France

Le débat de l’entre-deux-tours, du déjà vu !

Le débat entre Marine Le Pen et le président Emmanuel Macron, le 20 avril dernier, n’a pas permis de se faire une idée précise des candidats, encore moins de voir plus clair dans leurs pro-grammes politiques respectifs. En revanche, on peut quand même voir qui des deux est le plus apte à occuper cette haute et noble fonction. Le président sortant a dominé son adversaire dans au moins dix domaines points.

Rien de nouveau sous le soleil. Comme en 2017, les arguments de Le Pen manquaient d’aplomb et de précision, surtout quand elle abordait le fonctionnement de l’économie française. Idem sur beaucoup de dossiers socio-économiques à part surfer sur la détresse des Français, dont le pouvoir d’achat, a, juge-t-elle, considérablement baissé pendant le quinquennat de Macron. Il se trouve que c’est dans le domaine économique que l’ancien ministre de l’Économie et des Finances était plus à l’aise. Il a pu faire preuve de sa connaissance parfaite de l’économie française. Il en connaît les leviers comme ses poches. Son ascendant sur son adversaire dans ce domaine n’a souffert d’aucune ambiguïté. Il aurait pu être encore plus cinglant, mais son conseiller en communication lui avait certainement suggéré de ne pas refaire 2017, donc d’être prudent sur le maniement des chiffres. Surtout qu’en tant qu’ancien président, on pouvait prévoir que sa contradicteure allait lui attribuer tout ce qui va mal dans le pays, même les choses dont il a hérité. Et de fait, elle n’a pas manqué de parler de la paupérisation des revenus modestes.

 

La prime au sortant a aussi joué en faveur du président-candidat qui n’a cessé de mettre en avant ses réussites économiques et sociales et qu’il compte bien poursuivre pendant les cinq prochaines années « si le peuple français lui fait confiance ». À chaque réplique de l’adversaire, il lui renvoie à la réalité des chiffres. Le Pen avait aussi ses propres chiffres pour appuyer ses arguments contre le bilan Macron. Statistiques que Macron démentait tout de suite. C’était la guerre des chiffres. 

 

Dans le domaine de la diplomatie, Macron en imposait aussi. Il a pu, il faut le reconnaître, en 5 ans acquérir une expérience en la matière. Abordant ce domaine, il en a profité pour lancer une pointe acérée à la candidate d’extrême-droite pour sa politique douteuse avec le maître du Kremlin, Vladimir Poutine. Elle a eu jusqu’à présent une politique pro-russe et maintenant elle s’aligne sur l’opinion publique qui condamne l’agression contre l’Ukraine. Sincère évolution ou souci purement électoraliste ? Les Français qui lui sont hostiles ont tendance à pencher pour la deuxième hypothèse.

 

Sur le dossier européen aussi, le nationalisme de madame Le Pen a été mise à rude épreuve. Lorsqu’elle avançait ses arguments relatifs à la nécessité de protéger le marché français, son challenger lui rappelle que l’appartenance de la France à l’Union européenne permet à des millions de Français de traverser les frontières pour aller travailler. Cette mobilité met en échec la question de la préférence nationale à laquelle l’extrême droite est fortement attachée ; d’où d’ailleurs son souhait de transformer cette Union en une « Europe des nations ». Ce projet d’alliance de pays européens que certains qualifient de « Frexit caché », marque un changement de projet par rapport à 2017 où elle voulait sortir purement et simplement de l’Union européenne.

 

Dans le dossier du fonctionnement des institutions, le président sortant était plus structuré, plus à l’aise, en particulier sur la relation entre celles-ci et l’appartenance de la France à l’Union européenne. Populiste, Marine Le Pen veut changer la Constitution de la Cinquième République et « donner le pouvoir au peuple » en recourant au référendum. Macron lui a fait savoir que le peuple est déjà représenté au sein de l’Assemblée nationale et la soupçonne d’avoir l’intention de ne pas respecter la Constitution.

 

Même dans son domaine de prédilection qu’est l’immigration, la fille de Jean-Marie Le Pen n’arrivait pas à donner le change. Souvent contradictoire dans les chiffres qu’elle avançait et parfois évasive. Depuis 1988, la question du foulard islamique est omniprésente dans les débats politiques en France. Cette version de 2022 a eu le mérite d’être claire. Marine Le Pen annonce qu’elle va interdire le port du voile islamique dans l’espace public « afin, affirme-t-elle, de lutter contre l’islamisme ». Macron lui a fait remarquer qu’une telle mesure est contraire aux lois de la République et que « la France deviendra le seul pays au monde à interdire le foulard dans les lieux publics ». Il rappelle en outre que la loi sur la laïcité de 1905 n’interdit pas les religions. Il pense même qu’avec cette interdiction, Le Pen va engendrer une « guerre civile ». Même quand elle affirme ne pas confondre islam et islamisme, elle le fait quand elle lie « voile » à « islamisme » et « terrorisme ».

 

Les fameuses affaires n’ont pas été évoquées de part et d’autre. Sauf le scandale du prêt contacté par Le Pen dans une banque proche du Kremlin évoqué par Macron lorsque les deux candidats ont été interrogés sur la guerre en Ukraine. En réplique, elle a évoqué les rencontres de Macron avec le numéro un russe, Vladimir Poutine ; mais il s’agit de rencontres officielles de chefs d’État et non d’allégeance en raison d’une éventuelle dépendance financière, rappelle Macron, comme c’est le cas pour elle. Bien que Marine Le Pen ait lancé une pointe sur l’affaire McKinsey qui a défrayé la chronique ces dernières semaines, elle n’y est pas restée là-dessus. « Ah, ça y est, je l’attendais celle-là, a  lancé Macron ironiquement. Vous avez mis du temps, Mme Le Pen ! ». Parlant de la réforme du président consistant à payer les professeurs en fonction des résultats de leurs élèves, elle a lancé, cinglante, : « Je ne sais pas si c’est McKinsey qui a proposé cela ! ». McKinsey est un cabinet de conseil auquel le gouvernement a souvent fait appel afin de prendre certaines décisions en connaissance de cause. On reproche au gouvernement de n’avoir pas utilisé de préférence les fonctionnaires. Dénoncée par une commission sénatoriale, cette affaire est considérée comme un caillou dans les chaussures du président, d’autant plus que ce cabinet de conseil assujetti à l’impôt sur les sociétés en France n’a rien payé depuis dix ans alors que son chiffre d’affaires a atteint quelque 329 millions d’euros.

 

Toujours est-il qu’on ne saura que dimanche l’effet de ce duel télévisé. Les Français voteront-ils pour celui qu’on appelle « le candidat des riches » ou pour la candidate du repli franco-français ? Suspense !

 

Maguet Delva

 

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