De la systématisation la gouvernance politique et administrative d’Haïti

Qu’est-ce qu’un système et comment fonctionne-t-il ? Soyons simples et directes. Quand on parle de système, on parle d’un ensemble, composé d’éléments, interalliés et fonctionnant suivant des mécanismes de coordination. Mais, en dehors de la mécanique considération d’un système comme une machine, il faut distinguer l’idéal de ce qui est pratiqué en réalité, ainsi que le fonctionnel de celui du but à poursuivre. En politique, je pourrai définir le système, dans le cas d’Haïti, comme l’ensemble intégrant les communautés de citoyens haïtiens dans l’exploitation des ressources suivant des principes transcrits à travers des règles (Constitutions, lois, décrets ….) dont la gouvernance est assurée par des hommes à travers des institutions établies, des règles et procédures plus ou moins strictes. Il n’existerait pas de système, sans l’existence du social, de son contexte politique et sa structure (des groupes ayant des intérêts et des motivations). Du fait même de l’existence du social émerge l’économique et de son armature, la nécessité d’une forme d’organisation et de combinaison politique pour l’exploitation, et qui se réalise suivant des prédicats moraux et idéologiques. Ce qui confère une autre compréhension de la configuration et des sous-jacents de la dynamique système.

Existe-t-il un système en Haïti ? Sous la loupe de la logique de l’idéale politique le système n’existe pas, mais le système existe au regard des prédicats juridiques, de la systématique de l’existence du social et de ses formes de fonctionnement et d’interactions internes. Cependant, se pose le problème de la qualité, du mode de fonctionnement et du rendement du système. Un système existe en Haïti. Ces systèmes se sont institués à “l’orée” de l’indépendance de la république d’Haïti. Il s’est accidentellement ou sarcastiquement handicapé par des acteurs intelligents, dans une continuation de la politique contre la révolution noiriste de 1804 sous fonds insoupçonnés de lutte inqualifiable, pour certains, sous fonds d’enjeux de l’indépendance de la première république noire du monde pour l’économie capitaliste occidentale.

Dans le pré carré et le sous-bassement de la lutte politique  se trouvent des bénéfices et d’énormes privilèges de toutes sortes. Il est bon de souligner l’indéterminisme des luttes traditionnelles de classes (entre noirs et mulâtres) congénères héritées authentiques de la patrie haïtienne. On ne peut pas dire que l’idéologie mulâtresse et l’idéologie noiriste ne sont plus distincts, ou seraient conjoncturellement consensuelle face à cette nouvelle classe de bourgeois étrangers, qui ont dépossédé les bourgeois noirs et mulâtres de leur préséance dans l’économie haïtienne. 

Car, quand on parle de Pétion-Ville ses alentours comme cours symbolique du bourgeois haïtien. En disant : « Pitit Desalin pral ka Pitit Petion », on a une fausse lecture de la direction de l’économique haïtienne, laissant comprendre que ceux qu’on appelle traditionnellement les fils de Pétion, symbolisme de la représentation des mulâtres, co-fondateurs de l’indépendance haïtienne et des bourgeois noirs principaux bénéficiaires de la politique noiriste de Duvalier, sont toujours les maitres de l’économie haïtienne. On y voit plutôt des Syriens, des Libanais, des Palestiniens, des Occidentaux (Tous les pays confondus) qui détiennent les rênes du commerce du pays.  Ainsi, la classe politique haïtienne affiche son incapacité à lire, interpréter et comprendre les transformations dans son décor politique. Sans qu’on s’en rende compte, là se pose une question de fond de la supériorité des races, laquelle est toujours debout dans les hautes sphères de la politique et du débat intellectuel au niveau international.

Comment se fait-il, en moins de quelques miettes de décennies, un petit groupe de migrants étrangers de race blanche et interalliés ait pu se propulser à la tête de la hiérarchie de classe économique et sociale haïtienne, possédant plus de 95% des richesses économiques du pays et occupant tous les allés stratégiques du pouvoir politique ? On dénonce, l’oligarchie traditionnelle, l’oligarchie traditionnelle, de quelle oligarchie qu’on parle ? Certains diraient qu’à l’intérieur, on est tellement figé sur le passé qu’on ne s’en rende pas compte du déplacement du problème. Cependant, d’autres y verront une continuation de la politique de mettre constamment les va-nu-pieds en face des gens à chaussures. Quel que soit l’interprétation ou la compréhension, le problème de l’intelligence et de l’extrêmement imagination des vaillants combattants de l’indépendance se pose à travers la manière que des hérités authentiques de la révolution de 1804 agissent sur la politique haïtienne. On peut même se poser la question, si on s’en rend compte qu’on est en train donner des arguments aux théoriciens gobinistes pour faire resurgir des doutes de la validité de leur fausse théorie de supériorité d’une race par rapport à une autre.

Certes, des scientifiques comme Antênor Firmin, à travers sa thèse de doctorat en anthropologie à l’Université de Sorbonne sous le titre « De l’égalité des races humaines » et d’autres études ont démontré les malicieuses opérations de démonstration de la supériorité d’une race sur une autre. Mais, il reste évident que des situations d’effondrement de si grands rêves des sociétés nègres comme celui d’Haïti capital des valeurs de liberté et d’égalité, véritable démonstration de la fraternité entre les hommes, pose les jalons pour une résurgence de ces questionnements de classification raciale. Certes, même s’il n’existe pas dans les faits, mais il existe dans la tête et ils portent des énergies utiles à des causes contraires aux fondamentaux des droits et à l’égalité des conditions de la personne humaine, quelle que soit sa race.

 

  1. De la transposition du mode de domination et de guidance de la gouvernance politique d’Haïti

La crise semble être plus profonde que ce que l’on peut percevoir sous le regard de clichés simplistes de différends entre riches et pauvres Haïtiens, bourgeois Pétion-ville et la masse des déshérités, d’ici et d’ailleurs y inclus scission ou déchirement au sein de la classe possédante du pays et j’en passe.  Car, il faut regarder sa domination et sa guidance sous loup et de l’effet transformateur du temps. C’est ce que j’appelle « le processus de transformation de la main visible en main invisible ». 

En fait, les opposants au symbolisme de l’indépendance de la première république noire du monde arrivent à transposer dans le concret le phénomène de la possession d’un individu par un ou des forces surnaturelles et pire encore à la faire danser dans la tête de tout un nombre imposant d’individus dans un ensemble social aussi large qu’Haïti. C’est en fait un phénomène d’installation des déterminants dans  un environnement social qui vont s’ériger en système, une forme de gouvernance automatique, à distance et aussi générant une télépathie à effet négatif et de réflexes favorables à l’excessive probabilité de la réussite des propositions des vraies forces dirigeantes de politique intérieure et extérieure du pays occultés par l’effet du temps.

Je dois faire observer aussi ce processus de transformation de la main visible en main invisible à travers des suppôts réels qui servent comme des pantins à un moyen de transmission de la commande et aussi comme moyen de mise en œuvre de la nouvelle perspective du monde. Elle dépasse davantage la force de frappe de la possession spirituelle classique, ce qu’on appelle les forces et domination spirituelles, y inclus les esprits des Loas dont l’haïtien originel y est intimement lié. En effet, tandis que la possession de l’individu par les forces spirituelles, comme le Loas, par exemple, est temporelle, celle instituée par les dominations humaines sont une possession permanente. Il faut indiquer aussi que le processus de désengagement est aussi plus compliqué dans le second et la renonciation devient quasi impossible sans une compréhension de ses modes et de ses attributs.

Dans les sous-jacents du conflit il y a des enjeux politiques (agenda et perspective par rapport aux prochaines élections), ainsi que des intérêts économiques de tailles. Tout cela fait en sorte que la main du Ciel (terme symbolique) est loin de pouvoir apaiser les heurts, parvenir à une conciliation et, pour le moins, ouvrir la voie aux discussions en perspective d’une résolution pacifique du conflit.

 

  1. L’agir rationnel de la majorité nationale consciente 

Certains regardent la crise d’Haïti suivant une perspective négativiste de l’issue de la révolutionne Haïtienne de 1804. Des Haïtiens, avec qui je me suis entretenu, face aux conditions critiques d’existence du citoyen haïtien, de la pernicieuse déchéance de la praxis politique haïtienne, du bas-fond dans lequel se trouve la réputation du pays au niveau international se questionnent sur le bien-fondé de l’indépendance acquise par les pères fondateurs de la patrie haïtienne. À mon avis, ce serait idiot de ne pas voir dans la crise des opportunités pour adresser des problèmes de fonds de la société haïtienne.

Quand je porte mon regard sur la tranche d’histoire d’Haïti de 1804 à nos jours, j’observe qu’il n’a jamais eu un congrès entre les Haïtiens pour définir le projet haïtien, c’est-à-dire définir ce que l’haïtien voudrait bâtir comme société dans ce pays et établir les plans pour y parvenir. En fait, cela laisse comprendre qu’il n’y aurait aucun projet commun entre les Haïtiens de quelque qualification qu’ils soient. Ce qui me porte à penser qu’il y aurait autant de classes sociales que de possibilité de projets haïtiens, pour de pas dire autant de propositions de projet que d’haïtien.

Dans un tel contexte de jeu d’acteurs politiques et économiques, apparemment opposés, mais de mêmes acabits qu’elle devrait être la position de la majorité silencieuse et intelligente, historiquement héritière de l’indépendance haïtienne ? À mon avis, elle devait faire un effort de démystification de la crise et actionner la crise comme opportunité pour poser les bases d’une action systématique de défense de ses intérêts historiquement disparates des conflits entre les acteurs dominants du système politique et économique. 

 

Joe Alliance

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