Urgences médicales en temps de crise

Que sont les urgences médicales en temps de crise ? Comment appréhender la problématique de la crise des urgences médicales engendrée par les crises sociopolitiques ?

Ces interrogations voilées de technicité tendent à traduire les préoccupations sinon silencieuses de tout un peuple, une population qui est exposée continuellement à des conditions d’existences défavorables.

Haïti confronte depuis quelques années une crise à la gravité hégémonique et exponentielle. Si dans un premier temps elle atteint des secteurs comme le commerce et l’éducation, elle paralyse avec ce nouvel élément qu’est la rareté des produits pétroliers, le fonctionnement des hôpitaux. Si des institutions de prestation de soins ont déjà exprimé leurs inquiétudes quant à la tenue des services, d’autres ont annoncé qu’elles ne pourront plus recevoir de malades.

On tombe malade n’importe où et surtout n’importe quand, les urgences contrairement au pays ou aux hôpitaux n’ont pas d’horaire.

Dr Gédéon Antoine Medad, urgentiste et médecin  en Haïti, voit la situation comme une crise réelle qui inquiète encore plus, car elle adresse surtout la vie et pire, celle des malades.

Time is life

Formé à l’université d’État d’Haïti, Dr Gédéon substitue le fameux «  time is money » en « time is life ». « Dépendamment de l’urgence en question, on peut n’avoir que cinq minutes pour intervenir en vue de sauver la vie du malade », soutient le médecin qui fait partie de ceux qui ont fait le choix de rester en Haïti après leurs formations.

Si on définit les urgences médicales comme une situation qui nécessite une intervention rapide afin d’éviter la mort du malade ou des complications irréversibles, le Dr Gédéon constate non pas sans amertume, que la crise actuelle paralyse les capacités de réponses des services d’urgences dans le pays. 

Des urgences diverses et multiples

Les urgences concernent plusieurs spécialités clés.  Elles vont des urgences respiratoires qui sont dominantes dans le contexte de la Covid-19 aux urgences obstétricales, chirurgicales (plaies par balles ou accidents de la voie publique) ou même   des complications des maladies non transmissibles comme l’acidocétose diabétique ou encore des urgences hypertensives. Ce serait les cas les plus fréquents ces derniers temps selon le Dr Gédéon qui regrette du coup les trop grandes failles de notre système préhospitalier qui a pourtant de lourdes responsabilités face à des vies qui auraient pu être sauvées à l’aide d’un simple geste.

La crise actuelle un important obstacle à la prise en charge des urgences

« Elle tend à une crise humanitaire »,  martèle le Dr Gédéon ; les conséquences directes de la crise empêchent d’emblée le fonctionnement d’un service d’urgence et empirent la situation déjà indésirable. Selon le médecin, plusieurs cas de figure peuvent illustrer son approche ; quand on ne se fait pas tirer dessus, on peut se trouver dans un tableau de détresse respiratoire  sans pouvoir se rendre dans une structure hospitalière faute de carburant. En plus des mécanismes induisant les urgences, la disponibilité du personnel et l’utilisabilité des matériels comme des respirateurs artificiels qui dépendent de l’énergie sont des sombres paramètres à considérer dans les conséquences de cette crise qui suit pourtant un cycle incessant et inquiétant.     

Limiter les conséquences ?

Les réflexions s’inscrivent tant dans un cadre isolé que dans des contextes de politiques publiques et adressent des interrogations autour de la prévention de ces situations ou le souci de préserver certains secteurs clés comme la santé ou les finances.

Si pour Dr Gédéon, il est difficile de prétendre pouvoir éviter l’exposition du secteur des soins d’urgences à la crise, on peut cependant œuvrer à limiter les conséquences sur la vie des citoyens. Faire de l’approvisionnement incessant des structures hospitalières en carburant une priorité ou les aider à atteindre une autonomie énergétique sont des multitudes options envisageables selon ce spécialiste des urgences.

Il n’exclut pas de ses prescriptions la garantie de sécurité pour les travailleurs de santé en temps de crise, le respect des institutions et des ambulances en particulier.

Pas plus tard que cette année, une infirmière a été tuée d’une balle alors qu’elle se trouvait dans une ambulance ; une autre a connu le même sort en revenant d’une banque de la capitale. Plusieurs professionnels de santé ont été kidnappés et certains, aux environs de leurs lieux de travail.

Cependant Dr Gédéon est assez  clairvoyant quand il comprend qu’il est difficile que cette crise à sa dimension laisse exempt un secteur de la vie nationale.

Il devient alors un débat urgent qui requiert souci, intelligence et engagement réel à la fonction publique, mais aussi de la citoyenneté au sens le plus exact du terme.

Les hôpitaux à genoux, quel pronostic ?

Plusieurs hôpitaux avaient annoncé la cessation des nouvelles admissions faute de capacités énergétiques ; d’importantes organisations en étaient touchées, Médecins sans frontières avait exposé  sur son site ses incertitudes sur la continuité de ses interventions, quel est donc le pronostic?

Autant tranchant que perspicace, Dr Gédéon reconnait  que ces réalités n’ont pas découlé des contraintes internes de ces institutions ni de la disponibilité et l’engagement des prestataires de soins, mais plutôt des problèmes d’ordre social et politique qui méritent d’être mieux adressés.

S’il plaide pour une meilleure considération de la chose sanitaire dans le pays, le Dr Gédéon croit en l’avenir de la santé en Haïti.

Les crises liées au carburant sont courantes dans le pays depuis tantôt un an. On arrive rarement à la stabilité de la disponibilité des produits pétroliers et chaque épisode apporte ses répercussions sévères. Combien d’interventions chirurgicales devront être interrompues à cause de ces problèmes d’énergie liés à la crise du carburant ? Combien de morts ? Combien de complications de santé ? Combien durera cette agonie ? Que seront les urgences médicales aux éventuelles récidives de la crise du carburant?

B. Charlemagne Charlorin

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