Quand nos diplomates écrivent !

« Anthologie des poètes et diplomates haïtiens de 1804 à nos jours » (1), c’est le titre du dernier travail de recherche de Maguet Delva, mettant en scène les Haïtiens qui, comme le titre l’indique, ont porté la double casquette d’écrivains et de diplomates au cours de notre histoire.

L’objet de ce livre est de faire découvrir un morceau de notre histoire dont on parle peu et qui pourtant mérite qu’on s’y attarde. Il s’agit des diplomates écrivains qui ont marqué à un titre ou à un autre notre histoire depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. Dans le temps, il s’agissait pour ces Haïtiens de défendre les peuples noirs, encore sous le joug de la colonisation la plus avilissante. Ces voix avaient pour boussole la pensée de Dessalines. C’est elle qui définissait la politique extérieure du pays, consistant à tendre la main à tous les déshérités de la terre, conformément aux prescrits de la révolution haïtienne de 1803. 

La voix de nos diplomates était partout : à la SDN (Société nationale des Nations) – et plus tard à l’Assemblée générale des Nations unies et à l’UNESCO -, partout où résonnait pendant longtemps le message essentiel de l’Indépendance haïtienne.  

L’auteur déplore le fait que, de nos jours, nos diplomates ne soient plus capables de voter à l’Assemblée générale des Nations unies, une résolution condamnant le racisme et la discrimination. « Quelle infamie, quelle abdication, quelle sécheresse du cœur ! », écrit-il. Il rappelle avec tristesse que l’ancien ministre des Affaires étrangères n’a pas une opinion sur la discrimination et le racisme dans le monde, au point de s’abstenir lors du vote, le 31 décembre 2021, à l’ONU. Quand un pays fait abstention, cela signifie qu’il est d’accord avec le fait incriminé, critique l’auteur. Ce faisant, conclut-il, Haïti a apporté sa voix aux Occidentaux qui ont voté contre cette résolution. Pour lui,c’est inconcevable. « Le Général Jean Jacques Dessalines, celui qui a remporté la victoire sur l’armée de Napoléon Bonaparte, doit certainement se retourner dans sa tombe, quelle honte ».

Amoureux inconditionnel de l’orchestre Tropicana d’Haïti, Maguet Delva voue un respect inconditionnel au fondateur de la patrie haïtienne, Jean Jacques Dessalines. En lisant sa poésie, on découvre chez lui un malheureux fonctionnaire. Certaines pages de son livre illustrent la morosité et le chagrin qui l’envahissent de voir la diplomatie de son pays à la traîne. Ce milieu est devenu peu fréquentable du fait des conséquences désastreuses des décisions prises par certains diplomates qui font du tort au pays. 

Interrogé à ce sujet, l’écrivain affirme que ses vœux d’un renouveau patriotique et nationaliste n’ont aucune chance d’être exaucés. L’humaniste qu’il croit qu’il n’est pas au bout de ses peines et son souhait de voir un jour son pays sortir des marasmes de tout genre et de retrouver sa grandeur d’avant n’est pas pour demain la veille. 

Se définissant comme socialo-communiste, il mène à visage découvert un combat acharné contre toute forme de corruption, ce qui lui vaut la haine viscérale de bon nombre de ses compatriotes et ex-collègues. « Qu’à cela ne tienne, je ne céderai pas aux pressions », déclare-t-il à qui veut l’entendre. En s’attirant de puissants ennemis, il a en quelque sorte sacrifié une carrière diplomatique qui aurait pu être plus mirobolante.

Ce livre nous laisse le goût d’un temps où les Haïtiens avaient la maîtrise de leur pays. De nos jours, l’ombre n’arrête pas d’avancer à grands pas. Cet ouvrage prouve qu’il y a encore des Haïtiens qui cherchent par tous les moyens à ressusciter une certaine Haïti à coup de rappels historiques, comme pour faire échec aux malheurs que son pays subit depuis des décennies. 

Descard Pierre Denize 


(1) Lien pour commander https://urlz.fr/lBhO. Tome 1.
 

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