Représenter l’autre et jeux des implicites dans les textes de Coupé Cloué

La question de l’autre demeure une thématique récurrente dans toutes les sociétés humaines et celle-ci ne date pas d’hier. Un bref saut dans l’Antiquité nous ramène à la Grèce et à Rome, l’on remontera un peu à sa genèse. Autant paradigmatique que se révèle l’axe qui ramène à la place de l’autre à travers les communautés, autant que la problématique de l’autre et sa représentation ont été abordées chez divers auteurs et musiciens. Jean Gesner Henri (Roi Coupé Cloué) n’ a pas dérogé à la règle. Le fondateur du rythme Compas Manba a, non seulement, fait usage du jeu des implicites, sous-entendus et des présupposés dans ses compositions, mais esquissés une représentation, une certaine idée de l’Autre.

L’autre revêt une multiplicité sémantique (sens) chez Coupé Cloué. Le thème de l’Autre, d’une richesse littéraire, peut avoir plusieurs acceptions. Si chez d’autres, l’Autre renvoie à celui qui ne parle pas sa langue, a une autre couleur de peau, par exemple, dans les textes de Coupé Cloué cet « Autre » est représenté sous les traits d’une « femme » (Anderdan), d’une jeune fille (Infanticide), d’un homme (Tomazo), ou fait référence aux aînés et aux contemporains (Tan Lontan). Le discours tenu (envers l’Autre), s’il est présenté sous la forme d’un conseil (prese pou n fè afè n / Tan Lontan ;  w ap sispann fè sa / Infanticide ; si yon jènjan pral renmen.../ Tomazo), représente cet Autre et l’acte sexuel dont elle paraît se soumettre sous l’aspect d’ une bravade (lapli pa tonbe kijan w fè rantre anderdan/ Jan w wè l la/ Anderdan).

L’Autre, ici, (dans Anderdan) la femme, victime de tous les quolibets, à la limite de la violence verbale/ et / ou sexuelle du compagnon (pa fout tchenbe) et la femme semble protester, mais vainement (Siwo apa w soti pou gaspiye mwen). La jeune fille, têtue, dans "Infanticide", est cloué sur pilori ( yo pi rèd pase asid, rele yo move je) ou ( w ap sispann fè sa/ manman w te pale w, tout moun te pale w).

« Tan lontan » et « Tomazo » attribue un rôle proactif à l’Autre et ce dernier peut-être considéré comme un homme ou une femme (prese pou n fè afè n pou nou di si n te konnen), l’attitude des aînés se trouve ici critiquée par Gesner Henri.

Compositeur et créateur hors-pair, le Roi Coupé Cloué a utilisé toutes les ressources linguistiques et les procédés littéraires dans la construction de ses textes. Ici, s’il use d’une hypercorrection (anderdan) à la place de « andèdan », des rimes (pi rèd pase asid/ vant yo komèt enfantisid), des rimes intérieures (pou n a n) et des assonances et allitérations il n’ en a pas moins fait le cas des implicites, des sous-entendus ou présupposés dans ses compositions.

« Soulye m fè nèj » « de 3 jou l blanch kou koton » yon etab pou y al rantre manje » constituent des sous-entendus : la première expression a une connotation sexuelle, la deuxième s’apparente à l’amaigrissement après l’IVG et la dernière, à une licence, (attitude permissive). Les implicites suivantes sont repérés « m pa vin fè vye zo » (je viens point ici pour demeurer éternellement), « apèn 18tan pitit la fini » le terme « coupé », implicitement est dénoté (scier/ découper) et connoté (l’acte sexuel). Il demeure de même pour les présupposés retrouvés dans le texte.

Jean Gesner Henri, auteur et musicien très prolifique haïtien, a laissé une œuvre très riche dont la densité et la fraîcheur que la problématique n’a pas fini de susciter de débats, d’études et de controverses.

 

James Stanley Jean-Simon

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