Le Plan d'Ajustement structurel, en plus des conséquences sur le culturel, le social et l'économie, quelle conséquence sur la génétique ?

Haïti fut contraint de signer l’accord sur le libre-échange dès la fin du XXe siècle, connu sous le nom « Plan d’Ajustement structurel (PAS) des marchés », sous les menaces de quelques institutions financières internationales, dénonce de nombreux penseurs haïtiens, dont Georges Eddy Lucien, Yves Despinas, pour ne citer que ceux-là. Mais en réalité, c'est l’impérialisme qui a imposé au pays son adhésion au programme, puisque l'histoire contemporaine nous montre que ces institutions financières sont sous le contrôle total de l’impérialisme occidental. L’impérialisme l'ont toujours utilisé pour imposer leurs caprices aux petits pays, selon un numéro du Grenoble École Management paru en 2012.

En se référant à la pensée marxiste de Gonidec Pierre François, sur le plan international, des accords comme le PAS sont le fruit des rapports de force entre les États. Il n’y a ni justice ni équité dans ces rapports, donc ils ont reposé seulement sur la capacité (puissance) de production. Des pays du tiers monde comme Haïti qui n’ont pas ou une capacité de production massive, ont souffert de la loi du plus fort. Car ces accords sont l’établissement de jungles commerciales où la loi du plus fort règne. Puisqu'en règle générale, les petits pays sont incapables de concurrencer les géants agroalimentaires du monde, en revanche ces géants n'ont pas cessé d'envahir le marché de ces petits pays.

Le Plan d'Ajustement structurel (PAS), au départ, prétendait ajuster les marchés mondiaux, sous l’obédience de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), or en terme de résultats le marché local est pris en otage, la production agricole locale est absorbée par la production étrangère, et les paysans haïtiens sont donc engloutis. Constatant de pareils faits dans le monde, Grenoble École Management arrive à conclure que, les États Nord-Américains et Européens  établissent leurs institutions internationales, pour qu’ils puissent contrôler le marché agroalimentaire et son environnement réglementaire à travers le monde. Point de conciliation entre la morale et le réalisme politique dans les relations internationales, rapport auquel cherche à établir Stanley Hoffman en 1971, à travers l’un de ses ouvrages.

J'en doute

Sur le plan socio-économique et culturel, les dégâts causés par la libération du marché haïtien sur la société, ils sont flagrants et énormes. Certes il est bon d’insister sur les impacts immédiats de ce plan, mais aussi faut-il penser aux conséquences futures du projet. Ainsi j'essaie de proposer cette réflexion pour comprendre les potentielles conséquences du Plan d’Ajustement structurel dans le long terme, sur la nation haïtienne. Une réflexion qui est inscrite dans la continuité de la conception faite des historiens sur l’impérialisme. Conception selon laquelle, les historiens expliquent que « l’impériale » établisse toujours un rapport de dépendance continue avec sa colonie ou sa « demi-colonie ».

À ce propos, si pour les historiens, la relation de dépendance entre « l’impériale » et la « colonie » est justifiée seulement à travers des liens sociaux, culturels et économiques, quant à moi j'en doute que le lien ne soit pas plus profond. Et je crois qu'en plus des facteurs auxquels insistés les hommes de l'histoire, il y a la possibilité de détourner la machinerie biologique des hommes en vue de non seulement garantir une relation de dépendance, mais aussi pour pérenniser leurs marchés. À travers des démarches théoriques, on essaie de bien comprendre cette réalité.

Le point sur l’impérialisme

Partant d'une conception inspirée du Marxiste-Leniniste, on croit que l’impérialisme est l’apogée du capitalisme, donc la dernière étape du système d'exploitation. Selon cette théorie, l’impérialisme se préoccupe à étendre son hégémonie dans le seul but d'occuper beaucoup plus d’espace géographique qui, leur permettant d'écouler des produits, maximiser les profits et ainsi augmenter le capital. Cette théorie est construite a priori sur le mode de production capitaliste et les procédés pour élargir le marché de l’offre et de la demande, mais a-t-elle négligé le principe de la domination, affirme-t-il Rosa Luxemberg. Du fait de cette lacune constatée par certains penseurs, la théorie Marxiste-Leniniste a fait l'objet de vagues critiques par des théoriciens aux temps modernes.

C’est ainsi pour d’autres catégories de penseurs, tels que des historiens, une conception un peu plus nuancée est faite de l’impérialisme par rapport à la théorie de Lénine. D’abord, ils ont défini ce système comme le rapport de « l’impériale » à une « colonie » ou à une « demi-colonie », selon Luxemberg. Rapports auxquels « l’impériale » cherche à maintenir non seulement pour élargir le capital, mais aussi en vue d’assurer la domination des habitants de la « colonie » ou la « demi-colonie » par diverses stratégies, en les rendant dépendants de « l’impériale ».

De toute façon, du stade de l’esclavage à l’impérialisme moderne, cela a été toujours une affaire d’exploitation d’un peuple par un autre peuple. Pour que l’exploitation soit continue, des fossés ont été créés entre les peuples et en retour les fossés garantissent l’exploitation des peuples par les puissances du monde.

Sur les conséquences du libéralisme commercial en Haïti, la culture et le social n’y échappent pas

Des analyses concordantes ont été faites par divers théoriciens sur le désastre causé par le plan néolibéral en Haïti, différentes conséquences ont été fait ressortir comme la bidonvilisation, la migration interne et externe entre autres. Et on croit que ces phénomènes ne sont pas homogènes, ils sont donc liés à d’autres phénomènes que provoque le libéralisme commercial dans le pays. En ce sens pour certains penseurs, en dehors de la déstabilisation de l’économie haïtienne qu'a causée le plan néolibéral, il affecte aussi le spectre culturel et social de la société haïtienne : la dénaturation des « Lakous », par exemple.

Pour le Dr Alix Daméus (2011), les « Lakous » qui ont été « des creusets d’imaginaires », sont remplacés par des exploitations agricoles, des prétendues unités économiques, alors qu'elles sont concrètement des minifundia et  n'ont pas un effet significatif dans l’économie rurale. La notion d’exploitation agricole inculquée dans le pays est celle de l’idéologie capitaliste, puisque l’idée même de l’exploitation agricole c'est de changer la nature socioculturelle des « Lakous » en nature économique. Et du fait de cette transition, en conséquence, une source d’imagination sociale est disparue, car les « Lakous », poursuit l’auteur, ont été « des sources de reproduction sociale » ; les « Lakous » avaient une structure culturelle et sociale qui faisaient d’eux des éléments socioculturels importants, pour l'instant qui ne sont plus. En effet, la destruction de ces « creusets d’imaginaire » sous le coup du plan néolibéral, est considérée comme un des facteurs déclencheurs de la d’échéance de l’être haïtien, sur le plan culturel.

Mais en dehors de la d’échéance de l’être sur le plan culturel, le libéralisme commercial n'aurait-il pas de conséquences dans le long terme sur le patrimoine génétique de la nation, tenant compte que les êtres humains sont susceptibles aux mutations génétiques,  sous l'influence de différents facteurs ?

La complexité génétique des organismes humains : L’expression des gènes et la mutation génétique

Généralement, une distinction nette voire une opposition frontale existe entre ces deux (2) notions : celles des caractères acquis et celles des caractères innés. De manière succincte, la première notion fait penser à un processus d’apprentissage social de l’homme et la deuxième quant à lui, fait penser à ce qui est prédéterminé, donc qui est indépendant de l’homme et elle est inchangeable. En toute évidence, une dichotomie conceptuelle est établie entre ces deux (2) caractères, il y a longtemps et elle persiste encore, rapporte Gloria Origgi (2006). Cette nuance provoque des débats, suscitent des recherches et certains arrivent à la conclusion qu’il y a une interrelation entre la génétique et la culture. C’est-à-dire, ils prétendent que les évolutions génétiques peuvent influencer la culture humaine et la culture humaine peut aussi influencer les évolutions génétiques. Cependant dans cette affaire, le deuxième cas pose beaucoup plus de problèmes que celui du premier pour les tenants de cette idée.

Pour comprendre cette potentielle interrelation que tissent le culturel et le naturel (gènes), il faut aussi comprendre l’organisation génétique de l’organisme humain. C’est-à-dire avoir une solide compréhension du génome humain, donc le séquençage des  gènes qui sont au nombre de 30000 existant dans l’ADN humain, Gloria Origgi (2006). Honnêtement, tous ces travaux sont le fruit de ceux du moine autrichien, Gregor Mendel. À travers leurs siens, on a pu réaliser que les caractères qui définissent un organisme vivant est sous le contrôle des facteurs cachés et déterminants l’héritabilité par les lois combinatoires. Et, ce sont des facteurs appelés « gènes », terme créé par Wilhelm Johannsen ; ils seraient responsables de la transmission des caractères des ascendants aux descendants, Fleur Toulemonde-Darre (2007).

Des fragments d’ADN qui sont appelés gènes, ils sont susceptibles d’être mutés. C’est-à-dire modifiables sous certaines conditions. La mutation des gènes est d’abord le résultat d’erreurs de réplication et des lacunes du système de réparation du génome. La cause de la mutation des gènes peut être réalisée de part de l’exposition de la cellule à des mutagènes présents dans l’environnement de celle-ci ou qu’ils soient produits par l’environnement de la cellule. Quant à la duplication de l’ADN, indique Eichler, elle est un phénomène très général, elle est une forme de remaniement chromosomique. À cet effet, l’ADN produit une copie d’elle-même. Au clair, la duplication du génome, implique la duplication de chacun des gènes et qui permettrait aussi la divergence de chacune des copies des gènes présents dans l’ADN. Donc, la duplication du génome est une source de nouveautés génétiques et de la complexification de l’organisme vivant, Fleur Toulememonde-Dare (2007). Aussi, l’expression d’un gène peut être donc inhibée par la présence d’autres gènes, de facteurs environnementaux, des facteurs culturels et d’autres facteurs de régulation. Lors de la duplication de l’ADN, certaines séquences dupliquées ont conservé la fonction originale et d’autres ont acquis de nouvelles fonctions ou une perte de fonction est observée, ses expressions sont donc modifiées, Ernst Mayr (1963). En plus des éléments cités plus haut, les contraintes qui pèsent sur l’évolution des gènes provoquent l’apparition de nouvelles fonctions qui, peuvent être complémentaire ou différentes à celles de leurs ancêtres, selon le modèle de la néo-fonction, ainsi certains gènes peuvent être aussi créés.

Indirectement, les habitudes et les traditions peuvent aussi faire partie des contraintes qui peuvent peser sur l’évolution des gènes humains. C’est-à-dire, elles provoquent des effets sur le cours de l’évolution de nos gènes. Car, dans un environnement où les manières d’agir de l’homme sont peu variées, le taux de mutation le plus faible est sans doute toujours sélectionné ; dans la réplication les gènes sont fidélisés. Quand l’environnement change pourtant, les organismes ont un taux de mutation plus important. Ils s’efforcent d’avoir une adaptation plus vite à ce nouvel environnement, et économiser le coût de la fidélité de la réplication, Evelyne H. (2020). Ainsi donc, des expériences montrent que le taux de mutation de certains organismes peut s’adapter très rapidement en fonction des conditions environnementales. En effet, la fidélité de la réplication est une propriété évoluée et une adaptation des organismes, Gloria Origgi (2007).

Les habitudes, les mœurs, les coutumes et la tradition, sont-elles des facteurs de modification génétique ?

L’homme, par son mode de vie, il modifie  son environnement et en retour dans certains cas, il est forcé d’adapter à ce nouvel environnement modelé. C’est le cas particulier de l’alimentation. Donc, le choix particulier d’une alimentation ou autre facteur dû à des habitudes ou à la tradition, c’est-a-dire adopté par choix culturel, ont entraînée la sélection par la mutation et qui ont permis aux populations de s’y adapter sur une période de temps donné. Des recherches prouvent que, ce processus est lent, mais il est effectif sur des centaines de générations. On voit donc bien que dans la mesure où le choix culturel, le régime alimentaire se poursuivent, cette transmission est faite de génération en génération, Évelyne Heyer (2020).

Nutrition et modification de l’expression des gènes

En s’enfonçant dans le domaine de la nutri-génomique, on a appris que la plupart des nutriments ont la capacité de modifier l’expression des gènes humains. Ils peuvent induire un ensemble de modification chimique et qui garde une certaine stabilité, bien que réversible chez l’ADN. Mais il faut aussi dire qu’ils ne peuvent pas modifier l’ADN, c’est la modification épi-génétique. Cependant, pendant longtemps, ces épi-mutations ont été prises pour irréversible, au cours de la vie d’une personne du fait de leurs  caractères stables et on peut les analyser sur une période de 5000 ans. Ce phénomène, c’est une mode de régulation qui rend disponible un système « d’allumage » et de « verrouillage » chez la cellule. Et, de manière générale, pour Walter Wahli (2013), dans Futura-Science, c’est un moyen pour que la cellule puisse garder les traces d’événements qui marquent la vie d’un organisme, et particulièrement au cours de la vie fœtale et dans les premiers temps de la vie postnatale. Elles peuvent alors être transmises d’une génération à l’autre. Cependant, les recherches ont montré qu’elles sont réversibles au moyen des nutriments capables d’induire ou d’effacer ces épi-mutations. Certains composants des aliments (Acide gras, vitamines, oligoéléments) agissent comme des signaux, contrôlant l’activité des gènes et détermine le polymorphisme génétique.

Le cas de la population d’Inuits est pris pour exemple type. Elle avait une alimentation riche en mammifères marine et qui donc contient beaucoup d’acide gras. En les étudiant génétiquement, on voit qu’il a eu de la sélection pour une mutation de gènes FADS1. Ce gène facilite la digestion des corps gras de type Omega-3. Autrement dit, les individus qui grâce à cette mutation digèrent mieux cette nourriture grasse se sont reproduits, ont mieux survécu et ont mieux transmis cette mutation particulière. Au fil des générations, la généticienne Evelyne Heyer (2020) explique, cette mutation a augmenté en fréquence et est maintenant portée par tous les Inuits. Et, cette mutation est due à une habitude de consommation.

Cependant, l’exemple le plus parlant est certainement celui de la digestion du lait et plus précisément du lactose, le suc du lait. Cette démarche lie alors la période de la domestication, ainsi que l’évolution des pratiques d’élevage, de la nutrition des nomades et de la modification génétique de l’homme de manière importante, Nicolas C. (2009). Les pressions de la sélection naturelle s’exerçant donc sur le patrimoine génétique de certaines populations humaines. L’hypothèse la plus répandue pour expliquer la répartition de ce gène entre les différentes populations humaines fait intervenir une pression de sélection naturelle, qui s’exerce dans certaines populations ayant une longue tradition de consommation des produits laitiers. Des pressions de sélection de l’ordre de 3 à 5 %, insiste Flatz (1987), s’exercent durant moins de 6000 ans peuvent expliquer la répartition de ce gène en Europe, par exemple.

Les historiens Gerbault et Rofflet-Salque (2017) ont apporté aussi leur lumière au sujet de l’intolérance au lactose. Pour eux, la répartition géographique de ce phénomène type de « persistance de la lactase », retrouvé chez les adultes est corrélée avec des pratiques ancestrales, particulièrement du pastoralisme et de la traite laitière. Les auteurs croient que ce phénomène de « persistance de la lactase », est héréditaire et est provoqué par des changements de nucléotides dans la séquence d’ADN du génome humain, en alimentant le lait de manière permanente, à cette époque. Car, l’accès au lait a été possible grâce à la domestication des vaches, des chèvres et des brebis, une des anciennes pratiques qui a débuté dans l’antiquité.

Conclusion

La dépendance alimentaire d’Haïti des géants agroalimentaires du monde survient après avoir soumis le pays formellement au libéralisme commercial. En conséquence, hormis de la dévastation économique, des effets destructeurs sur la culture et sur le social sont observés. Mais en plus de ces problèmes, d’autres problématiques sont plausibles, peut-être dans un avenir lointain, c’est par exemple le phénomène de l’épi-mutation génétique. Épi-mutations génétiques, comme phénomènes sont évoquées, parce qu'elles peuvent être transmises de génération en génération et effectives sur des centaines d’années. L'épi-mutation génétique certes, elle est un phénomène réversible sous certaines conditions, mais la « rétention intergénérationnel » des variations génétiques au sein d’une population impliquera aussi « la variation des traits culturels » ; des changements d’habitudes seront donc provoqués, c'est ce qu'on appelle la transmission des facteurs développementaux. Avec ces variations, le marché de l’impérialisme restera fortement stabilisé dans le monde des pauvres (Haïti). Dans de tels contextes où les pays du Nord domestiquent les pays du Sud, Haïti pour protéger l’être haïtien dans toutes les dimensions du concept, face au projet de « l’impériale », n’a-t-elle pas nécessiteux d’un État visionnaire, fort et souverain ?

Par Lopkendy JACOB, Libre Penseur, Agronome.

lopkendyjacobrne@gmail.com

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Notes de références

Alix Daméus et al. (2011). Le processus de tertiarisation de l’économie haïtienne. Études caribéennes. En ligne.

Evelyne H. (2020). L’odyssée des 7 milliards d’années d’histoires de l’humanité révélées par l’ADN. Editions FLAMMARION.

Fleur T.D. (2007). Structure, évolution et expression de gènes « chimériques » spécifiques des Primates. Biochimie. Université Nice Sophia Antipolis.

Gerbault P., Rofflet-Salque M. (2017). Histoire de l’utilisation des laitages et de la persistance du gène de la lactase. Cahier de nutrition et de diététique.

Gloria O. (2006). Gènes et culture. Dictionnaire du Corps. PUF, Paris.

Mayr E. (1963). Espèces animales et évolutions. Dans les presses de l’Université Harvard.

Nicolas C. (2009). Théories darwiniennes de l’évolution culturelle: modèles et mécanismes. Département de Philosophie. Université Pierre et Marie Curie - Paris VI.

Luxemberg R. (1972). Œuvres  IV : L’accumulation du capital. Petite collection Maspero, Paris.

CLES (2012) : Notes d’analyses géopolitiques. https://notes-geopolitiques.com/geopolitiques-de-l-agriculture-un-enjeu-politique-et-commercial-majeur/

Via Campesina (2007). Forum sur la souveraineté alimentaire. Article publié sur  https://nyeleni.org/spip.php?rubrique4

Wahli W. (2013). Liens entre les gènes et les aliments. Article publié sur https://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/genetique-nutrigenomique-votre-assiette-1570/page/5/.

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