Souveraineté alimentaire, démocratie et progrès social en Haïti : Quelques lignes d’action

Qui a demandé au peuple son argent pour en faire le plus insolent gaspillage, se refusant à consacrer à la civilisation du peuple, le sang et la sueur du peuple ?

Edmond Paul

Le Salut de la société, 1869

Sans une politique positive et courageuse de conservations de nos ressources naturelles, sans une révolution dans notre politique agraire, notre agriculture est condamnée, nos institutions sont condamnées, la Nation en son ensemble est condamnée.

Anthony Lespès 1945

Existerait-il quelque chose de plus important que les besoins fondamentaux du peuple haïtien ? En premier lieu, le boire et le manger grâce au travail correctement rémunéré ?

Pour certains, Oui. La démocratie représentative accompagnée d’élections à répétition sous l’œil vigilant de « l’aigle ». Selon le vœu des « maîtres du monde ». Peu importe la faim ! Que vivent les élections envers et contre tout. Plus encore, envers et contre tous.

Un pouvoir politique qui permet de s’enrichir en mode exponentiel, sans trop d’effort. Selon la prière d’une cinquantaine de famille de brasseurs d’affaires locaux.

Quelle est donc cette démocratie qui place le « vote » à l’occidental bien avant la satisfaction des besoins fondamentaux d’un peuple ? C’est la nouvelle religion, le nouveau dogme du capital, le nouveau slogan du jour, antichambre de la modernité : élection ou la mort.

Pourtant, au cours de notre histoire de peuple indépendant, les sociétés paysannes choisissaient leurs conducteurs comme « une société élirait son président » rappelait Paul Moral. Le modèle le plus évident de démocratie. En ce temps-là, le pays comptait environ 90% de paysans.

Mais ce modèle duquel nous aurions dû nous inspirer, n’est pas le bon, (selon les maîtres du système) puisque ne dérivant pas des méthodes des GRANDES

DEMOCRATIES. Pire, ce modèle ne nous permet pas de nous mettre vingt citations sous la dent, parmi celles des plus grands penseurs des « sociétés modèles ».

Bien sûr, pas de citations, pas d’écriture, pas de modèle.

Ce changement de paradigme aurait forcé ceux qui se piquent de lire dans les lettres fines, à réfléchir avec leur propre tête. « Mennen koulèv la lekòl se youn, fèt l chita se de ».

Alors, on continue à danser sur le volcan, pour paraphraser Marie Vieux Chauvet.

Peu importe qu’un peuple meure de faim, pourvu que des « joutes électorales civilisées » soient organisées. Un peuple qui a élu ses « représentants » au moins peut mourir satisfait.

Pourtant un 29 mars, ce peuple par centaines de milliers avait défini dans les grandes lignes sa soif d’un nouveau pays, d’un nouveau vivre et manger ensemble et mieux.

Aussi pourrait-on sans trop se tromper, définir les tâches incontournables du jour :

1- Une Réforme agraire nationale sans délai, qui tienne compte des besoins des producteurs selon les spécificités régionales, en : terre à travailler et à sécuriser, irrigation, crédit agricole, routes agricoles, subventions de l’État, encadrement divers et débouchés sûrs, sans oublier les urgences circonstanciées.

2- De nouvelles et immédiates politiques agricoles et économiques pour : a)réviser le tarif douanier en alignant à la hausse (entre 40 et 100 %) tous les produits dont les tarifs rabaissés ont provoqué la ruine des agriculteurs haïtiens comme le riz, le pois, les oeufs, le lait, le maïs, la banane, l’huile de cuisine, etc. mais également la ruine de l’industrie locale ; b) contrôler sérieusement la frontière avec la République dominicaine puis établir de véritables politiques frontalières eu égard à la population de cette frange du territoire ; c) Interdire par tous les moyens l’importation d’éthanol et de tous les produits nocifs, soit pour l’économie haïtienne, soit pour la santé des Haïtiens ;

3- Impulser vigoureusement l’apprentissage des métiers et professions liés à l’agriculture, la pêche, l’élevage et l’apiculture ;

4- Réduire au fur et à mesure l’importation des pèpè jusqu’à leur complète disparition sur 5 ans et relancer les corps de métiers dont la coupe et la couture masculine et féminine, la cordonnerie, la maroquinerie, l’ébénisterie, etc.

5- Mettre sur pied des ateliers régionaux de production d’outils agricoles et de technologie appropriée liée à l’agriculture, la pêche, l’élevage, l’apiculture, et aux petites industries de transformation.

6- Veiller à la création massive d’emplois rémunérateurs dans l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’artisanat, ainsi que dans l’industrie de transformation.

7- Impulser la production d’électricité en faveur des secteurs productifs clés de l’économie, en nous appuyant notamment sur la construction de petits barrages à travers le pays, la transformation de la bagasse et d’autres déchets, l’énergie solaire et l’éolienne, etc

Bien entendu, nous interdisons formellement que les dirigeants haïtiens viennent nous rabâcher leur éternel discours de manque de ressources pour ne rien faire ou faire si peu. Nous leur rappellerons que :

1- Les taxes prélevées sur les envois d’argent venus de l’étranger et les appels téléphoniques ont fourni durant les cinq dernières années US 510 (cinq cent dix) millions aux caisses de l’État haïtien.

2- Les accords Pétro Caribe ont mis à disposition de l’Etat haïtien, pour ses besoins d’investissements, entre 2011 et 2014, des montants annuels, de l’ordre de US 320 millions environ. Ces fonds ne se sont pas envolés en fumée. Comme le rappelle la sainte bible « Cherchez et vous trouverez ».

3- Le gaspillage éhonté des fonds publics sous les rubriques les plus farfelues est tout bonnement condamnable.

4- L’argent du peuple haïtien volé/ détourné/blanchi sous des formes diverses, ici et dans des banques étrangères, constitue des fonds à récupérer et à rendre disponibles sans retard pour les projets susmentionnés.

 

Myrtha Gilbert

Ecrivaine, chercheure

avril 2016

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