Haïti : Un pays mis au pied du mur

En cette année 2023, Haïti est entrée dans sa troisième décennie de misère atroce avec l’infestation du territoire par des gangs violents qui rançonnent la population, violent les petits enfants, et tuent jeunes et vieux pour assouvir l’appétit vorace des vampires qui ne jurent que par le sang. Cette entreprise a bien sûr vu le jour au début des années 2000, pour ouvrir la voie à l’action blasphématoire qui a été orchestrée par les puissances néocoloniales dirigées par les États-Unis, avec l’envahissement du pays en 2004, année de la célébration du bicentenaire de l’indépendance nationale. Cependant, elle a atteint sa vitesse de croisière avec la nomination, encore par ce même États-Unis, de Michel Martelly, l’homme considéré comme le premier gouverneur de ce « pays » qui est maintenant perçu comme le tout nouvel État états-unien. Sous la gouvernance de Michel Martelly, puis de ses poulains Jovenel Moïse et le roi Ariel Henry, le problème des gangs violents en Haïti est utilisé comme solution légale pour maintenir au pouvoir les rejetons maladressement domestiqués et socialisés par une élite intellectuelle historiquement dépourvue de vision et de bon sens. C’est en effet l’œuvre d’une élite intellectuelle elle-même « cancrisée ».

Cette catastrophe haïtienne est d’abord et avant tout l’échec, voire l’absence, d’une pensée intellectuelle haïtienne. On peut dire sans l’ombre d’un doute que les esclaves des plantations sucrières qui furent à l’origine de la révolution haïtienne eurent plus de vision et d’essence intellectuelles que les docteurs et les maîtres de merde qui aujourd’hui collaborent avec les néocolons pour soumettre le pays à la loi de la jungle. Une jungle créée sur ordre du néocolon pour continuer de contrôler le cerveau esclavagé de notre élite politique et intellectuelle poubelle. La même jungle que Josep Borell, le chef de la diplomatie européenne, constate qui menace le jardin européen qui s’étend jusque dans les richesses minières des forêts africaines les plus reculées.

 

En attendant…

Continuons de clamer que nous sommes des mondialistes. Que nous sommes des réformistes, comme le Professeur Rony Durand aimait le suggérer. Que nous sommes des pro-occidentaux, comme l’a encore récemment scandé un de ces docteurs de ce gouvernement fantoche qui paralyse le pays, et ancien diplomate haïtien accrédité au Canada, pour obtenir la validation de ses maitres coloniaux. Utilisons un vocabulaire avec des mots-clés qui témoignent de notre cécité intellectuelle et de la stérilité de notre culture historique et civilisationnelle pour être bien vus des violents maîtres dames du monde.

Espérons que les États-Unis en auront assez de nous humilier et de souiller la mémoire de nos ancêtres. Passons nos jours dans nos églises et dans nos badji à jeûner et à faire des incantations pour que l’ambassadeur états-unien ordonne aux laquais qui représentent leurs intérêts dans le paysage politique haïtien, à mettre fin à leur complicité avec les gangs violents, pour permettre à nos enfants de retourner sur les bancs de l’école.

Souhaitons que les puissances néocoloniales et esclavagistes abandonnent leur politique raciste et prédatrice à notre endroit, et qu’ils lâchent le roi Ariel Henry qui défend pourtant trop bien leurs intérêts, quitte au risque de détruire complètement le pays qu’il prétend diriger. Que, peut-être, le roi Ariel Henry, ainsi que le gérant en chef de la jungle, en l’occurrence Michel Martelly, décident de leur plein gré qu’ils font trop de mal au pays et que les millions volés ne valent pas tout le sang versé, toutes les vies brisées et toute la dignité anéantie dans cet océan de honte quotidienne.

souhaitons que toutes ces petites coquerelles de bourgeois « kokorat », qu’ils soient d’origine syrienne, libanaise, juive ou qu’ils descendent des anciens colons français et d’autres peuples européens qui avaient bénéficié des largesses du peuple haïtien, décident un jour d’en avoir assez d’argent pour arrêter de saigner à blanc ce peuple meurtri, en contrôlant toutes les ressources du pays. Nous avons le droit de rêver.

Espérons que les gangs décident un jour d’en avoir assez tués, et qu’ils se rassasient de détruire des vies. La vie de nos jeunes et de nos vieux. La vie des mères et des pères qui ne verront pas grandir leurs enfants et leurs petits enfants. La vie des enfants qui ne pourront plus compter sur le support de leurs parents. La vie des adolescentes et adolescents qui ne peuvent pas jouer comme ceux qui leur ressemblent ailleurs dans le monde. La vie de tous ces jeunes amoureux et amoureuses qui ne pourront jamais vivre ensemble ou fonder un foyer. Espérons qu’ils en ont marre de détruire leur propre vie.

Mais les gangs, ce ne sont pas juste ceux qui kidnappent avec une mitrailleuse ou un pistolet pointé à la tempe de gens dépourvus de toute protection de ces droits humains défendus à cor et à cri au Mali ou au Burkina Faso par les grandes organisations internationales. Les gangs, ce sont aussi et surtout les grands défenseurs de ces droits humains qui ne s’appliquent pas en réalité à ceux qui sont de ou dans la jungle. Les gangs ce sont aussi ceux pour qui les hommes de mains et les intellectuels bidon haïtiens aux titres pompeux travaillent. Ce sont aussi ces borgnes intellectuels qui travaillent sans relâche à tuer, à chasser et à maintenir au loin tous ceux qui réfléchissent, de manière à construire ce royaume des aveugles où ils seront les seuls rois. Les gangs ce sont surtout ceux-là qui dirigent cette usine mortifère et qui placent en Haïti et ailleurs des gérants capables de fournir les rendements les plus impressionnants de l’industrie.

Ainsi, il ne fait aucun doute que la chance de voir réaliser un seul de ces rêves pour sortir le pays du marrasme, sans créer les conditions nécessaires pour galvaniser le peuple haïtien et produire une révolution, est nulle. Mais... il est très peu probable que cela se produise bientôt, faute d’un leader crédible.

En attendant? Eh bien! En attendant, on attend que le roi Henry soumette au référendum la nouvelle ébauche de constitution qui a déjà été rédigée et imposée par les États-Unis pour sa colonie. Que les ambassadeurs de puissances néocoloniales donnent le signal au roi Henry pour organiser des « élections-sélections » visant à nommer soit un de ces intellectuels bidon qui ont déjà déclaré leur candidature avant même qu’on annonce des élections, soit assurer le retour au pouvoir du chef des gangs. Que business continue « as usual », et les conditions d’existence n’arrêtent pas de se détériorer dans le pays.

En attendant, à force de n’avoir rien à foutre, nous allons continuer de chercher des héros à célébrer à travers nos zéros, même lorsqu’ils avaient clairement toujours été au-dessous de zéro toute leur misérable vie. Ariel Henry vient de déclarer trois jours de deuil national pour saluer le départ de Gérard Latortue. Un homme comme lui. Un autre premier ministre bullshitter. Une « sangsue-vaurien » au goût de lucre qui avait volé, dit-on, même la statue du nègre marron pour augmenter le luxe de sa maison en Floride. Maintenant, il est parti. Parti pour l’éternité. Il laisse derrière, pour les ingrats, tout ce qu’il avait volé et qui aurait pu offrir un avenir à ces enfants qui deviennent aujourd’hui des gangsters et qui pourrissent notre existence. Le roi Ariel Henry demande à toute la nation de pleurer le départ de ce mec qui lui ressemble en tout point de vue. Mais lui, après qu’il sera parti, les prochaines générations feront la queue pour aller pisser sur sa tombe. C’est d’ailleurs de cette manière que beaucoup songent à aller saluer le départ du traître qui était allé conseiller à la France que la demande du remboursement de la dette de l’indépendance n’avait aucune base légale. Puisse son âme reposer en « peur ».

En attendant, on attend chacun son tour de se faire kidnapper par les gangs.

 

Quand tout semble pourtant bien aller dans un pays où rien ne va

Dans un pays où une expression comme « Si Dieu le veut » est remplacée par « Si gang le veut », il semble bien anormal que les gens trouvent autant de plaisir à sortir dans les rues pour danser au carnaval, comme si de rien n’était. Oui, on comprend que la vie ne s’arrête pas avec la souffrance de beaucoup ou la mort de certains d’entre nous, mais il y a lieu de se demander si nous sommes à ce point anesthésiés par la présence du mal qu’il fait maintenant partie intégrante de notre humanité? Comment je peux danser lorsque mon pays se trouve dans un tel état? Est-ce que nous sommes à ce point endurcis que nous ne nous soucions même plus de l’avenir de nos enfants qui file entre leurs doigts dans un pays où ils n’ont pas le droit de circuler? Au regard des chiffres sur les nouvelles naissances dans le pays au cours des dernières décennies, il ne fait aucun doute que les gens ne cessent pas, à cause du phénomène de kidnapping, de prendre un petit peu de plaisir de temps en temps, mais de là à festoyer pendant trois jours; cela dépasse l’entendement. Par ce comportement, nous semblons envoyer un message bien clair à nos bourreaux à l’effet que nous sommes capables d’en prendre, lorsqu’en réalité nous touchons déjà le fond du baril.  C’est peut-être la raison pour laquelle les colons se sentent si encouragés à maintenir la pression de manière à ce que nous quittions tous le pays. Ceux à qu’ils refusent un visa, ils font pression, en particulier, sur les Dominicains, les Chiliens et les Brésiliens pour leur ouvrir leurs portes. Il faut vider le pays de son monde à tout prix.

 

Quand les maîtres coloniaux osent donner des ordres même au peuple haïtien

Si les voyous qui se rabaissent devant le colon pour faire main-mise sur les institutions politiques du pays (ils ne contrôlent plus le pouvoir dans le pays) reçoivent des ordres de la part de ceux-là, le peuple haïtien, pour sa part, est souverain. Il fait ce qui lui plait en Haïti, et aucun colon n’est autorisé à lui dicter ce qu’il doit faire. Il n’y a pas longtemps un diplomate sans vergogne accrédité en Haïti, a lâchement déclaré, et je cite : qu’Ariel Henry reste là où il est. Pourtant, ni au niveau de l’élite intellectuelle ni au niveau de l’élite politique, personne n’a pensé à dénoncer ce mec qui se prend pour un petit dieu sur le sol dessalinien. Personne ne veut mettre en danger son visa. Personne ne veut prendre le risque de faire révoquer la résidence temporaire de sa femme et de ses enfants. Personne ne veut avoir du fil à retordre pour quitter le pays (dans lequel ils refusent de construire des hôpitaux) lorsque vient le moment d’aller se faire soigner en urgence à l’étranger. Personne. Ils n’arrêtent pas de voler les ressources fiscales qui devraient servir à construire leur propre pays, ignorant que tout ce qu’ils convoitisent à l’étranger est créé à partir des ressources fiscales de ces pays-là. S’il y a plusieurs moyens de s’enrichir de manière illicite (drogue, masisi, contrebande, etc.), il y a un seul moyen d’élever une nation : utiliser ses ressources pour le bien de ses citoyens.

Mais, en réalité, qu’est-ce qu’Ariel Henry fait là où il est? Aux dernières nouvelles, lui et les larbins qui contrôlent les institutions étatiques du pays avec lui, consommaient des ressources fiscales haïtiennes, ce qui voudrait dire qu’ils devraient être au service du peuple haïtien. Au fait, de quel droit se trouve-t-il là où il est et qu’est-ce qui fait croire à ce petit colon qu’il peut donner de tels ordres en Haïti? Est-ce à ce peuple-là que les puissances néocoloniales demandent de soutenir l’Ukraine dans sa lutte pour son autodétermination et sa liberté? N'est-ce pas le discours le plus raciste qu’un individu pourrait tenir à l’endroit d’un peuple? Alors, l’Haïtien est tellement bête, que ceux qui le maintiennent dans un état d’asservissement inhumain  croient qu’ils sont en droit de lui intimer l’ordre de défendre la liberté d’autres peuples? Bande de colons. Cela ne passera surement pas en Haïti.

Il y a seulement quelques jours une audio a commencé à circuler sur l’application WhatsApp, et dans cette audio on annonce la décision du Conseil communal de Desdunes d’imposer un couvre-feu qui empêche les individus de circuler en véhicule dans la ville à partir de 21h. Si on peut remettre en question la capacité de ce couvre-feu à empêcher la criminalité de se propager dans la ville, on ne saurait reprocher aux responsables du Conseil municipal de ne pas avoir un minimum de leadership. D’ailleurs, diriger c’est décider. Dans un pays normal, on ne prend le pouvoir que pour servir ses concitoyens, et pour ce faire on doit prendre des décisions, desquelles découlent des actions. Est-ce qu’Ariel Henry a jamais pris une décision, du moins une dans le sens des intérêts du peuple haïtien? En effet, il est encore plus important de prendre des décisions dans un pays qui n’existe, comme le disait l’autre cancre, que sur du papier.

Il est grand temps que les Haïtiens prennent les mesures nécessaires pour déraciner toutes causes du néocolonialisme et tous ceux qui l’alimentent dans le pays. C’est la seule manière qu’on parviendra à se défaire des gangs nationaux qui destabilisent le pays au profit de leurs collègues internationaux.

 

Wilner Predelus, PhD

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