Quand la diaspora témoigne une fois de plus son attachement à son Haïti qui l’exclut de ses affaires politiques

La diaspora haïtienne de par sa contribution financière ou son implication dans certaines organisations régionales de développement du pays, est devenue, depuis plusieurs décennies, une force implacable dans la vie économique d'Haïti. Cette diaspora qui vit dans les grandes villes européennes, caraïbéennes et américaines, augmente quotidiennement en nombre, s'enrichit économiquement et, chaque jour, progresse en expertise et ne manque jamais une occasion de parfaire leur formation académique.

Ils sont nombreux ceux-là qui écrivent sur ces Haïtiens du Onzième département.  C’était dans cet ordre d’idée que cet ancien parlementaitaire de la cinquantième législature cite que: «La diaspora haïtienne participe à la survie de leur pays d’origine, elle injecte, par ses transferts d'argent, la plus importante source de devises dans l’économie nationale. Elle apporte, sporadiquement, son soutien au processus de «Transition démocratique. » 

 

En diverses occasions, la diaspora est présentée comme une véritable société civile à l’étranger, alors que celle de l'intérieure ne pouvait pas jouer pleinement son rôle, ce fut le cas pendant les trois ans du coup d’État de septembre 1991.  Donc, l'apport politique de la diaspora reste soudé à sa contribution financière. Cette dernière est d’autant plus importante qu’elle jouera le rôle de levier si enfin les Haïtiens de l’étranger veulent s’unir en parti pour réinventer Haïti en prenant ses rênes, peut-on lire dans l’un des textes de l’ancien député de Mirebalais, Abèl Decollines.

 

Pour certains, la diaspora est un secteur clé dans la reconstruction d’Haïti. Pour d’autres, la diaspora est l’oxygène qui permet à Haïti de respirer économiquement.  Et tous ces exemples-là ne sont plus un secret pour personne. À l'aide du support financier de ces rudes travailleurs, bon nombre de ménages parviennent à joindre les deux bouts. Espoir pour certain, vache a lait pour d'autres, aujourd’hui encore, cet apport reste inestimable. À juste titre, le programme d'éducation gratuite tant plébisciter par le pouvoir Tèt Kale avait pu trouver des fonds grâce aux appels téléphoniques et aux transferts d'argent de la diaspora.  En attendant une constitution pouvant leur permettre de participer autrement à la politique de ce pays, la performance des footballeurs haïtiens avec l’équipe nationale dans des compétitions à l’échelle internationale prouve une fois de plus qu'Haïti peut bien compter sur les Haïtiens de l'extérieur et ceci à plusieurs niveaux.

 

La diaspora et le football haïtien

 

Maintes fois dans le passé, on se le rappelle bien pour des raisons politiques, manque d'infrastructure approprié ou un stade Sylvio Cator bindonvilisé en constante réparation, c'était en Floride, particulièrement là où réside une forte communauté haïtienne, que des dirigeants de la Fédération haïtienne de Football (FHF) se dirigeaient certaine fois pour des matchs amicaux ou éliminatoires. Ainsi, que ce soit au Orange Bowl de Miami ou d'autres Stadium de New Jersey, New York et Massachusetts, la sélection haïtienne de football attirait toujours la grande foule.  

 

Effectivement, plus dix ans de cela, lors du match de groupe opposant Haïti contre les États-Unis de la "Copa de Oro ou Gold Cup” en été 2009 dans l'état du Massachusetts, le décor de l’environnement avec les couleurs du bicolore bleu et rouge  et l’animation que créait les Haïtiens dans le stade laissaient impression que la sélection nationale jouait chez elle.  Ce samedi après midi là, le bleu et rouge était vraiment au rendez-vous.  C'était encore une autre forme de contribution de la diaspora.

 

Toujours dans le cadre de la Copa de Oro aux États-Unis, plus récemment lors d’un match opposant la sélection haïtienne contre leur homologue costaricaine le lundi 24 juin 2019, c'était un public de la communauté haïtienne en diaspora qui était venu supporté une équipe composé en majeure partie des joueurs venant de la diaspora.

 

Aux dires des supporteurs, il s'agissait d'une équipe régénérée, avec un nouveau souffle.  De l'avis de l’un des supporteurs qui criait Haïti, Haïti: c'était une sélection de la diaspora.  Heureusement qu'on ait ces valeurs en réserve dans la diaspora. N'en déplaise pas aux joueurs locaux qui avaient, eux aussi, joué un excellent match, la contribution des joueurs de l'étranger était énorme.  

 

Pour une équipe qui avait commencé avec sa première séance d’entrainement seulement quelques jours avant la compétition, et qui avait joué seulement trois matchs de préparation avec d'autres équipes de la région, donc sans ses ressources de l'extérieur, on ne saurait être en mesure d'avoir des joueurs au top de leurs formes en si peu de temps, soulignait un commentateur  vivant à New York.

 

Histoire des footballeurs expatriés et la sélection nationale

 

Les joueurs de la diaspora viennent toujours en renfort au pays. Ce n'était pas nouveau. Historiquement, pour renforcer une équipe nationale en compétition internationale, les dirigeants de Port-au-Prince faisaient toujours appel à des joueurs du dehors. C'était le cas pour les frères maçons (Nènè et Gogo) lors de l'élimination de la CONCACAF à Port-au-Prince en novembre et décembre 1973 et de la finale avec les 16 équipes qualifiées pour la coupe du monde en Allemagne bien entendu, de l’Ouest, par ce que pendant la période de la guerre froide le pays était divisé en deux blocs à savoir: l’Est et Ouest) en 1974.  

 

Quelques années plus tard, dans le but d'obtenir l'unique billet de qualification qui était réservé à la zone de la CONCACAF (Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes) pour la coupe du monde qui devait se jouer en Argentine en 1978, on avait eu aussi le même scénario pour Ti Manno (Emmanuel Sanon) et Wilner Nazaire lors des match éliminatoires et le tournoi hexagonal au Mexique en 1977.

 

Ceux qui sont dans la cinquantaine et plus, peuvent encore se rappeler du marathon lancé par la radio Métropole en vue d'une collecte de fonds en faveur du buteur de la sélection nationale. Pour faire rentrer Manno Sanon, le club belge, Beerschot, V.A.C (1974-1980) où il jouait avait réclamé un frais d'assurance de dix mille dollars. Donc il suffisait au chroniqueur sportif d'alors, Jean-Claude Sanon de faire l'annonce et d'initier le mouvement de levée de fonds dans son émission sportive du matin à Radio Métropole pour que dans quelques heures, cela devienne une affaire nationale.

 

Le sacrifice du marathon était payant puisque que c’est à La Havane pour le match aller en novembre et Port-au-Prince pour le match retour en décembre, les deux buts d'égalisation ont été inscrits par TI Manno.

 

Le but d’égalisation de Port-au-Prince était un classique de dernières minutes sur une action spectaculaire de Wilner Nazaire qui, après avoir, facilement, traversé le milieu du terrain de jeu, comme il avançait vers le camp adverse, il passait le ballon à Charles Vorbe qui, finalement, avait servi ti Manno au bon endroit pour scorer alors que le jeu était presque fait pour les noirs et rouges (anciennes couleurs de la sélection nationale durant la dictature des Duvalier), l’équipe 'entrainée par le directeur technique, le danois Joseph Puntek.

 

C'était aussi le cas pour le tournoi de la CONCACAF du Honduras en 1981. À la recherche de l'un des deux billets pour la coupe du monde de 1982 qui devait se jouer en Espagne avec 24 équipes, les dirigeants et staff techniques de la sélection nationale avaient aussi sollicité la présence de Ernest (Nono) Jean-Baptiste, ancien milieu de terrain de la belle équipe du Victory des années 1970 qui était en Floride. Joueur élégant de qui on savait admirer sa façon de botter les corners presque tout goal. Le gardien de but Gérard (Boby) Joseph, ancien portier du Racing Club Haïtien et de la sélection nationale qui participait à la coupe du monde de Munich en 1974 et, de Frantz Mathieu, l'ex-défenseur du Violette qui jouait aux États-Unis était aussi listé parmi les joueurs de l'équipe nationale entrainée par Antoine Tassy. Depuis, ils sont nombreux et même plus nombreux les expatriés qui rejoignent l’équipe nationale pour un match international.

 

Par exemple, le vendredi 2 septembre 2011, lors du match opposant Haïti aux Iles-Vierges américaines, le pays avait le plein support des footballeurs haïtiens de l'extérieur. C’était une sélection de la diaspora.  Jamais on n’avait eu autant de sélectionnés venant de l'extérieur pour un match éliminatoire ou d'une compétition de la CONCACAF. Pour ce match, ils étaient au nombre de douze joueurs venant d'horizons divers à pouvoir faire le déplacement pour rejoindre la sélection nationale.

 

Legu Peterson Alexandre, dans son article titré mondial 2014: les préparatifs vont bon train publié dans les colonnes du Nouvelliste, donne des précisions sur les noms des joueurs, positions, clubs et pays que ces derniers évoluent: « 1- Stewart Céus (gardien/ Real Espana, Honduras) 2- Kervin Lafrance, (défenseur/ Viktoria Zizkov,Republique, Tchèque 3- Jean Jacque Pierre (défenseur/ France) 4- Judelin Aveska, (défenseur/ Independiente Riva davia, Argentine) 5- Jean Sony Alcénat (défenseur /Leixoes, Portugal) 6- Réginald Goreux, (défenseur /Standard de Liège, Belgique) 7- James Marcelin, (milieu de terrain /Portland Timbers, Etats Unis) 8- Pierre Louis Listner, (milieu de terrain /FC Vannes, France) 9- Jean-Marc Alexandre, (attaquant/ Austin Aztex, Etats Unis) 10-GarryAmbroise, (attaquant /Tubize, Belgique) 11-Jean Eudes Maurice, (attaquant /PSG, France) 12-Belfort Kervin Fils, attaquant (Le Mans, France).  C’était le monde sous les couleurs bleu et rouge. »

 

Une vraie leçon d'unité

 

C'était intéressant d'observer, pendant un moment, le mariage entre le public et l'équipe nationale. Les quatre-vingt-dix minutes d'euphorie projettent l'image d'un pays ou tout allait bien. Le bras de fer opposant l'exécutif au législatif dans la désignation et ratification d'un Pemier ministre et aussi le problème des milliers de gens sous les tentes était provisoirement oublié.

 

Si pour des intérêts mesquins, la classe politique était divisée entre des petits groupes de clans, pendant le match, le pays était uni. Les problèmes sociopolitiques n'avaient pas traversé les vestiaires du Stade Sylvio Cator. Les supporteurs, drapeaux bleu et rouge avec l'emblème "l’union fait la force" en main, exprimaient vivement leur solidarité avec l’équipe nationale. Ils étaient tous, unis derrière les grenadiers. Grenadye a laso, sa ki mouri zafè ya yo.

 

Dans le cas contraire, ce serait un fiasco face à une faible équipe des Iles-Vierges. Vous vous imaginez un instant des joueurs locaux qui disaient que: ‘’nèg laba sa yo vini pran plas nou. Nou pap sipòte yo nan makaj de zonn. Nou pap ba yo pas.’’ Qu'en était-il de ces joueurs venant de l'étranger? S'ils hésitaient un moment et réflechissaient aux problèmes de l'insécurité et aux images négatives d'Haïti qui leur étaient parvenues de leurs pays de résidence, donc on n’aurait pas tous ces talents au pays pour jouer le match. Ou dans d'autres cas, les gens sous les tentes, les pères et mères de familles qui quémander de la nourriture, les professionnels sans emploi, les étudiants sans espoir d'un avenir meilleur, tous disaient que le match du 2 septembre ne les intéressait pas. Le douzième homme (le grand public), élément important pour gagner surtout lorsqu'on joue chez soi, aurait grandement manqué à l'équipe nationale. Voilà donc, une leçon d'unité nationale. Le dépassement de soi pour une cause nationale.

 

Les milliers de supporteurs contents et très passionnés avaient applaudi la sélection haïtienne, quelle que soit la provenance ou l'origine de chaque joueur. Les six buts que les Grenadiers avaient marqués contre les Iles-Vierges n'avaient pas le goût de la division ni l'odeur d'exclusion.

 

En conclusion, ce texte ce n’est pas seulement pour faire l’histoire de ceux-là qui reviennent toujours de l’extérieur pour apporter leur support à une sélection nationale en compétition internationale, mais plutôt de démontrer  combien est importante les contributions des Haïtiens, peu importe leurs origines.  Ayisyen a letranje yo pa dwe konsidere kòm etranje pou Ayiti.

 

 

 

Prof.  Esau Jean-Baptiste

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