Les flammes et les vagues de la dignité dans les tableaux de Damas Porcena

Damas Porcena figure parmi les meilleurs talents diplômés de sa cohorte,  au département des Arts plastiques de l’Ecole nationale des Arts (ENARTS). Il partage sa vie, en dehors de sa famille,  à travers les trois principales activités suivantes. La création des œuvres picturales qui présentent des vagues et portent une forte luminosité associée à des formes circulaires croisées, dont  le mariage laisse entrevoir de brillantes flammes qui réchauffent les regards de nos spectateurs.

Dans un deuxième temps, on le distingue parmi les entrepreneurs artistiques et culturels de sa génération. Il a consacré une bonne partie de son temps et ses ressources pour investir une grande dans la création d’un atelier de production des matériels destinés aux artisans, aux artistes  et aux institutions notamment des canevas et des encadrements de tableaux, avant que les violences urbaines des dernières années l'obligent à tout abandonner, incluant sa résidence familiale  et son atelier avec tout son patrimoine.

Dans un troisième temps, Damas Porcena s'est confirmé au fil des ans dans la gestion des collections et dans la formation des jeunes. De octobre 2016 à juin 2023, il a été embauché comme technicien d'exposition et de Conservation  au musée du Panthéon national Haïtien (MUPANAH). Il a rejoint d'octobre 2018 à juin 2023, le corps professoral de l’école nationale des Arts (ENARTS) en dispensant les trois cours suivants: La conservation préventive et Gestion des collection ; La conception et planification d’une exposition muséale ; Et la mise en place d’une exposition muséale, tout en soulignant sa collaboration comme animateur d'art, entre octobre 2014 et août 2015, avec le centre de recherche Imaginescence, une institution fondée par l’ancien ministre de la Culture et de la Communication d'Haïti, l’architecte Olsen Jean-Julien.

Dix ans plus tôt, de mai 2013 à  juin 2014, il a été engagé comme  assistant professeur de muséologie à la Faculté des Sciences économique et administrative (FSEA), de l’université Quisqueya (UniQ). Au cours de cette même année, Damas Porcena a réalisé de février à  mai, un stage en formation de formateur au département muséologie Collège Montmorency Laval du Québec, au Canada. Deux ans plus tôt, en décembre 2011, on le retrouvait comme  technicien en conservation au Centre de Sauvetage des Biens culturels (CSBC). C’est l’UNICEF qui l’a recruté en août 2004, comme animateur d’arts plastiques au projet ''Ti moun kè kontan”.

Diplômé en Arts plastiques de l’École Nationale des Arts (ENARTS), après ses quatre années de formation entre 2002 et 2006. Il dispose d’un certificat en Gestion et Conservation de Biens culturels entre 2012 et 2013, de l’université Quisqueya (UniQ), et se présente comme artiste peintre, bricoleur et passionné d'art, technicien d'exposition et de conservation, tout en s'exprimant en ces termes: « Je peins, j’expose comme artiste et je participe à la mise en place des expositions comme technicien. Je m’intéresse à toute forme d'art et je suis constamment à la recherche d'innovation artistique et d’élargir mes horizons.Je souhaiterai continuer à travailler dans le domaine des arts et de la culture. », raconte l'ancien membre du groupe artistique et musical, fondé avec ses anciens camarades de l’ENARTS, baptisé Feeling Plastik ».

Découvrons les dimensions esthétiques, qui nous intéressent le plus dans le cadre de l'exposition Les Couleurs de la Dignité, qui sera organisée le 18 novembre 2023, à Montréal. Dans cet hommage pictural consacré aux héros de Vertières, l’une des plus belles pages dans l’histoire d’Haïti, parmi les plus  déterminantes dans la fabrication de l'indépendance nationale et dans  la promotion de la liberté et la dignité des peuples dans le monde par Haïti,

 Damas Porcena sera accompagné de plusieurs autres artistes comme Pierre-Richard Delcy, Jean Bernard Noël dit Brouzard, Dormé  Ascelin Junior, entre autres. 

Dans l’une des créations picturales de Damas Porcena, les flammes sont visibles, vivantes, vibrantes à travers les fragments des formes, des figures et  des frontières qui définissent les corps des êtres et des objets. Les frontières de ces différents éléments plastiques et représentatifs qui composent ces paysages imaginaires ne sont pas innocentes. On est en droit de les interpréter à l'aune de Vertières, cette ultime bataille vitorieuse de l’armée indigène à l'origine de l'indépendance haïtienne dans un contexte international de déshumanisation systématique de la race noire, à travers le Code noir, l’esclavage, les tortures, les souffrances, les éxécutions et les massacres, entre autres.

Derrière ces flammes picturales qui dominent les œuvres de Damas, on retrouve d’autres tableaux qui participent dans la célébration des autres éléments de la nature comme tels que l'eau, à travers les vagues de la mer.  Ces dernières sont aussi violentes que ces flammes dans leur forme ardente. L’artiste nous met en face de ces naufrages oubliés pendant la colonisation et durant ces dernières décennies dans l'histoire de la terre d'Haïti. Ces catastrophes humaines et naturelles ont pratiquement emporté la vie et le rêve des dizaines et des centaines d’esclaves conduits en esclavage en Amérique. Ces tableaux sont encore d'actualité, en observant le sort funeste de ces jeunes et familles entre les côtes africaines et l’Europe, ainsi que les migrants haïtiens parmi d'autres voyageurs emportés par la violence des vagues, en traversant la mer des Caraïbes pour atteindre les frontières terrestres de l'Amérique du Nord. 

Dualité esthétique ou symbolique, l'histoire est bel et bien racontée dans ses œuvres. Entre le pouvoir des flammes et la puissance de la mer qui participent dans la renaissance des filles et fils de la terre d’Afrique et d'Haïti, et la magie des couleurs que l'artiste utilise, le public est invité à s'offrir des pièces attractives et inspirantes. Les tableaux de Damas Porcena expérimentent à la fois le  discours de résistance  de toute une civilisation portée par la violence des vagues et pétrie  par la vitalité des flammes.

Des enfants du soleil  allaient ainsi voir le jour au lendemain de Vertieres, cette nouvelle ère dans l’histoire de l’humanité, qui confirmait jadis un nouvel ordre mondial contre l’esclavage et pour l’émancipation des peuples dans le monde.

Damas  Porcena n'est pas limité dans ses projets de création. Il nous offre également la possibilité de découvrir dans ces oeuvres dominées par  des couleurs jaune, rouge, orange, blanc et noir, d'apprécier les reflets de personnages imaginaires sortis les flammes, à travers une forme initiatique de la renaissance. Cette démarche lui montre la voie pour s'inscrire dans une nouvelle dynamique de représentation de la beauté à la foi festive et foudroyante. 

Des formes abstraites accompagnent des visages de femmes comme si le tableau voulait arrêter le temps lors d’un éclair, en présentant les images de nos proches, nos parents, ou de nos ancêtres disparus dans les flammes de l’oubli, et qui sommeillent depuis plus de 220 ans, dans les nuages du silence. C’est un artiste qui pense ses tableaux, comme on panse un objet d’art récupéré sous les décombres ou sous les bombes qui tombent sur des villes entières, souvent  pour des causes beaucoup moins importantes et nobles,  que celles défendues par les pères fondateurs d'Haïti, la liberté, l'égalité et la dignité.

 

Dominique Domerçant

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