Sophie Germain, femme peintre québécoise dont les œuvres sont habitées par les Lakou

Des tableaux qui portent les semences du Vodou haïtien à travers la représentation des différents éléments qui charpentent le langage des traditions ancestrales en Haïti affichent la signature de Sophie Germain. Cette autodidacte qui a appris à peindre au départ sous l’influence de son imagination et de l’impulsion de sa nature pensive. À l’âge de 19 ans, elle s’aventure dans la campagne haïtienne où elle s’y installe et fonde sa famille dans un lakou. À la découverte de cette femme peintre québécoise qui a trempé ses pinceaux dans les bains sacrés du Vodou  haïtien.  

Dans une symétrie bien orchestrée à partir de sept têtes de serpents qui implantent le décor mosaïque et plastique de l’œuvre, l’artiste peintre Sophie Germain explore à sa manière l’univers des  Vêvê. Cet héritage à la fois graphique, mystique et symbolique partagé entre les survivants des Taïnos et les courageux marrons originaires d’Afrique dans la marche de la résistance qui allait conduire à la première révolution réussie des noirs dans le monde, occupe une place importante dans les œuvres de passionnée des arts et du sacré.

 

De la lumière dans ses œuvres, la couleur jaune vive, vibre dans les recoins de cette scène mystérieuse, qui met en relief des corps, des cranes, des ombres et d’autres personnages sacrés qui célèbrent les traditions portées par le célèbre couple qui dirige nos cimetières, Bawon et de Grann Brijit. À travers le mariage entre le violet et le noir, ces deux couleurs qui prédominent la palette des Guedé, on observe certains des personnages se confondent parfois avec le paysage inventé par cette habituée des danses sacrées qui animent nos Lakou. 

Dans sa démarche artistique, on peut confirmer que l’artiste peintre Sophie Germain ne cherche surtout pas à réinventer le Vodou dans sa dimension esthétique basique. Ses œuvres participent dans un dialogue permanent entre les différents éléments utilitaires, sacrés et symboliques qui composent ces hauts lieux traditionnels. L’alternance des carreaux inspire cette forme de dualité de la vie. Cette mosaïque associée à la table des jeux d’échecs cache bien des secrets, dont l’artiste seule peut déterminer les relations.

Dans le calendrier du Vodou haïtien comme dans plusieurs autres cultures et religions à travers le monde, le protocole des cérémonies de sacrifices des animaux sacrés offre des occasions de partage et de communion entre les vivants et les morts. Sophie Germain a bel et bien gardé les souvenirs de ces expériences nourries pendant environ un quart de siècle, qu’elle continue d’immortaliser dans ses tableaux. Les reflets de personnages invisibles sont autant présents dans le décor, qui place cet animal sacré, ce taureau tout de noir qui affirme un regard de soumission, comme le point central de l’œuvre.  

Dans sa biographie, l’artiste peintre Sophie Germain se présente comme une Québécoise d’origine, mais une Haïtienne dans l’âme. C’est une créatrice autodidacte inspirée par l’esprit de la paysannerie haïtienne. « Passionnée par la philosophie, la mythologie et les diverses formes de spiritualité par le monde, son expérience de vie relativement longue auprès de servitè, de femmes et hommes sage-femmes lui inculque profondément leurs forces et leurs valeurs. », informe le texte de présentation de cette dernière.

 

Des projets de médiations culturelles et interculturelles en dehors des nombreuses expositions jalonnent la vie de cette femme, qui a fait des études au Québec en arts plastiques, pour ensuite poursuivre sans formation dans les sciences humaines et sociales. Pendant 25 ans, Sophie Germain va séjourner en Haïti, en évoluant jour et nuit dans  un Lakou, qui finalement va l‘habiter, en observant l’influence des sujets Vodou qui dominent la palette de cette femme artiste peintre et collagiste.  

Dès son jeune âge, Sophie Germain, née le 19 mai 1968 au Québec, rapporte qu’elle exprimait une grande passion pour le dessin. Les nombreux croquis qu’elle déposait dans les différentes pages de ses manuels scolaires peuvent confirmer cette forte motivation qui allait la convertir quelques années plus tard en artiste peintre. Parallèlement, elle rapporte que « Les valeurs familiales nourrissent ses besoins d’ouverture à la diversité et de liberté d’expression. »

 

Dans son village adoptif, se souvient-elle encore, Sophie mettait en œuvre avec sa famille et sa nouvelle communauté de nombreux projets, notamment l’implantation d’écoles, de pépinières, de voyages d’échanges interculturels. « Sans oublier, le célèbre festival de Raras traditionnels de Paillant (bandes à pied musicales de la paysannerie haïtienne) où elle s’occupe de la coordination et de la conception des décors et costumes. », rappelle cette artiste peintre qui a su intégrer cette culture mosaïque qui domine le quotidien de la paysannerie haïtienne.  

Dans le discours esthétique, Sophie croit que : « Les rituels et les récits d’origine sont des matériaux précieux à explorer, car ils touchent nos questions très actuelles quant aux rapports et rapprochements entre les hommes, les nations ainsi qu’à la protection de l’écologie. ».  N’est-ce pas un bel argumentaire qui invite à questionner la place du Vodou dans la lutte contre le déboisement, la déforestation et le réchauffement climatique ?  

Définitivement, on retiendra dans l’histoire de la peinture et des autres formes de productions artistiques qui mettent en valeur les repères identitaires et culturels de l’être haïtien, ce mariage entre le pouvoir de la spiritualité et la passion artistique inscrite dans les œuvres d’un grand nombre de femmes créatrices inspirées et/ou initiées. À travers les nombreux sujets qui prennent forme dans la palette de Sophie Germain, il y a ce mélange de connaissances mystiques et de compétences plastiques très affirmatif qui invite les regardeurs  dans un voyage profond et inspirant. 

 

Dominique Domerçant

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