Les cendres de Toussaint Louverture de René Depestre

À l’occasion du 221e anniversaire de la mort de Toussaint Louverture le Premier des Noirs le 7 avril 2024, il est important de remémorer la place de cet homme dans l’histoire universelle. Né esclave en 1743 à Saint-Domingue, Toussaint Louverture devient gouverneur et proclame en 1801 l’indépendance du territoire. Il devient un symbole fort pour Haïti et pour les populations opprimées selon certains historiens. Décédé dans le froid de Fort de Joux en France le 7 avril 1803, Louverture aura laissé sa trace dans la lutte pour la liberté et l’indépendance d’Haïti en 1804. Le poème « Les cendres de Toussaint L’ouverture » de René Depestre revient en des vers libres sur son parcours d’esclave et d’ Homme d’ État et sur sa triste fin en tant qu’homme engagé et révolté.

Ce poème de René Depestre, « Les Cendres de Toussaint Louverture », a été publié pour la première fois dans le recueil, Ainsi parle le fleuve noir (Paris : Paroles d’Aube, 1998, pages 39-40). Il est republié dans Non-assistance à poètes en danger (Paris : Seghers, 2005 : 14-15) et dans Rage de vivre, œuvres poétiques complètes de René Depestre (Paris : Seghers, 2006 : 455-56). Enregistré chez l’auteur à Lézignan-Corbières (France) par Valérie Marin La Meslée le 19 août 2015, ce poème veut rendre un grand hommage au génie de la Race noire. En des vers sobres et pathétiques, Depestre dresse la stature de ce héros légendaire.  Il a mis en exergue son histoire et ses rêves lesquels ont su trouver leur plus parfaite expression dans la création d’un État de droit où chacun allait vivre dans la dignité et le respect de la personne humaine. Et malgré un certain désespoir qui assombrissait la fin de sa vie, Louverture s’était accroché à ses idéaux de paix et de justice pour tous. Le National publie pour ses lecteurs le poème : «  Les cendres de Toussaint Louverture »

On le voit jour et nuit grimper

Au palmier du désespoir nègre :

Il y dépose l’œuf frais de sa révolte.

Il traverse la mer de cendres

Tantôt en cyclone de feu noir

Tantôt en fier rameau d’olivier.

 

Son destin invente des arbres fruitiers

Il se fait cahier de colère et de rêve

Son corps d’esclave arrive

Comme un cri dans une maison qui dort

Porteur dans l’océan du malheur noir

Des premières cloches de la guérison.

 

Son histoire est pleine de chlorophylle

Et de poudre en barils : il arrive

Avec des mots en flammes qui sont

Des femmes debout dans la sève des arbres.

 

« En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs ; il repoussera par les racines parce que celles-ci sont profondes et nombreuses. »

 

« Après sa parole d’adieu aux Haïtiens

On donna à la neige du Jura

Le temps de ses vieux os en pâture :

Son avenir se fait sel de chaux vive

Dans la trajectoire de sa dernière lune.

 

Entre son chemin perdu dans les neiges

Et le deuil au-dessous de zéro des siens

Il y a les mois de veillée d’armes ;

Il y a la cendre d’un vieil homme

Qui se fait l’égal du soleil levant

Au feuillage du sang noir.

 

De son corps éteint les blessures

Dues au fouet blanc s’envolèrent

Comme des mains tendres de femmes

Au carrefour où l’horizon des grands arbres

Rejoint au soir le silence de la mer. »

 

Schultz Laurent Junior

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