Maurice Alfredo Sixto, un humoriste incontournable aux multiples talents

Depuis sa naissance, la littérature haïtienne s'est inscrite comme une littérature de combat. Cet engagement dans les luttes sociales, économiques et politiques se retrouve à travers les différentes périodes littéraires, notamment chez les romanciers de la génération de la Ronde tels que La Famille des Pitite Caille, Romulus, Thémistocle, ainsi que dans la littérature moderne avec des auteurs tels que Gary Victor, Frankétienne, Trouillot, etc., qui continuent de s'appuyer sur ces revendications.

Ces revendications sont également portées par les humoristes, et Haïti en a connu plusieurs. Cependant, avant Maurice Alfredo Sixto, aucun d'entre eux n'avait réussi à dépeindre avec autant de finesse et de talent la réalité quotidienne que nous vivons. Il abordait avec un regard acéré la pauvreté galopante du pays et dénonçait avec un humour mordant l'incurie de la classe politique. Son lyrisme reflétait de manière juste les problèmes socio-économiques auxquels les Haïtiens sont confrontés au quotidien.

Sixto n'hésitait pas à se moquer des politiciens corrompus et incompétents qui plongent le pays dans le chaos et la misère. Il savait alerter sur des sujets sensibles tels que le marasme économique et critiquer la mauvaise gouvernance ainsi que le clientélisme politique.

À travers ses œuvres, il dénonçait le manque d'humanité collective, l'intolérance et l'injustice sociale. Ses revendications d'hier sont toujours d'actualité aujourd'hui. Malgré les décennies passées, la réalité demeure inchangée. Les problèmes d'hier, ajoutés à ceux d'aujourd'hui, plongent le pays dans un chaos absolu. Sixto a su habilement marier la littérature et la politique. La littérature chez Sixto est un moyen pour lui d'exprimer son engagement en tant que citoyen dans la société. Ses œuvres sont le reflet de nos mœurs. Elles lient espoir et revendication.

En effet, qu'a-t-il donc dit et revendiqué à travers son lyrisme ? N'est-il pas le premier Haïtien de sa génération à décrire le quotidien haïtien avec une telle dimension ? Ses personnages, encore présents dans la vie courante, témoignent de son génie.

Ainsi, Haïti continue de produire et de reproduire des citoyens tels que Ton Chal, l'ambitieux du pouvoir, Léa Kokoyé, victime de sa classe sociale et du complot du parrainage, et Zabèl Bock, ce gros paresseux dont le français est son unique argument. Il ne faut surtout pas oublier les milliers de «ti Sentaniz » sans éducation, subissant toutes sortes d'injustices.

Ces personnages lui permettaient d'aborder des thématiques sociétales fortes, telles que les inégalités ou la violence faite aux femmes.

Rien n'a changé depuis ! Tout s'est, au contraire, aggravé et empiré. Son œuvre le place sûrement parmi les éternels, au même titre qu'un Victor Hugo en France. Cependant, aussi génial et peut-être orgueilleux qu'il aurait pu être, des décennies après sa mort, son œuvre humoristique reste d'actualité et résonne auprès du public haïtien. Il ne serait sûrement pas fier de retrouver les mêmes situations qu'il dénonçait avec tant de véhémence.

En fin de compte, Maurice Sixto, promouvoir le créole,  œuvrait aussi pour une meilleure inclusion de tous les Haïtiens, quel que soit leur milieu social ou leur niveau d'éducation. Reconnaître cette langue comme officielle  lui donnait toute la dignité et le respect qu'elle méritait. Grâce à son engagement indéfectible, le créole haïtien a aujourd'hui toute sa place en Haïti. Une langue qui a longtemps été dénigrée et peu valorisée au profit du français. Sixto s'est battu pour lui redonner toute sa place.

 

Feguerson Fegg Thermidor

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