpose entre le chaos et le peuple, contre tout ce qui menace l’existence, les bases de la Nation.

 

On a connu des périodes en Haïti où des hommes et des femmes ont joué ce rôle. En 1803, ils ont mené l’une des batailles les plus féroces pour édifier la Nation à l’encontre de la volonté des puissances étrangères, les colons.

 

En 1836, une élite intellectuelle s’est dressée contre les dérives de Boyer. Ils se sont révoltés, avec toutes les réserves à émettre sur leurs motivations, ils ont fait le mouvement de 1843…

 

Dans les premières années du 20e siècle, des jeunes intellectuels, tels les frères Coicou, avaient pris les armes pour se battre contre l’oppression.

 

Malgré les exils et les persécutions politiques, Firmin n’avait jamais reculé face aux bourreaux comme Nord Alexis. Il s’est même présenté aux élections en 1902 malgré les conditions difficiles et les manigances de l’armée.

 

Cette génération s’est battue avant 1915 pour empêcher le pire, a continué jusqu’en 1934 et après.

 

En 1957, ils n’avaient pas baissé les bras malgré leur défaite et même dans leur exil puisqu’ils seront persécutés par les Duvalier jusque dans leur dernier retranchement.

 

Mais ils ont permis 1986 parce qu’ils n’avaient pas cessé de se battre. Et même entre 1986 et 2000, on avait l’impression qu’il restait encore un vestige de cette espèce, gardienne de la Nation.

 

Et puis, le quasi-silence s’est installé au profit d’une dérive innommable avec la succession aux trois pouvoirs de l’État d’une bande de néophytes inédits, imprévisibles et qui n’ont donné de résultats que cette désintégration du pays.

 

Et puis voilà, nous cherchons un homme, nous cherchons une femme avec une bougie à la main, mais on n’en voit pas alors que la bougie s’éteint presque.

 

On se demande simplement où sont-ils passés, ces gens qui devraient constituer le rempart, cette muraille de protection de nos valeurs, de nos aspirations, de notre identité de peuple.

 

On se demande juste, s’il existe encore des intellectuels haïtiens à l’instar de Firmin, de Delorme, de Price Mars, de Deronceray…

 

On a l’impression que le dernier modèle en date, Lesly  François Manigat, s’est éteint sans laisser d’émule. Parce que là, on a besoin d’un homme, on a besoin d’une femme. Nous cherchons une réponse, nous cherchons une solution.

 

Est-ce qu’il reste encore des hommes et des femmes pour aimer Haïti, pour dire comme Nathan Hale, ce soldat espion américain, alors qu’il allait être pendu: “ Je regrette seulement de n’avoir qu’une seule vie à donner pour mon pays”.

 

Est-ce qu’il nous reste encore des braves, des Héros tels Capoix? Ou ont-ils simplement disparu?

 

Les intellectuels haïtiens sont si rares de nos jours qu’on se dit avec raison que c’est une espèce en voie de disparition.

 

Pourtant le monde nous respectait, nous vénérait pour les immenses penseurs que nous avons produits et qui sont devenus des patrimoines. Le monde nous respectait pour nos exploits, pour notre histoire qui est unique.

 

Mais voilà, aujourd’hui nous sommes une risée, nous sommes pitoyables et sans défense face aux affres des uns et des autres qui nous assaillent.

 

Alors, s’ils ne veulent plus se montrer ni s’engager dans la lutte pour nous sortir du chaos, c’est qu’ils n’existent plus. Donc plus de rempart, plus d’élite intellectuelle, plus rien.

 

Nous devons donc, nous, infortunés, va-nu-pieds, nous réveiller et reprendre le contrôle de nos vies avec les armes que nous avons sous la main: nos couteaux, nos machettes, nos pierres, tout ce qui peut nous aider à nous défendre.

 

Il n’y a pas d’autres solutions. Sinon, nous allons tous mourir. Ils  vont tous nous tuer comme ils ont déjà commencé. La question est: allons-nous les laisser continuer?

 

Jackson Joseph pour la nouvelle Haïti ????????

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