En mémoire de Ronel Joseph, un ami de « Pawas La », parti trop tôt alors même qu’il vivait chaque jour

Ronel Joseph, un ami de « Pawas La », parti trop tôt alors même qu’il vivait chaque jour. Alors même qu’il aimait la vie et ses amis. Alors même qu’il avait tellement de rêves!

 

Une génération de papier !

Ce sont les hommes qui construisent, orientent et font évoluer les sociétés. Et chaque société, comme élément constitutif, composante indispensable du monde global, influence d’une manière ou d’une autre le devenir de ce monde global. Chaque individu pour chaque génération tente, à sa façon, de se faire un monde, de refaire le monde.

En cela, Albert Camus se réserve. Par humilité peut-être. Ou par la conscience d’une responsabilité plus grande. Car le philosophe de l’Absurde et de la conscience humaine, reçoit le prix Nobel de Littérature à quarante-quatre ans, en octobre 1957.

C’est dans son discours d’acceptation de la plus grande et la plus prestigieuse récompense littéraire qu’il déclare: » chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ».

Il s’agit donc d’une conscience globale, universelle, en ce que l’homme est engagé doublement à entretenir  la société dans laquelle il évolue, mais aussi celle du monde. Les philosophes des Lumières, eux aussi, avaient compris cette nécessité pour chaque génération d’avoir des responsabilités propres vis-à-vis d’elle-même et du monde global.

Le hic, c’est qu’on a l’impression qu’au fur et à mesure que les années passent, portées par les passions moroses et les dénégations, les nouvelles générations deviennent de moins en moins engagées face à elles-mêmes et au monde. Sinon que cela diffère en fonction des sociétés.

Car il y a celles où l’on résiste encore aux vagues destructrices, où il y a des gardiens, des remparts pour empêcher qu’elles se défassent, pour empêcher qu’elles s’effondrent.

Et puis, il y a celles, comme Haïti, où quasiment plus rien ne tient debout, où tout bascule, où tout s’écroule.

Et là, il n’y a plus d’engagement, plus aucune volonté de se battre,  ni pour soi ni pour les autres. Là, on se contente de végéter. On a faim, on est violé, tué, humilié, dépossédé, mais on s’adapte où l’on fuit sans aucune fierté.

Cette génération, en Haïti, a hérité d’un mal qu’elle empire ou qu’elle laisse s’empirer. Un mal devenu absolu.

Sur elle, on jette l’opprobre et elle avale ses couleuvres de bon cœur comme si elle n’avait aucun autre choix.

Ma génération est malade de tous les maux et de toutes les maladies. Ma génération, c’est une catastrophe. Elle est une erreur de parcours du temps. Elle est inconsciente, insouciante, lâche, paresseuse. Ma génération est ingrate, veule et sans vie. C’est une terrible imposture. Elle est fausse, inerte. Ma génération est morte.

Elle ne veut ni rien changer ni rien refaire. Elle ne comprend pas sa mission ni ne connaît les responsabilités qui sont les siennes. Ma génération est complice des maux du pays. Elle est en train de faire sombrer Haïti.

Et si elle ne se réveille pas aujourd’hui et maintenant, ma génération sera la pire de toutes les générations que l’histoire haïtienne aura connues.

Car l’heure est gravissime. Et nous sommes tous en train de mourir d’une certaine manière.

 

Jackson Joseph

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