Petite fleur de lune

Un seul perroquet est une ville tout entière. Une grande ville tête cassée. Une ville sans réserve,   qu’une seule bombe suffira à détruire. Une radoteuse errante. Moi, Immacula qui te le confie. Que le tonnerre me brûle ! Rien que ma faim, que les maladies de fièvre, de grippe et de honte font errer sur mes enfants. Tous les soirs, cette faim m’apportait de grands souvenirs de mort, de vieux souvenirs et de la peine. Rien que des ennuis. Depuis la mort des deux hommes qui ont su me faire pleurer d’amour, Arthur et Rimbaud. Mes premiers grands cœurs. Et de Gonzalez, mon frère. Je n’en peux plus de cette vie ! Mes enfants auront vécu de longs moments dans la poussière de longue souffrance. Avant ma vie qui risque de finir mal à Léogâne. Cette ville qui rêve de devenir une république. Car ces habitants ont voulu être libres, déconnectés avec ce pays mal parti. Déjà, avoir ce nom, Immacula, on te prend pour une déesse. Une sainte ou bien quelqu’un de n’importe où. Moi et Rimbaud, avant Arthur, avons une vie normale. Et même Davidson Vilnon me supportait avant, je te le jure.

Avant de quitter ma province,  Léogâne, j’avais une vie grondée. Un prénom de veuve particulière, de première classe. Celui au rang de plus hautes sphères humaines. Avant, j’étais dans une ville de nulle part. Maintenant plus ça. Nul prénom n’est remplaçable, quand la terre te réclame. Même l’empereur Jean Jacques Dessalines le savait. Le père de la nation haïtienne. Tué et trainé dans les rues de Port-au-Prince et qui fut enterré par une folle nommée Défilé. Les dits du livre d’histoire d’Haïti semblent nous cacher quelque chose. Bizarrement personne, voilà tout le monde parait être momifier de telle histoire horrible. Une histoire mal guérie, telle une brume escaladée dans la rue des mille prisons. On vient de ne gagner rien qu’un crachat de rire sur la joue. Comment  imaginer cette ville ivre de misère ? Une histoire sans âme. Une histoire peureuse. Ah oui ! Lorsque mon manuscrit sera terminé, je vais contacter mon éditeur pour lui expliquer comment j’ai pu collectionner ma folie. Comment un jour la justice de la vie s’en allait au pays sans chapeau. Quel vieux souvenir !

Je vais lui raconter comment le tueur a pu siroter son propre sang frais. Pimenté d’innocence.  Et je vais aussi lui expliquer mon grand amour pour quelqu’un.  Presque dans mes songes.  J’ai vu un tas de choses et une femme, de la Bible. Le secret de la violence qui était notre devoir avant toute chose. J’étais juste puni par un voile blanc. Une toile de fond pour se nourrir de plaisir.  Tous y sont là-bas, le mensonge, la vie et l’aube sous-entendue. Nous nous cachons ensemble, puis je  m’en vais. Plus exactement une voix vioque sort de ma bouche. Pour moi,  ce rêve n’était qu’un message dans l’au-delà. Un avertissement lointain. Ému. Un souffle de mon côté gauche. Et si je me réveille pour ne pas savoir que mon futur a peur de mon présent ? Heureusement j’étais déjà arrivé, je  suis rentré  chez moi.  En ouvrant la grande barrière où je pénètre dans la grande cour. J’ai vu mes trois gamins jouer au foot, et un cuisinier à la cuisine. Un mec dans mon rêve. Moi, tantôt dans ma chambre, d’après ma pensée, tantôt dehors. Avec de luxuriants contacts de l’OVNI.

D’après moi. Je regarde sans relâche le ciel bleu. Sans réponse. Or je n’étais pas là. Cette ville avec qui j’ai rêvé d’avoir une vie normale imbibée de rêve. Pour moi les enfants sont les plus doués. Ce monde de misère importé par le vent qui soufflait. Trois chambres à coucher. La ville n’était pas là, tous mes songes sont trempés dans la prière, pas la mort.  Comment on pourra s’imaginer qu’un bon matin le ciel et la terre ont mis le cap sur l’au-delà ? Toutes les villes sont amères. Des anges sur la langue. Des cerises dans la gorge étranglée par la machine à Port-au-Prince.  Personne n’y rentre à l’heure qu’il est ? Personne ! Uniquement  des anges qui déambulent leur manche.

 Personne pour trouver quoi me laver du pêché des autres. Je suis né dans un pays où les autres sont des horloges. Parfois mes rêves sont hantés par le rêve des horloges misérables. Je m’aime. Avoir eu le choix de choisir quel songe je devrai faire, pourtant la vie nous met sur d’autres voies. Vers d’autres allées pendues. Nulle  étoile sur la voie des enfants cueilleurs d’œil. Éternelle bamboche, élastique sur la lèvre. Parce que nous voyons d’autres horizons. La vie nous bouscule. La défécation de la matière sale. Seul notre secret pouvait nous laver de nos souffrances. La haine de notre souvenir, comment se montre doux aux yeux de tout le monde. Quelle hypocrisie ayant construit un bateau de haine. Comme tous les soirs rien ne m’empêche de voir la lune en chambre vêtue de l’eau. Seul un perroquet est un fou furieux.

 Un drapeau tout bleu. Dans cette ville à fatras, personne n’est à l’abri.

 

Godson Moulite ( extrait inédit de son roman intitulé PETITE FLEUR DE LUNE )

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