Le journalisme en Haïti, un métier désenchanté

L’apprentissage de tout métier, quel qu’il en soit, exige nécessairement la mise en application stricte des principes d’éthique et de déontologie auxquels les praticiens se doivent scrupuleusement de respecter lors de son exercice. Lesquels principes devant servir de boussole pour mener à bien les actions des praticiens, des professionnels du domaine. Peu importe le métier, pour s’assurer de son bon fonctionnement, il doit absolument être guidé par des principes découlant de sa charte, son code d’éthique ou de déontologie. Ce qui n’est pas non plus différent pour le métier de journalisme qui, certainement, est régi par son code de déontologie dans lequel se trouvent  les principes qui régissent le metier. Cette exigence s’explique en raison de la sensibilité dans la diffusion de l’information qui est un « besoin vital » pour le public, car nul ne peut vivre sans être informé ni sans informer.

Si pour le philosophe allemand Hegel, la lecture du journal est la prière du matin de l'homme moderne, alors l’information est une valeur ajoutée dans le quotidien de l'homme. Elle devient automatiquement un point important dans son agenda. De plus, si grâce à la Technologie de l’Information et de la Communication (TIC) l’accès à l’information devient monnaie courante, il est donc évident à ce qu’on mette de l’ordre dans la dynamique de transmission des flux d’informations diffusées par plus d’un (commun des mortels) ou par « certains journalistes ». Et sans oublier que ça couvre une large diffusion puisqu’avec l'apparition des réseaux sociaux, comme avance le théoricien canadien Marshall Mc Luhan dans son ouvrage "Pour comprendre les médias (1967)", le monde est interconnecté et devient un village global ou planétaire. L’information devient plus rapide et accessible à tous.

Le constat est patent. Le métier de journaliste en Haïti est mal vu, très mal perçu par le grand public. Il fait encore l’objet de débats et de confusion dans la tête de certaines personnes. Car, le comportement de certains journalistes d'opinion ouvre la voie à de nombreuses critiques. Leur manque de professionnalisme crée confusion et occasionne un désordre généralisé sur les réseaux sociaux où tout le monde se croit être journaliste ou journaliste d'opinion. Ils mélangent tout et participent dans tout. Toutefois, si l'on n'arrive pas à stopper ce désordre établi ou en vigueur, il est fort probable que l'opinion publique reste dans cette confusion. Certains médias ne jouent pas effectivement leur rôle ni ne remplissent leur mission qui est d’informer. C'est donc en ce sens que l'éminent sociologue français Pierre Bourdieu a produit des analyses critiques sur la télévision, qui devrait être un média d'information, mais qui se laisse plutôt obéir à des contraintes invisibles. Bourdieu (1995) affirme que le contenu télévisuel résulte d'une censure subtile consistant notamment dans la sélection des invités, les conditions de communication, la détermination du temps d'antenne... qui, aujourd'hui, n'est pas non plus différent dans la radio. C'est en quelque sorte la même pratique. Certains journalistes d'opinion priorisent telle ou telle personne sur la base d'une redevance ou d'un intérêt quelconque. Ils traitent les sujets avec beaucoup de subjectivité et de sentimentalité. Et c'est ce qui provoque souvent le mécontentement de certains leaders ou particuliers qui qualifient ces journalistes ou leaders d'opinion de “ti Sousou" “Machann Micro" “Restavèk" par défaut de professionnalisme.

Pourtant, comme le pense Deborah Potter (2009) le journaliste s’efforce de rester indépendant des personnes ou des organisations dont il parle. Il n’a pas à s’ingérer dans des affaires qui n’ont rien à voir à l’exécution de sa tâche. Il doit toujours garder sa distance en restant le juge impartial. Le journaliste consulte ses sources, vérifie et traite ses informations avant toute diffusion. Cependant, nous constatons que de nos jours l’information circule en boucle avec facilité sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et Whatsapp. Parfois, les gens publient méchamment n’importe quoi. Or, les réseaux sociaux représentent un grand espace ou un excellent moyen facilitant la libre circulation de l’information. Pour preuve, le commun des mortels, muni de son téléphone intelligent (Smartphone), a la libre possibilité de partager sans contrôle tout ce qu’il reçoit. Dans un clin d’œil, son message « vrai ou faux » est diffusé partout et arrive à destination voulu, sans tenir compte des dégâts que cela pourrait causer. Difficile alors de faire le distinguo entre information et/ou rumeur, car même le « soi-disant journaliste » à qui l’on devrait faire confiance participe lui aussi dans cette même bêtise.

De ce fait, si l’information c’est le pouvoir, peut-on alors confier cette tâche à n’importe qui ? On peut tout bonnement répondre négativement “NON”. L'information est quelque chose de sensible, il ne doit pas être permis à n'importe qui de détenir ce pouvoir. Toutefois, Haïti est l’un des pays où le journalisme est pratiqué par n’importe qui n'importe comment. Ce qui nous amène à remettre en question le niveau et la qualité de la formation que reçoivent ces praticiens, qui n'ont pas vraiment assez de notions concernant les droits et devoirs ni le respect des règles édictées et imposées par le métier. Donc, par ricochet, les institutions où cette discipline est enseignée méritent alors d’être questionnées, les associations des médias, les patrons ont tous leur part de responsabilité face au désenchantement du métier.

En fait, nous arrivons à un carrefour où nous nous demandons en qui et en quoi nous devons croire en matière d’information. Car n’importe qui peut diffuser n’importe quoi au temps voulu. Tout peut se dire et se passer librement. Tout le monde veut être journaliste. Nous assistons toujours à une lutte, une bataille pour la primeur de l’information. Ce qui incite alors les gens à partager au temps de fois possible n’importe quoi.

Nous n’avons franchement aucune intention de cracher sur quiconque ni faire la leçon à personne. Cependant, nous constatons avec dégoût à quel niveau de l'échelle se trouve le métier. Difficiles et incapables d'absorber ce désamour pour celui-ci, nous sommes donc obligés de produire cette réflexion. Ce qui importe à dire aux lecteurs en particulier, au public en général que le métier de journaliste est l'un des plus nobles métiers. Il permet d'agrandir la liste de grandes personnalités, de fréquenter sans grande exigence n'importe lieu social ou politique, d'informer les gens concernant les faits d'actualité, dissiper aussi les rumeurs en leur apportant des informations vérifiées et traitées. Donc, il revient aux praticiens de faire leur boulot avec tact et professionnalisme, pendant que les patrons des médias répondront également aux exigences, aux responsabilités que cela demande. Car le journaliste, pour éviter qu'il soit tenté par la compromission, doit avoir un salaire adéquat et l'accès également à certains privilèges ou avantages sociaux ...

 

Jean Marc Sénatus

Communicateur social

jnmarcsenatus@gmail.com

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