Musée de la Diaspora haïtienne: hommage aux travailleurs de la construction ?

Dans un même quartier ou dans la même ville d’accueil, il existe des familles haïtiennes établies en dehors de la terre natale, où le père, un de ses fils, parfois le grand-père, un oncle, une mère, ou une tante entre autres, qui travaillent par occasion et font carrière dans le secteur de la construction.

De père en fils, ils vont parfois se compléter et se succéder au fil des générations au sein de la même entreprise d’embauche. En attendant de vous livrer ces belles pages d’histoire méconnues et marginalisées dans la diaspora haïtienne, je vous invite à comprendre le sens et l’importance de célébrer dans un proche avenir l’histoire des travailleurs haïtiens dans les entreprises de construction à travers le monde.

De la mémoire à la reconnaissance, la prochaine exposition autour du thème “La diaspora haïtienne des bâtisseurs”, permettra de découvrir et de valoriser à la fois les nombreux talents haïtiens dans le domaine de la construction. Cette catégorie de travailleurs représente un des chantiers de la diaspora haïtienne à documenter et à valoriser, pour l'intégration, l'éducation et l'orientation des nouveaux arrivants dans la plupart des pays d'accueil.

Différents corps de métiers, les uns les plus influents que d’autres, tous complémentaires dans les industries de l’habitat et de l’aménagement du territoire, recrutent et regroupent à travers le monde des dizaines, des centaines et des milliers d’Haïtiens.

Des bottes abîmées sous les poids des mouvements infinis dans toutes les directions, entre la profondeur des fondations et les hauteurs des installations de toutes sortes ; Des casques endommagés ou fissurés qui ont au moins une anecdote à raconter pour chaque chantier revisité ; Des collections de lunettes et des gants, des ceintures et des gilets parmi les autres accessoires de travail et des boîtes à lunch endommagées, sont autant d’objet témoins, des souvenirs et des pièces à exposer dans cette prochaine exposition.

D’un chantier à un autre, d’une ville à une autre, d’un pays à un autre, contrairement sur les chantiers en Haïti qui imposent les trois rituels (du pain, de l’eau et du sucre), des restaurants ambulants improvisés, et l’opportunité pour certains superviseurs ou ouvriers de s’offrir une nouvelle maitresse, ils sont nombreux les récits spécifiques aux travailleurs haïtiens de la construction dans les pays étrangers. Les histoires rapportées par les ouvriers haïtiens en République dominicaine, sont beaucoup plus proches de celles des autres chantiers dans la Caraïbes et l’Amérique latine même si parfois l’environnement physique, social et culturel diffère, que les grands chantiers en Europe et en Amérique du Nord. A l’ombre des projecteurs, à tort ou à raison, les Haïtiens dans la diaspora continuent d’écrire à leur manière l’histoire de la construction des villes, tout en déconstruisant certains mythes et des préjugés sur Haïti.

De patron de la firme à consultant ou superviseur, en passant par les postes et fonctions de contractuels, de techniciens, d’opérateurs aux ouvriers, les Haïtiens sont bel et bien présents partout, sur de nombreux chantiers. Leurs compétences diversifiées sont souvent sollicitées dans les domaines du génie-civil et en architecture, opérateur des engins lourds, ferronnerie, soudure, maçon, béton, plomberie, électricité, installation de portes et fenêtres, transport, logistique, jardinier, décorateur, jardinier, entretien des chantiers, et dans la sécurité, entre autres.

D’autres haïtiens plus chanceux ou mieux intégrés et préparés finissent par faire carrière dans le domaine de la construction, en dehors de l’immobilier, comme de véritables entrepreneurs bâtisseurs à succès. Qui sont-ils ces hommes et femmes ingénieurs, architectes, urbanistes, décorateurs, jardiniers entre autres ? Pourquoi et comment utiliser leurs parcours pour inspirer les nouveaux arrivants qui pourraient mieux réussir professionnellement dans des chantiers éloignés que dans des villes économiquement saturées ?

Des femmes et des hommes d’origine haïtienne à présenter, à honorer, à vulgariser dans la promotion de la diaspora des bâtisseurs.

Durant les dernières décennies, nombreuses sont les initiatives publiques, politiques, communautaires et médiatiques, portées à travers des cérémonies d’hommage qui mettent souvent à l’honneur les membres de la diaspora haïtienne qui évoluent dans plusieurs secteurs d’activités les plus en vue. On peut citer notamment les domaines artistiques, culinaires et culturels, politiques, économiques, académiques et éducatifs, et sans oublier la santé ou la médecine, les technologies et le sport parmi d’autres secteurs et disciplines. Pourquoi oublie-t-on souvent de rendre hommage aux ouvriers et aux entrepreneurs de la construction, ces courageux bâtisseurs qui évoluent aux quatre coins du monde et représentent fièrement la diaspora haïtienne ?

Désormais je vous invite à saluer le travail assidu, les contributions invisibles et l’impact significatif de ces ouvriers et techniciens porteur du flambeau de la diaspora haïtienne, sur les toits des nombreux édifices au sein desquels ils ont travaillé corps et âme dans la transformation et l’ajustement des différents matériaux à l'origine de ces habitats, ces infrastructures et ces monuments qui rendent vivantes et attractives de nombreuses villes dans le monde.

De la réalisation de certains rêves d'enfance pour construction des édifices et des villes, en passant par la reconversion professionnelle imposée par la migration, et la délocalisation fréquente des membres de la diaspora haïtienne d’une région à une autre, ils sont nombreux ces travailleurs et travailleuses haïtiens qui évoluent dans la construction, qui, au soir de leur vie, souhaitent autant raconter leurs parcours au public, partager certains témoignages retenus sur les nombreuses chantiers qui portent les empreintes de leurs bottes et leurs gants.

De quoi être fier, à défaut de décerner à tous les travailleurs et bâtisseurs de la diaspora haïtienne une plaque d’honneur pour avoir contribuée dans la construction des édifices de toutes sortes qui rayonnent un peu partout dans le monde, l’organisation de cette exposition accompagnée d’un catalogue illustrée viendra certainement sortir de l’ombre ces valeureux et courageux bâtisseurs oubliés et marginalisés dans le secteur de la construction, que dans la solidarité exprimée par les membres de leur communauté, et certainement par leur pays d’origine, en dépit de leurs contributions économiques réalisées sous le poids des sacrifices, des matériaux et souvent dans des chantiers difficiles et extrêmement à risque.

Derrière les clôtures des chantiers, et leurs visages effacés sous les casques et les masques, ces nombreux haïtiens et haïtiennes continuent de travailler fièrement depuis les fondations jusqu'à l’érection de nouvelles vues architecturales dans les différentes villes, qui servent souvent de repères pour comparer et critiquer la majorité des villes haïtiennes.

Dommage que les nationalités des nombreux ouvriers qui ont travaillé dans les plus importantes constructions dans les plus grandes villes du monde, ne soient mentionnées nulle part sur les murs des clôtures, des vitrines ou des plaques d’honneur et mérite. Les Haïtiens en République dominicaine et dans plusieurs autres pays du Nord et Sud seraient ainsi plus fiers pour justifier leur place visible et leurs contributions lisibles dans l’histoire de ces pays, et l’aménagement de leurs villes.

Des enfants et petits-enfants issus des plus récentes générations de la diaspora haïtienne aux Etats-Unis, en France, au Canada, au Brésil, et surtout en République dominicaine entre autres, seraient certainement plus fiers de prouver, de justifier ou de rappeler que leurs parents et grands-parents ont travaillé dans des conditions certainement très difficiles, dans la construction des plus beaux chantiers et des édifices parmi les plus imposants, que l’on continue de célébrer et de visiter des décennies et des siècles après dans la ville.

Dans les différentes communautés haïtiennes à l’étranger, les travailleurs décédés ils y a plusieurs années, les ouvriers retraités des chantiers de la construction, autant que les proches, les amis, les anciens camarades de classes et les collaborateurs convertis, y compris les artistes, mes amis et anciens cadres haïtiens qui évoluent dans la construction a l’ombre des projecteurs et des honneurs réservés à certains corps de métiers dans la diaspora pourront s’approprier de ce texte.

De la mémoire à la reconnaissance, dans une perspective de justice sociale, cet hommage dédié aux travailleurs et entrepreneurs de la construction dans la diaspora haïtienne, en attendant que leur terre natale se mobilise pour les accueillir, s’inscrit dans une triple dynamique assurant dans un premier temps : 1- Le plaidoyer pour la valorisation des métiers dans l’ombre dans la diaspora haïtienne ; 2-La promotion des bâtisseurs haïtiens anonymes et invisibles ; 3- La valorisation de la mémoire de ces hommes et ces femmes dans leurs familles et leurs communautés respectives, pour une reconnaissance effective de la génération actuelle, et pour l’éducation des générations futures.

Dominique Domerçant

 

 

 

 

 

 

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