Nos muses les murs : entretien avec Godson Moulite, poète de l’« auréole créole »

Nos muses les murs : entretien avec Godson Moulite, poète de l’« auréole créole »

L’anthologie Nos muses les murs occupe une place singulière. Elle rassemblant des voix françaises, caribéennes, asiatiques et africaines autour d’un projet commun : dresser, par la poésie, un mur de mémoire et de résistance. Parmi ces voix, celle de Godson Moulite attire l’attention par la densité de son écriture et la force symbolique de son poème inédit qu’il qualifie lui-même d’« auréole créole ».  Son texte dans Nos muses les murs s’inscrit dans cette continuité : il fait dialoguer la mémoire du cimetière de Port-au-Prince avec les imaginaires de la Caraïbe, en passant par les grandes voix de la francophonie littéraire.

« Un poème est une cicatrice qui parle », explique Moulite, rencontré à l’occasion de la sortie de l’anthologie. « mon poème est inédit, j’ai voulu inscrire la blessure de l’exil et la lumière fragile de l’espérance dans une même image. L’auréole créole, c’est cela : une clarté née de la fracture. »

Publié par une maison attentive aux écritures contemporaines MINDSET ÉDITIONS, Nos muses les murs réunit des figures majeures de la poésie française et caribéenne : des auteurs marqués par l’héritage de Césaire, de Glissant ou encore de René Depestre, mais aussi des voix émergentes qui interrogent les bouleversements du monde actuel. L’ensemble compose une polyphonie où se croisent la mémoire du monde bouleversé par la guerre, les révoltes contemporaines et l’intime.

Pour Godson Moulite, cette dimension collective est capitale :

« Participer à cette anthologie, c’était comme entrer dans un chœur. J’ai apporté ma voix, mais elle ne prend sens que parce qu’elle dialogue avec les autres. Ce livre est un mur, oui, mais un mur d’échos, de graffitis, de traces. Chaque poème y devient une brique de mémoire. »

Dans son poème, le poète s’approprie l’image du mur, non pas comme une barrière, mais comme une surface ouverte à l’imaginaire. Les étoiles qu’il tente de décrocher ne sont pas inaccessibles : elles sont proches, suspendues au-dessus des fissures et des blessures. La langue se fait à la fois incantatoire et méditative, portée par le rythme d’un créole intérieur qui ne renie pas la rigueur de la tradition classique. Là se situe sans doute l’originalité de Moulite : sa poésie puise dans la mémoire sahélienne et andalouse autant que dans l’esthétique créole et caribéenne. Elle dépasse les frontières habituelles de la francophonie pour proposer une vision véritablement transatlantique.

L’entretien révèle aussi la manière dont l’auteur conçoit l’anthologie comme une passerelle. « La rencontre entre les poètes français et caribéens est essentielle. Elle ne gomme pas les différences, elle les éclaire. L’Atlantique n’est pas une frontière, il est une mémoire liquide qui nous relie. »

Cette conviction rejoint les réflexions de Glissant sur la « poétique de la Relation » : la poésie, loin d’être un refuge individuel, devient un lieu de circulation et de résistance.

À travers Nos muses les murs, la poésie retrouve une fonction politique et spirituelle. Sans slogans ni manifestes explicites, les textes composent une fresque où la parole poétique se fait arme contre l’oubli et refuge contre les déracinements. La contribution de Godson Moulite, avec son auréole créole, incarne cette tension entre mémoire et avenir, douleur et espérance.

« La poésie demeure l’un des derniers territoires libres. Écrire dans cette anthologie, c’était rappeler que nos muses ne sont pas prisonnières : elles montent sur les murs pour regarder plus loin que l’horizon. »

 

Stéphanie Jean

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