Vers une Conférence nationale : départ du PM Ariel Henry et manque d’alternative viable de la part du Conseil présidentiel de transition

Pendant la période de radicalisation des gangs entre le 29 février et le 22 avril 2024, il est compris que le vrai problème du pays n’était pas la crise politique, mais un problème de gangs ou bandits et de sécurité publique. Donc, les escalades des bandits qui, dans le centre-ville, à Carrefour-Feuilles, Martissant, Tabarre et La Plaine, ont pris d’assaut des commissariats et prisons, fait une dizaine de morts et des milliers de déplacés, ont créé une psychose de peur partout le pays. Chacun s’attend un jour à ce que son propre quartier soit escaladé et détruit par exemple le centre-ville et Martissant.

Au milieu des escalades et destructions, ce ne sont pas seulement les gens qui sont déplacés et relogés ou relocalisés à des endroits non appropriés, mais aussi des structures et services respectifs. Ce qui augmente la pénurie alimentaire, les problèmes de logement, de transport, de rareté des services commerciaux, médicaux et éducatifs, lesquels nécessitent le besoin de stratégie de reconstruction du centre-ville en rapport avec celui connu après le tremblement de terre du 12 janvier 2010.

Cependant, pour résoudre le problème prioritaire du pays, l’on a compris que c’est le Premier ministre (PM) Ariel Henry qui devait démissionner. En conséquence, un Conseil présidentiel de transition (Smith Augustin, Leslie Voltaire, Fritz Alphonse Jean, Emmanuel Vertilaire, Louis Gérard Gilles, Edgard Leblanc Fils, Laurent St-Cyr, Régine Abraham, Frinel Joseph) de 9 membres (CPT-9) était formé pour remplacer le PM le 25 avril dernier.  En revanche, malgré le départ du PM demeure toujours menaçant le problème de sécurité publique qui paralyse le fonctionnement des activités commerciales ou socioéconomiques, médicales et éducatives.

Le jour même de ladite installation, des rafales d’armes automatiques ont été très fortement entendues dans les parages du Palais national (Champ de Mars) et de la Primature (Bourdon). Les bandits voulaient interrompre l’installation en question.  Cette tendance sous-entend que la résolution du problème de sécurité dans le pays n’est pas pour demain. Encore cela peut prendre plus longtemps si nous ne croyons pas en l’arrivée des troupes kényanes et celles de la CARICOM prévues pour la fin de ce mai 2024. Le peuple est loin de retrouver le calme et la sérénité pour reprendre ses activités quotidiennes. Les élèves et étudiants-es en particulier ne peuvent reprendre le chemin de l’école en toute quiétude.

Il faut que le problème de sécurité soit résolu suivant l’idée que la PNH doit reprendre le contrôle de la ville qui se trouve à 80% entre les mains des bandits. Ces derniers détiennent « plus de 250 mille armes illégales en circulation » (Viltus, 2017). Ces armes seraient responsables de plus de 71% des cas d’homicides recensés de 2017 à nos jours dans le pays. Il faut qu’elles soient confisquées, ce qui laisserait croire que les bandits sont hors d’état de nuire.

Ce que nous appelons des gangs ne sont pas des guérillas, alors ils fonctionnent sans idéologie sociale. Voilà pourquoi, le qualificatif bandits est mieux approprié pour les confondre à des voleurs, des violeurs, des kidnappeurs, etc. S’ils ne sont pas contrôlés au niveau 2.0 et leurs armes confisquées, ils peuvent à tout moment reprendre leurs activités de banditisme pour piller, tuer ou faire des pressions sur le pays et même empêcher les prochaines élections.  Les populations vulnérables demeurent toujours celles des quartiers pauvres, les usagers du transport en commun et les écoliers ou les étudiants. Alors, il faut voir que les gangs ou bandits viseraient ici les écoles et leur fermeture pour paralyser le système d’une manière sporadique.

Le CPT est installé sans condition préalable à propos de mettre un vrai terme à l’insécurité. C’est bien, un avion militaire américain a délivré le mardi 23 avril 2024 à l’Aéroport International Toussaint Louverture de Port-au-Prince des matériels de sécurité, mais il n’est en aucun cas suffisant pour équiper la PNH dans sa mission contre les gangs armés. C’est comme cela rappelle que le PM Henry s’en va, mais la crise va demeurer. Il est bon d’imaginer ainsi la situation en dépit du fait que le peuple conçoive que le « déchoucage » du PM n’est pas un mouvement par le bas, mais un scénario de la « CARICOM » (Orisma, 2020) dicté par les puissances amies.

Donc, le CPT est la résultante d’un deal politique qui n’est pas totalement efficace pour contrôler le problème urgent du pays. Même quand il comporte des représentants de Lavalas, REN, RED, EDE, Pitit Dessalines et autres, mais nous ne savons pas de comment la CARICOM et les puissances amies ont forcé les mains de ces partis à entrer tête baissée dans ledit deal ou sans une analyse concrète de la situation. Particulièrement, une ferme coopération policière ou militaire n’est pas encore envisagée le long de l’analyse de la crise socioéconomique et humanitaire du pays. Les mêmes discours et fausses promesses de la part de la communauté internationale tiennent toujours.

Ce qui conclut que pour avoir accès au pouvoir, la plupart des politiciens n’hésitent pas même une alliance sans intérêt fondamental pour le peuple. C’est cette tendance qui a causé le mal du pays pendant plus de 200 ans d’indépendance. Des politiciens qui se croient intelligents ou merveilleux, mais enfoncent davantage le peuple dans la détresse ou rendent l’État du pays adolescent et dépendant.

Plus loin, le pays comprend de nombreux intellectuels, bien formés à l’étranger. Quelle est l’importance de ces intellectuels s’ils ne peuvent aider à développer le pays? Sociologue anglais travaillant sur le darwinisme social et la statique sociale, Herbert Spencer (1820-1903) révèle que « le but ultime de l’éducation n’est pas de la connaissance, mais l’action » (Delgado et al., 2015). En revanche, chez nous, être éduqué est pour mieux parasiter ou chevaucher l’État considéré comme « chwal papa. »

Changer de stratégie formelle pour un aller mieux n’est jamais à l’ordre du jour sur la terre de Dessalines. Des cabinets et tiroirs des ministères ne remplissent que de fausses manœuvres politiques pour anéantir l’État. Présidence après présidence, et gouvernement après gouvernement, tout ne laisse qu’un sentiment de nullité de la politique et du pouvoir d’État. Mais les conjonctures offrent toujours un atout pour rebattre les cartes, pour avoir un nouveau consensus, une nouvelle alternative.

En effet, il faut cette fois-ci saisir la présente occasion à bras le corps pour donner une chance au pays de redémarrer sur de nouvelles bases. Il valait mieux en ce sens négocier avec la CARICOM sur nos vrais problèmes agricoles et urbains en vue des infrastructures et structures fondamentales pour le changement parce que des laxismes accumulés de la part de nos anciens dirigeants ne nous laissent que très peu de choix de techniques internes. Depuis le jour de l’installation du CPT-9 en parlant du 25 avril dernier, il fait bon d’envisager en premier lieu le relèvement d’un programme de sécurité publique comme une priorité ultime en utilisant tous les moyens nécessaires pour avoir un contrôle intensif du territoire.

 Sans sécurité des vies et des biens, le pays est appelé à régresser totalement sur les plans commercial ou économique, touristique, académique et autres. Aucun investissement majeur n’y est possible!

En second lieu, il faut se proposer d’aller à la Conférence nationale dans les mois qui suivent en vue de reprendre en main le destin du pays, repenser des programmes agricoles et urbains, restructurer le pays pour les prochains pouvoirs. Ce consensus serait incontournable même sans la CARICOM dont on n’avait pas besoin la présence si nos dirigeants étaient compétents et responsables. Nous n’avons besoin que de la volonté et d’une « tête ensemble.» Que le président du Conseil de transition en la personne d’Edgard Leblanc Fils et ses collègues se donne une mission intensive par rapport à l’agenda de la CARICOM pour aller à la Conférence nationale et initier le changement fondamental dont le pays a tant besoin.

Sans les deux programmes cités dans le précédent paragraphe le long d’un programme de sécurité publique, pas de développement ni changement social durable. Donc, il nous faut d’une part un programme agricole très rentable en vue de nourrir les 4.9 millions d’Haïtiens (2023) vivant dans l’insécurité alimentaire, et d’autre part un programme urbain en vue de reconstruire graduellement les villes du pays et la zone métropolitaine de Port-au-Prince en particulier, laquelle a une pénurie de plus de 500,000 logements. Haïti est très en retard par rapport aux pays voisins et le plus pauvre de l’hémisphère nord occidental, c’est parce qu’elle n’a jamais intégré une logique d’urbanisation adéquate.

Le rôle excessif du CPT serait, rappelons-nous, d’introduire à l’issue de la Conférence nationale susmentionnée, la base d’un système politique de développement durant les 24 mois à venir ou plus. Il serait mieux de le faire pour moins de controverse pendant cette transition dirigée par un Conseil présidentiel multipartite de 9 membres. Permanente, cette base devrait être en d’autres termes le châssis ou les railles sur lesquelles se repose l’Etat  à travers ses programmes de développement socioéconomique, de sécurité publique et de relations externes du pays. Le système doit être aussi surveillé à long terme par un bureau autonome composé de nationalistes intègres. Corrompu, le Parlement qui devrait jouer ce rôle a échoué.

 

Rhodner J. Orisma, PhD

 

Références :

Delgado, J. et al. (2015). « Éducation for the Next Generation. » FIU Magazine, Summer 2015, Vol. 32, 9-20.

Orisma, R.J. (2020). Haiti from Revolution to Chaos, 1804-2020: Urban Problem and Redevelopment Strategies, USA, Xlibris.

Viltus, F.  (2017). Haïti sécurité : La PNH poursuit sa lutte contre les armes illégales. https://peacekeeping.un.org/fr/haiti-securite-la-pnh-poursuit-sa-lutte-contre-les-armes-illegales (consulté le 30 avril 2024).

Photo 1: Un avion militaire américain, AC-130, délivrant des matériels de sécurité à  l'aéroport International Toussaint Louverture de Port-au-Prince, mardi 23 avril 2024.

Photo: Les membres du Conseil présidentiel. CP/Ministère de la Communication

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