L’impérialisme au chevet d'une agriculture légendaire en Haïti

Dans des sociétés comme la nôtre, souvent certains ont pour habitudes de faire siennes les idées des autres, sans en prendre connaissance en conséquence, qui pis est, sans analyser les propos adhérés. Ils ont seulement répété, ils sont d’abord des suiveurs.

Dans la société haïtienne, les mieux instruits n’expriment pas souvent leurs idées dans les débats publics spécifiques, même s’ils étaient scientifiques. Soit le fait est voulu ou les canaux de transmission nécessaires ne sont pas à leurs dispositions. Cela peut être également perçu comme l’objet d’une paresse cérébrale, et donc la fonction de l’intellectuelle n’est pas remplie. Ce comportement éprouvé par certains ou la faute de moyens pour d’autres rend des pauvres discours tiennent place de ceux qui devraient être, le plus souvent.

C'est dans cette même dynamique que certaines idées démodées, passéistes ne cessent de rester en vie dans la société haïtienne, donc les discours sont peu évolués. C'est pourquoi l’économie haïtienne est encore considérée comme une économie primaire, car, jusqu’ici Haïti est qualifié de pays essentiellement agricole. Or, dans le pays, le secteur primaire qui est presque enveloppé par l'agriculture, la pêche, la sylviculture et l’élevage représente environ 20 % du PIB national. C'est le deuxième secteur d'activités en terme de PIB après le secteur tertiaire indique BRH (2016), écrit FAO dans une publication sur son site internet. Et ce secteur emploie 50 % de la population active, selon les données publiées par FIDA à travers son site internet. Par ailleurs, suivant les données du Ministère de l'Agriculture de (2010), retrouvées sur le site internet de la FAO, la population des exploitants agricoles est estimée à 1 million de personnes. Mais de toutes les façons, il y a un phénomène de revirement qui s’opère dans l’économie haïtienne. Entre deux siècles, le PIB du secteur primaire tombe de 95 % à 20 % au profit du secteur tertiaire. C’est d'ailleurs l'observation de plusieurs chercheurs haïtiens, dont Alix Daméus et al. (2012), d’où ils écrivent « le processus de tertiarisation de l’économie haïtienne ». En plus du faible tranche que représente le secteur primaire dans l’économie haïtienne en terme de PIB, sans compter le poids de l’importation des produits agricoles et alimentaires dans la balance commerciale du pays qui représente soit 55 % des produits alimentaires consommés, selon une publication de la FAO, tenter d'aborder le sujet sur l'angle alimentaire, les données existantes ne reflètent pas le discours propagé sur l’économie haïtienne. Selon les données de la Coordination nationale de la Sécurité alimentaire (CNSA) de 2022, plus de 4,5 millions de personnes, ce qui représente plus de 40 % de la population,  vivaient dans l’insécurité alimentaire aiguë. Le pire, bon nombre de ceux qui souffrent de la faim sont de la population rurale.  Par exemple, dans le département du Nord-Ouest d’Haïti il y a un désert alimentaire qui sévit, ce qui nécessite des actions urgentes. La chute de l’économie primaire est parce que, en Haïti, économie qui tire son origine dans la paysannerie puisque le rural est le berceau de l'agriculture, la population agricole connaît une décroissance sans faille, surtout à la fin du XXe siècle. Ce dégonflement est dû à plusieurs facteurs, dont la dégradation des conditions d'existence sociales dans la paysannerie, de l'environnement, et des facteurs politiques, économiques, technologiques, ce qui a pour conséquence le gonflement des villes et des centres urbains du pays.

En effet parce que les faits sont expliqués par le réel, et on ne veut pas renoncer à certaines idées, on fait de l'agriculture haïtienne un élément légendaire dans l'histoire du peuple.  C’est surtout un déterminisme simpliste qui tend à ignorer les réalités auxquelles est confronté le pays, mais celle de l'agriculture en particulier. Cependant, il serait bête d'ignorer que l’agriculture a été le moteur de l'économie haïtienne pendant une longue période, mais contrairement aux récits historiques, les contextes changent, et la géographie agricole du pays subie aussi de modifications. Selon le Ministère de l'Agriculture (2010), 60 % de la population active sont des agriculteurs et/ou des travailleurs agricoles contre près de 80 % au cours des années 1950, selon Gérard Pierre-Charles (1993). Même si qu’on croit les données du ministère n’expriment pas fidèlement la réalité, il y a quand même une baisse considérable dans la population agricole. Les terres cultivables s'élevaient à 650 000 ha (23,47 % du territoire), selon le bulletin statistique, repris René Laroche (1960), cependant d'autres parlent d'un million d'hectares de terre, selon la même source. Par contre, pour la Banque Mondiale (2020), 30,8 % du territoire sont des terres arabes, bien qu’arabe ne veut pas dire cultivable dans une certaine mesure, tandis que seulement 20 % de la superficie du territoire sont cultivées, et seulement 4,3 % des terres agricoles sont irriguées dans le pays. Ces réalités ne sont pas exclusives à Haïti, mais plutôt des réalités planétaires. Dans le monde, une faible proportion de terres émergées est cultivée, soit environ 22 %. Et la non-exploitation de ces terres, elle est caractérisée par faute d’aménagement, de financement agricole et accès à l’eau douce qui est indispensable à l’irrigation des terres, c’est la réalité des pays du Sud, souligne Grenoble École Management (2012). Mais il est nécessaire de dégager l'autre aspect du caractère légendaire créer autour de l'agriculture haïtienne. C'est celui de croire implicitement que le développement du pays doit passer d'abord par l'agriculture, cette agriculture si archaïque, sans penser à l’amélioration de l'environnement social de la paysannerie et exiger la justice sociale pour les paysans. On ne s'occupe pas de la manière de pratiquer l'agriculture, mais ce qui est important c’est de promouvoir à tout prix un retour à la terre, peu importe les conditions de travail, afin de retrouver l'autosuffisance alimentaire et remonter l’économie haïtienne.  Malgré irréaliste cette affaire, une promotion virale est faite en ce sens. C'est quand même bête ! Les partisans de cette idée offrent cette forme d'agriculture, dépassée par le temps, comme une alternative nationale. Néanmoins, cette vision semble en quelque sorte un bricolage des idées reçues. Toutefois l'allégorie de la caverne illustrée par Platon nous exhorte à garder distance aux apparences ainsi qu’aux idées reçues, n’est-il pas bon de se démarquer de ces genres de discours ? Car, le discours qui est véhiculé sur l’économie haïtienne peut être perçu pour un slogan qui poursuit sa course, parce que l'image qu'on fait d'Haïti pourrait être interprété comme une démarche qui tend à peindre une réalité, puisque concrètement les choses évoluent tandis qu'on ignore les changements qui se sont opérés.

Degré de développement des pays reflète les politiques économiques

Dans le domaine de l’économie, en général, « chaque pays dans le monde a adopté un modèle d’organisation économique et faire des choix axés sur des critères définis. Et, différentes activités de production de biens et de richesses sont développées dans de pays ; des grandes lignes économiques sont définies suivant des ressources disponibles ainsi que des stratégies de production pour faire asseoir leurs économies », afin d’assurer l’existence matérielle des peuples. C’est donc en partie une stratégie de la politique économique, car nous parlons ici de la production. « En conséquence, certains pays ont développé une ou plusieurs activités économiques dépendamment de leurs ressources, de leurs potentialités et/ou de leurs objectifs assignés. Ainsi le tourisme, la technologie, l'agriculture et l’industrie sont entre autres des secteurs d'activités développés par certains pays dans le monde ». Mais dans les pays sous-développés, on a surtout présenté l’agriculture comme la véritable alternative pour réduire la pauvreté et pour promouvoir le développement. Cette approche, elle est à la fois anthropologique et psychologique, elle se révèlerait d’une très grande signification, puisque nourrir est l'un des besoins de base (essentiel) de l'homme, c'est donc l'instinct de survie d'un peuple. Mais, si on pousse la réflexion un peu plus en profondeur, cette affaire de présenter l'agriculture comme l'activité non négligeable des pays pauvres est celle d’un modèle économique imposé par la réalité du développement industriel dans le monde. Si on considère le modèle économique des pays développés, comme celui des États-Unis d’Amérique, par exemple, l’agriculture occupe seulement les deux (2) % des actifs dans l’économie, pourtant il est l’un des géants de l’industrie agroalimentaire du monde, et 6 % des agriculteurs suffisent pour nourrir la population entière parce qu'ils font de la science et la technologie deux outils indispensables à la production. Ils prennent en compte le progrès humain. Il y a plus de deux siècles, faudrait-il quatre Américains sur cinq qui travaillaient pour produire de la nourriture pour une famille de cinq personnes. Au XXIe siècle, il suffit un agriculteur pour nourrir trois cents personnes, extrait du discours de Jim Jong Kim (2018). Grâce aux progrès technologiques et scientifiques, la République étoilée a des excédents alimentaires, et elle étend son marché vers l'extérieur surtout dans les pays à faible production, donc elle élargit son capital. Cependant dans les pays sous-développés, particulièrement Haïti, puisque la science, la technologie sont ignorées pour des raisons connues ou inconnues, même la totalité des agriculteurs sont insuffisants pour nourrir la population locale, et la population dépend presque de la production étrangère. C'est donc le mécanisme de revirement de l’économie haïtienne. De l’économie primaire (agriculture, pêche, élevage) à l’économie tertiaire (commerce, services) sans que ce phénomène ne soit pas le produit de l'ajustement de l'innovation technologique dans l'agriculture et le développement des services (commerce) n’est point aussi le résultat de la propagation de l'industrie dans le pays, il est considéré comme un paradoxe observé dans l’économie haïtienne. Ce phénomène est inhabituel dans les annales économiques du monde. Ainsi, « la loi d'Engel, qui veut que la hausse du niveau de vie s’accompagne d'une transformation du mode de vie, celle-ci se caractérisant par une consommation plus soutenue des services au détriment de l'alimentation, ne peut pas être mobilisée pour analyser le cas d’Haïti », explique Dameus et al (2012). Par conséquent, la tertiarisation de l’économie haïtienne pourrait être expliquée par la puissance de l'industrie étrangère et l'absence du progrès en Haïti, c'est une espèce de convection, car les produits qui se sont commercialisés dans le pays (industriels et agroalimentaires) sont de la production étrangère.

En effet, ces types de discours qui ne traduisent pas réellement ce qu'on observe, et qui tendent vers la durée sur l’économie haïtienne sont une perspective de manipulation. Car Pierre George (1966) Professeur à la Sorbonne explique que, en étudiant la géographie industrielle du monde, lorsque le mécanisme de l’économie industrielle du système capitaliste est supérieur par rapport aux capacités d’absorptions des produits industriels, l’une des solutions privilégiées est de « vendre à des pays tirant leurs ressources d’économies agricoles et artisanales, non pourvus d’industries concurrentes et possédant un pouvoir d’achat représenté par le produit de l’économie agricole ou par celui des ventes des matières brutes ». En se référant à l’énoncé du Professeur, les impérialistes ont de fortes raisons à soutenir ou mettre en place un système de pensées pouvant maintenir ou rendre célèbre ce discours légendaire sur le l'économie haïtienne.

Également, ce discours qui utilise le passé d’Haïti pour expliquer son présent peut-être aussi interprété comme « un phénomène classique dans l'histoire des nationalismes ». L'Haïtien d'aujourd’hui a grandement besoin de lui décrire par son passé, c'est-à-dire sa représentation est « une perspective du présent sur le passé ». D'ailleurs, la période où l'agriculture haïtienne a été très florissante représente une étape glorieuse dans l'histoire du peuple haïtien, c’est un repère historique important. Par conséquent, la représentation d’Haïti comme « un pays essentiellement agricole »  peut-être fondé sur le développement de « l'amour-propre ». Jacques Ridé (1976) a bien expliqué ce phénomène classique dans sa thèse de doctorat présenté devant l'Université de Paris IV, sur l'image des Germains dans la pensée et la littérature des Allemandes. Mais en plus de la probabilité du développement de « l'amour-propre »,  le discours peut-être aussi inscrit pour une approche communautariste, car l'agriculture ou autres records réalisés dans l'histoire du peuple deviennent des héritages pour les Haïtiens et ils sont incontestables. Donc, des séquences de l'histoire sont des facteurs de ralliement, d'unification de la pensée du peuple. Par exemple, la participation d’Haïti à la coupe du monde de 1974, la bataille de verrière de 1803 amenant à la libération de la première nation nègre dans le monde, etc. Ce sont des moments de gloire qui sont le fondement de certaines idéologies et/ou systèmes de pensées.

En fait, présenter Haïti comme un pays essentiellement agricole ou faire de l'agriculture le destin des Haïtiens, « c’est une  idée très répandue dans la population ; elle est reprise dans les médias et enseignée dans les écoles. Si l'idée est très répandue, c'est justement parce qu'elle est très ancienne ». Certes l’idée est très ancienne, mais son ancienneté ne suffit pas pour la maintenir vivant dans l’imagination des Haïtiens. En plus d’être ancien, l’idée trouve de l’énergie nécessaire qui lui alimente afin de tâcher dans l'imaginaire du peuple. On est presque certain que ce discours a un maître. Il est vrai que pendant longtemps, du point de vue économique, 97 ℅ de la population dépendaient directement ou indirectement de l'agriculture et la population rurale représentait 92 % de la population totale. Dans les années 1950, près de 80 % de la population active font de l'agriculture leurs principales activités. Ce taux était le plus élevé de toute l’Amérique latine, écrit Gérard Pierre-Charles (1993). Seulement ce qu'on sait, par rapport aux différents événements qui se sont déroulés dans le pays et qui ont impacté l'histoire de l'agriculture, « et suite aux dernières vagues de mouvements de libéralisation de l'économie entamée au début des années 80, la production agricole a chuté de manière conséquente, au point que plus de la moitié de ce qui se trouve dans l'assiette de l'haïtien moyen est issu de l'importation ». « Donc, peut-on continuer à répéter, sans analyse, cette célèbre phrase ? Ou encore devrait-on continuer à ignorer d'autres sources de production comme les productions artistiques, l'industrie, le service et rester au rang de pourvoyeur de matière première agricole ? C'est qu’il nous semble, ce qui est dessiné, si on considère les battages médiatiques autour de la question de la production nationale, elle est réductible à la seule production agricole ».

Le fondement légendaire de l'agriculture haïtienne

En effet, l’ensemble de ces paradoxes relevés dans la réalité de l'agriculture haïtienne permet d'inscrire les analyses dans la théorie des marxistes sur l’impérialisme. Pour dire vrai, Max n’a pas élaboré une théorie de l’impérialisme à proprement parler, mais les ingrédients de ses réflexions sur le mode de production capitaliste permettent à Lénine de formuler la théorie marxiste-léniniste. Pour ce qui relève de cette théorie,  malgré critiquée par certains penseurs dont Rosa Luxembourg, chez Max le terme impérialisme a fait surtout la description d’une période déterminée, celle de la fin du XIXe siècle et elle caractérise le monde d’aujourd’hui. Les théories marxistes parlent d’une étape dominante de l’impérialisme et les propriétés intrinsèques de cette période. Suivant cette théorie, « l’impérialisme est le stade suprême du capitaliste ». Cependant, les thèses marxistes ne cernent que la mode de production capitaliste et ne s’occupent pas à une théorie large de l’impérialisme et dans une large perspective, c’est-a-dire les influences culturelles, politiques des pays du centre sur les pays périphériques, selon plus d’un. Par conséquent, le terme impérialisme est un peu nuancé par rapport au sens donné par les marxistes et donc différentes conceptions sont connues du concept par ceux qui l’interprètent. C’est ainsi que chez les historiens, le terme explique le rapport d’un pays « impérial » à une région « coloniale » ou « semi-coloniale » à l’intérieur de « son empire », abonde Bonnie Campbell. Il faut se rappeler que les rapports de « l’impériale » à « la colonie » ont été toujours une affaire de domination et d’exploitation, cependant les contextes changent, donc aujourd’hui les formes d’exploitations et de dominations changent aussi dans le monde. À l’heure actuelle, les pays impérialistes ont surtout manipulé les pays périphériques, ainsi ils orientent et définissent les caractéristiques économiques et politiques de ces pays. Dans un tel contexte, le discours qui s’apprête à faire d’Haïti d’un pays à économie uniquement agricole se relève d’une affaire impériale-coloniale, c’est surtout un discours d’exploitation et de manipulation. Car, d’une part, on alimente le discours, d’autre part, on joue pieds et mains pour l’anéantissement de l'agriculture locale, enfin la société est transformée en une société de consommation totale. Donc, l’exploitation n’est pas encore finie dans l’ancienne colonie de la France, mais généralement existée avec d’autres structures et d’autres maîtres en plus de ceux d’avant. Considéré comme étant une forme d’exploitation souple, le discours est pérennisé et propagé dans l’imaginaire du peuple afin d’atténuer les consciences. À remarquer qu'on fait la promotion d'Haïti comme un « pays essentiellement agricole » à travers les médias internationaux, c’est une gloire pour les Haïtiens, alors qu’en réalité il n'y a pas de vraie coopération pour l’amélioration des pratiques agricoles et le développement de l'agriculture dans le pays. C'est ainsi que certains penseurs haïtiens estiment que la structure esclavagiste est maintenue dans la paysannerie haïtienne, compte tenu des conditions de travail non humain des paysans.

Notons que l’impérialisme est manifesté à travers différents compartiments d’une société, c’est à dire à travers les éléments commerciaux, sociaux, culturels et politiques. Ainsi dire, il a surtout influencé la société dans presque tout son ensemble afin de mieux asseoir son hégémonie à travers ses instruments idéologiques. En ce sens, directement il n’impose pas vraiment quoi faire une société, mais il donne ce à quoi il faut penser comme objectif pour une société, c’est-a-dire il contrôle l’imaginaire collectif à travers des structures établies, par exemple à travers des institutions dites de socialisations.

Prérogatives des agents de socialisation dans la déconstruire du mythe légendaire

Parce qu'il y a évolution structurelle dans la société haïtienne comme étant un élément dynamique, sans nul doute la redistribution des individus dans leurs activités de production ainsi que leurs statuts changent aussi. De même que des paysans deviennent des citadins, des agriculteurs se reconvertissent, entres autres, en chauffeur de motocyclette, en ouvriers des usines d'assemblage de textiles, en vendeurs de boissons gazeuses glacées, parce que l'urbanisation, même si archaïque, prend le dessus à cause de la dégradation de la paysannerie. En ce sens, il est un impératif pour ceux qui cultivent leurs esprits d’approcher autrement la réalité socioéconomique d’Haïti, c'est-à-dire de réévaluer certains acquis traditionnels qui deviennent légendaires dans la société haïtienne, pour ensuite entrer dans une autre dynamique de pensée. Par contre, déconstruire une légende dans l'imaginaire de l’homme haïtien n'est pas une guerre gagnée dès le premier coup de feu puisque la société haïtienne est en quelque sorte conservatrice. En dépit de tout, cette caractéristique de la société ne doit pas être une raison valable devenant un obstacle à la réflexion permettant de faire sortir le réel du non réel. Au contraire ils doivent être des objets de motivation. D'ailleurs, le rôle des agents de socialisation c'est de porter de la lumière à ceux qui en nécessitent. Par conséquent l'agent de socialisation, de n'importe quel horizon disciplinaire d'où il vient, pour le progrès de la société, peut toujours porter de jugements sur de faits, de données, se questionner sur une question fondamentale pourvu qu'il détienne de la matière nécessaire pour supporter ses idées. Cette approche exclut toute attitude hautaine éprouvée des gens de diverses disciplines. C'est-à-dire, ceux qui pensent ils sont les seuls qui ont la légitimité de porter un jugement sur une problématique dans une discipline donnée, et donc ils développent un certain  chauvinisme disciplinaire. Ainsi donc, contrairement à ce que pensait Jean Paul Sarthe lors qu'il ironisait les pros Dreyfus à travers la formule empruntée à Térence en disant « un intellectuel est celui qui s'intéresse de celui qui ne le regarde pas », un intellectuel est non seulement quelqu’un qui s'immisce dans ce qui ne lui concerne pas, mais c'est aussi celui qui ne ménage jamais sa loupe pour observer les réalités des sociétés. Tout ceci c’est pour dire que ce n'est pas parce que certaines idées, croyances sont très anciennes et concernent un domaine particulier et soutenu par des gens populaires, quelqu'un ne pourrait pas porter un jugement contre elles. En ce sens, les intellectuels doivent emboîter le pas afin de déconstruire certains mythes dans la société haïtienne, en particulier celui qui est construit sur l'agriculture haïtienne.

Pour mieux procéder à la déconstruction de certaines idées légendaires sur l'agriculture haïtienne, il est nécessaire de faire un coup d’œil historique sur l'origine de l'agriculture haïtienne, son développement postindépendance et la réalité contemporaine en analysant un ensemble de facteurs qui sont antagoniques à l'agriculture locale. Cette perspective est importante parce que toute chose a une histoire et son histoire permet de mieux cerner toute éventuelle évolution de la chose en question, puisque « l'histoire a choisi de manière continue les personnages, les faits et les périodes porteuses de valeurs et de significations jugées indispensables à la cohésion sociale, sur des critères politiques, sociaux, en évolution continue », argué Jean-Clément Martin (2015), Professeur d'Université Paris 1. Donc, situer l'agriculture haïtienne dans son contexte historico-social, c'est faire associer l'histoire à l'évolution et/ou à la mutation de l'activité en tant que telle. Une telle démarche est donc inévitable pour mieux appréhender la réalité de l'agriculture haïtienne.

À ces analyses,  le passé colonial d'Haïti, la dynamique du néolibéralisme dans le monde, l'incidence de la géopolitique sur l'agriculture, l'influence de l’impérialisme sur Haïti, l'ignorance du progrès technique et de la pensée dans la culture haïtienne sont, entres autres, nécessaires.

Conclusion :

L’agriculture a été très florissante pendant une longue période de l'histoire économique du pays, elle a été la béatitude de l’économie haïtienne certes, mais selon toutes les données historiques disponibles cela a un commencement, puis un parcours, enfin tombe à sa dégénérescence. En conséquence, l’économie primaire (agriculture, pêche, élevage) n'occupe plus une place déterminante dans l’économie nationale. Néanmoins, on peut toutefois penser le développement économique d'Haïti en mettant accent sur l'agriculture, mais une agriculture modernisée, pour ensuite développer une industrie agroalimentaire de base.

 

Lopkendy JACOB

Lopkendyjacobrne@gmail.co

 

Publication de quelques références

 

Gérard Pierre-Charles, L’économie haïtienne et sa voie de développement, Port-au-Prince, Haïti : Les Éditions Henri Deschamps, 1993.

Pierre George, La géographie industrielle du monde, Paris, France : Éditons les Presses Universitaire de la France, 1966.

René Laroche, Situation de l'agriculture paysanne haïtienne : Perspective de l'avenir, 1960.

Alix Daméus, Bénédique Paul, Michel Gabarré, Le processus de tertiarisation de l’économie haïtienne : Éditions Études Caribéennes, 2011.

Grenoble École Management, Comprendre Les Enjeux Stratégiques (CLES) : Notes d’analyses géopolitiques. Géopolitique de l'agriculture : un enjeu politique et commercial majeur, 2012.

Jean-Clément Martin, Pourquoi enseigne-t-on l'histoire ? Revue internationale d'éducation Sevres, 2015.

FOA à Haïti [ https://www.fao.org/haiti/fao-en-haiti/le-pays-en-un-coup-doeil/fr/ ]

Communication sur les opérations de FIDA en Haïti [https://www.ifad.org/fr/web/operations/w/pays/haiti]

Jim Yong Kim, Président du Groupe de la Banque mondiale. Discours en préambule des Réunions de printemps 2018, American University Washington, D.C. [https://www.banquemondiale.org/fr/news/speech/2018/04/10/rich-and-poor-opportunities-and-challenges-in-an-age-of-disruption

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