Quand le «Blanc» est hors la loi en Haïti

Haïti est le pays le plus pauvre de l’Amérique, 15e rang mondial des pays les plus pauvres au monde. Son produit intérieur brut s’élève désormais à 8.1 milliards de dollars. D’après la banque mondiale, 58,5 % de la population haïtienne vivait sous le seuil de la pauvreté en 2012 (rédaction, 2012), le plus instable du point de vue politique où la vie chère règne partout en maitre et seigneur. Un pays maudit pour certains, condamné à l’extinction pour d’autres ! Quelle sont les fondements d’une telle pensée ?

Pour comprendre cette situation critique, désespérante que fait face quotidiennement la société haïtienne depuis plus d’une dizaine d’années, caractérisée par la baisse continuelle du pouvoir d’achat, la hausse des prix des produits de première nécessité, la stagnation de l’emploi et une augmentation grandissante du taux de chômage 65 % environs (Javier, 2014): il faut regarder l’histoire.

Pour avoir casser et forcer à redéfinir la dynamique de la production du système capitaliste mondiale basée dans un premier temps sur la colonisation (l’esclavage, l’exploitation, le racisme), dans un second temps sur le néocolonialisme (main-d’œuvre à bon marché, une politique de bas salaire dans les industries, la division internationale et régionale du travail, la détérioration des termes de l’échange, la science, l’asphyxie des États…) les puissances impérialistes occidentales font tous front commun, de génération en génération, pour anéantir tout processus de développement endogène et le rêve des élites de 1804 ; celui de vivre libre dans un monde sans chaine.

Si quelqu’un me demande de définir ce qu’on entend par «blanc», je dirais premièrement ; en 1853, Arthur de Gobineau hiérarchisât les races humaines en trois groupes selon la couleur de la peau, partant du « blanc » comme supérieur, le « jaune » moins inférieur par rapport au premier et le « Noir » inférieur aux deux premiers. En 1861, l’anatomiste Paul Broca écrit : « On a vu que la capacité crânienne des nègres de l’Afrique occidentale (1 372,12 cm3) est inférieure d’environ 100 cm3 à celles des races d’Europe … » La craniométrie, qui a servi à légitimer les discours racistes, sera utilisée par les nazis comme support d’expositions afin que le public allemand puisse différencier les « races humaines » (Patou-Mathis, 2013, no 66). Deuxièmement ; l’illustration est faite également par la bible dans les phrases suivantes, «Noé commença à cultiver la terre, et planta de la vigne. Il but du vin, s’enivra, et se découvrit au milieu de sa tente. Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et il le rapporta dehors à ses deux frères. Alors Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent sur leurs épaules, marchèrent à reculons, et couvrirent la nudité de leur père; comme leur visage était détourné, ils ne virent point la nudité de leur père. Lorsque Noé se réveilla de son vin, il apprit ce que lui avait fait son fils cadet. Et il dit: Maudit soit Canaan! Qu’il soit l’esclave des esclaves de ses frères! Il dit encore: Béni soit l’Éternel, Dieu de Sem, et que Canaan soit leur esclave! Que Dieu étende les possessions de Japhet, qu’il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit leur esclave! (Speaks M. , 2006) »

Ces deux textes constituent le fondement raciste, négrophobe  qui prédispose à la pensée des peuples européens à la rencontre des autres peuples du monde. En 1987, le peuple haïtien a vu renversé le régime des Duvalier instauré depuis une trentaine d’années utilisant la violence aveugle et déchainée comme mode opératoire du gouvernement. À cette œuvre de destruction de régime ont porté la main forte le Saint-Siège, les puissances occidentales via leurs personnels diplomatiques accrédités en Haïti. Or, ce même gouvernement qu’on a renversé pour cause de dictature a permis à bon nombre de multinationales de s’enrichir en Haïti au mépris des besoins primaires de la classe majoritaire. Citons par exemple la HASCO, la FAMOSA, la SEDREN, etc. leurs stratégies sont simples ; transformer les terres agricoles fertiles en zone aride en implantant des cultures appropriées à cette fin, destruction massive de l’environnement, liquidation physique des intellectuels opposés à leurs projets, l’appauvrissement continuel de la masse paysanne. Ce veux si chère de renverser à tout prix trouve certaines de ces références dans un changement de paradigme pour les pays du tiers-monde mise au point par la banque mondiale à travers un «parquet» de réformes connu sous le nom de Consensus de Washington (UZUNIDIS). Il s’agit en somme de libérer l’économie pour faciliter l’entrée de capitaux étrangers sur les marchés nationaux et régionaux.

C’est pourquoi la sécurité minimale qu’on exige à ces États est de garantir la circulation du capital à savoir les biens et services. Les droits et libertés individuels sont justes passés au second plan, pour ne pas dire inexistants. L’article XX de la charte de l’impérialisme stipule : « les pays du tiers-monde n’ont pas d’opinion ni de droit, ils subissent notre loi et notre droit» (Malonga, 2018) c’est une prédisposition à la destruction des autres peuples et cultures du monde entier. Donc, le soutien du «blanc» au processus démocratique en Haïti ne se faisait nullement dans le but d’accompagner les gouvernements et la population afin de garantir de meilleures conditions de vie à cette dernière. C’est la raison pour laquelle il y a une sorte de réjouissance partagée en silence quand ça va mal et très mal en Haïti. Cette réjouissance peut être justifiée par le fait même que ceux qui ont libéralisé l’économie provoquant ainsi un déséquilibre annuel de la balance commerciale sont ceux aussi qui alimentent les crises sociales en Haïti, qui pis est, produisent des rapports accablants et destructeurs dans les institutions internationales comme l’ONU par exemple. Se référant une fois de plus à cette même charte il dit en son article 24 : « Les résolutions  de l’ONU sont des textes qui nous donnent le droit et les moyens de frapper, de tuer et de détruire les pays dont les dirigeants et les peuples qui refusent de se soumettre à nos injonctions sous la couverture des résolutions du conseil de sécurité de L’ONU». Pour corroborer cette assertion, deux exemples récents viennent en appui ; le cas de la Libye détruit et son dirigeant tué par une coalition occidentale et de la Syrie de Bachar Al-Assad qui a vu un théatre de guerre éclater sur son territoire comme une foudre qui s’abat sur le toit d’une maison.

Pourquoi le «blanc» est-il hors la loi ?

Pour comprendre l’évolution du banditisme en Haïti -phénomène que nous préférons  l’appeler la gansterisation de la vie en Haïti- l’émergence de la bourgeoise comme classe dominante et de son corollaire la mafia (Vercellone, 2001), n’est pas à négliger. L’enrichissement rapide de quelques éléments de la classe moyenne ne peut se faire qu’à l’insu d’un Etat affaibli et du financement du gang à la fois comme outils et biens économiques, comme ce fut le cas pour le processus d’accumulation primitive du capital, comme disait Karl Marx. Dans cette perspective l’État est considéré comme une vache à lait, cette source intarissable où les plus malins viennent s’enrichir illégalement, au vu et au su de tous. Pour qu’on ne parle plus de reddition de compte, on finance le chaos, s’aime la terreur partout dans le pays pour que personne ne sache vraiment ce qui se passait dans les rapts orchestrés dans la finance publique. À ce stade intervient encore le «blanc» qui hier, portait le processus démocratique sur son dos avec ces dérivés libéralisation du marché, gouvernement bicéphale et pluralismes politiques. Aujourd’hui celui-ci change de position, car leurs enjeux stratégiques sont menacés par rapport au flou qui règne sur l’avenir politique du pays ne voulant en aucune manière que la commande de cet État corrompu ne tombe guère entre les mains d’autres dirigeants corrompus ou pas, qui ne se situent dans leurs sphères d’influence.  C’est pour ces raisons qu’il intervient souvent soit pour dire non que « tel président n’est pas un citoyen américain »  ou en leur permettant de venir cacher paisiblement sur leur territoire après avoir pillés les maigres ressources de l’État et détruit les institutions démocratiques qu’ils ont eux-mêmes contribué à y mettre en place.   

Rien que pour vous dire qu’est légale en Haïti : ce que pense le «blanc». Même si, s’agit-il de la bêtise ou du rejet social ! Leurs pensées ne sont autres que la garantit de leurs intérêts économiques et culturels lesquels, sont toujours en contradiction avec l’intérêt national et la vision des peuples du sud. D’où il faut s’attendre que le blanc continue à ce comporté comme étant hors la loi en Haïti parce qu’il ne croit nullement dans les lois et principes qu’il a participé à y établir. Autrement dit, il supporte toujours un individu en Haïti pour tout, sauf ses convictions pour la défense des intérêts nationaux, la culture haïtienne et le bien-être de chaque haïtien. In fine, pour paraphraser ce dirigeant africain, je dirais que : «quand le « blanc » dit que tu es mauvais, c’est que tu es bon pour ton peuple».

Firson PIERRE, sociologue.

Références

 

IHSI. (2019). Indice des prix à la consommation et taux de chômage. IHSI, 1.

Javier, H. e. (2014). l'évolution des conditions de vie en Haïti entre 2007 et 2012. la réplique sociale du séisme. PauP.

jeudy. (1822). la faim. kap: afro.

Malonga, S. (2018). La charte de l'imprérialisme. MBOKAMOSIKA, 1-8.

Patou-Mathis, M. (2013, no 66). De la hiérarchisation des êtres humains au « paradigme racial ». CAIRN.INFO, 30 a 37.

rédaction, L. (2012). les 25 pays les plus pauvres du monde en images. DUNET, 1-14.

Speaks, M. (2006). Malédiction de Cham : les Noirs sont-ils réellement maudits par la Bible ? Nofi.Media, 1-2.

Speaks, M. (s.d.). Malédiction de Cham : les Noirs sont-ils réellement maudits par la Bible ? Nofi.media, 1-2.

UZUNIDIS, D. (s.d.). Les pays en developpement face au consensus de Washington, Histoire et Avenir.

Vercellone, C. (2001). La mafia comme expression endogene de l'accumulation du capital. Paris.

 

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